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Les succès de la Chine en Afrique au cours des 10 dernières années montrent la suprématie d'une économie communiste basée sur un système autoritaire sur une économie capitaliste portée par un système libéral et démocratique.

Par Haykel Fakhfakh*

La Chine n'arrête pas de faire parler d'elle. En effet, depuis 2012, ce pays est devenu la première puissance économique avec des échanges extérieurs évalués à plus de 3.870 millions de dollars, contre 3.820 milliards de dollars pour les Etats-Unis d'Amérique, qu'il a ainsi détrôné.

Et pour alimenter son économie, stimuler sa croissance et faire fonctionner ses usines, la Chine qui exporte tout (ou presque) importe aussi tout (ou presque). Ce pays achète tout ce qui est bon pour faire fonctionner normalement son économie, du pétrole au gaz en passant par les minerais jusqu'aux produits agricoles, d'où l'intérêt chinois pour le continent africain qui regorge de ressources naturelles, et notamment d'énergie et de minerais.

Le Forum sur la coopération sino-africaine

Pour assurer son approvisionnement et maintenir sa place parmi les autres puissances comme les Etats-Unis, l'Union Européenne et l'Inde, la chine a utilisé tous ses moyens, militaires économiques et politiques, pour faire main basse sur le continent noir.

Depuis les années 2000, la Chine a lancé une opération séduction et a pris de court les autres puissances en lançant le Forum sur la coopération sino-africaine. Une rencontre devenue au fil des ans une messe qui réunit les grands acteurs de la politique et de l'économie africaine et chinoise.

Le géant chinois est obligé aujourd'hui, vu le contexte de mondialisation, de chercher des ressources naturelles en dehors de ses frontières et de trouver de nouveaux points d'approvisionnement plus sûrs et moins dépendant des aléas géopolitiques, à l'instar des partenaires énergétiques traditionnels du golfe Arabo-Persique.

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La Chine est présente dans tous les secteurs en Afrique, et notamment le bâtiment et travaux publics.

La Chine est ainsi devenue un partenaire commercial et économique solide des pays africains en effaçant une ardoise de ces pays estimée à 1,5 milliard de dollars et en leur accordant de nouveaux crédits de longue durée qui ont atteint 20 milliards de dollars en 2012.

Chaque dictateur est un possible partenaire

Ainsi la Chine est devenue le principal bailleur de fonds de l'Afrique, un recours plus sûr et moins contraignant pour les pays africains qui peinent à obtenir des prêts des institutions financières internationales comme le Fond monétaire international (FMI) ou la Banque Mondiale (BM). Car, au-delà des taux intérêts souvent considérés comme abusifs, ces institutions financières imposent des conditions politiques qui ne sont pas toujours au goût des dirigeants africains.

L'obtention de crédits bancaires est vitale pour le fonctionnement des économies africaines, mais elle a toujours été couplée à l'imposition de modèles économiques contraignants et à l'ingérence dans la politique intérieure des pays auxquels il est demandé plus d'efforts en matière de transparence financière, de droits de l'homme et de démocratie, ce qui n'est pas facile à garantir dans une Afrique dévastée par la corruption et gangrénée par des régimes dictatoriaux.

La Chine a tout compris sur la manière de séduire les Etats africains et l'ancien président chinois Hu Jintao l'a dit clairement : «Seulement des affaires et pas de condition politique». Aussi la Chine ne se mêle-t-elle jamais des affaires intérieures des pays avec lesquels elle coopère, restant fidèle aux principes de l'accord de Panchsheel, fruit d'un traité sino-indien signé en 1954, et qui prône la non-ingérence mutuelle dans les affaires intérieures d'un autre pays.

Partant de ce principe, le consensus de Pékin, qui insiste sur la non ingérence mutuelle, offre plus d'avantages que le consensus de Washington; ce qui explique que plusieurs pays africains se sont tournés vers la Chine pour nouer des relations de plus en plus étroites.

Des Seychelles à l'Angola, tous les Etats se valent

Au-delà de cet accord, la diplomatie chinoise sait aborder et charmer les pays africains en employant la recette miracle qui consiste à créer des sommets bilatéraux, fournir des aides massives, accorder des bourses aux étudiants, développer un commerce bilatéral et booster les investissements communs.

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Le président Hu Jintao à l'ouverture de la 5e Conférence ministérielle du Forum sur la Coopération sino-africaine (FCSA), le 19 juillet 2012 à Pékin.

L'Afrique, depuis les années 2000, est ainsi devenue une destination incontournable pour les dirigeants chinois. On estime actuellement que les hauts responsables chinois rendent visite à un pays africain chaque trimestre. Il s'agit de visites souvent unilatérales, effectuées par les plus hauts fonctionnaires chinois et les dirigeants du Parti communiste chinois et qui ont vocation à redonner à l'Afrique une véritable considération sur la scène internationale et donc un nouvel espoir. Et peu importe la taille du pays, le type du régime qui y est en place ou son niveau de développement économique, car rien n'interdit de nouer des affaires et des accords de coopération.

A peine élu, le 14 mars 2013, le nouveau président chinois Xi Jinping s'est envolé vers l'Afrique après une première visite en Russie, et ces premiers voyages ont beaucoup d'importance, car ils montrent le grand intérêt et l'importance qu'accorde le nouveau gouvernement aux pays partenaires.

La Chine part toujours du contexte d'une collaboration efficace et amicale en tenant un discours qui ne sous-estime pas les pays africains bien que leurs économies respectives soient minuscules par rapport à celle de la Chine. Et qui souligne une volonté de partager l'expérience et le miracle économique qui a fait sortir de la pauvreté et du chômage des centaines de millions de Chinois.

La Chine ne se présente donc pas comme une donneuse de leçons pour les Etats africains, comme le fait la France à travers sa politique paternaliste connu sous l'appellation Françafrique ou les Etats Unis via le consensus de Washington. Elle se présente plutôt comme un pays offrant de nouvelles alternatives et qui opte pour des accords gagnant-gagnant.

L'Afrique comme scène de confrontation diplomatique

Bien que la Chine privilégie, au début, les relations purement économiques avec l'Afrique, elle n'en utilise pas moins son poids financier et son influence monétaire pour essayer d'influencer la politique extérieure des pays africains.

Ainsi donc la République populaire de Chine a-t-elle pu isoler diplomatiquement l'Etat de Taiwan, nommé aussi la République de Chine, en usant de tous les moyens possibles pour faire pression sur les pays du contient africain et les amener à réduire au maximum leurs relations avec le frère ennemi. Les Etats africains ont eu donc à choisir, en tenant compte de leurs intérêts, entre une Chine capitaliste et démocratique et une Chine communiste et autoritaire.

A vrai dire, le choix n'était pas dur à faire. Aujourd'hui, seuls 5 Etats africains reconnaissent Taiwan dont 4 Etats microscopiques, et qui n'ont pas de poids diplomatique au sein des Nations-Unis.

Entre 1994 et 2006, Taiwan a perdu le soutien politique du Lesotho, de l'Afrique du Sud, du Niger, de la Centrafrique, de Guinée-Bissau, du Sénégal, du Tchad et du Malawi, ce qui hypothèque sa reconnaissance au sein de l'organisation internationale.

Le soutien politique ne s'arrête pas là, étant donné que la Chine est aussi une puissance nucléaire déclarée, donc membre du Conseil de Sécurité des Nations-Unies et bénéficiant du droit de veto. Ce droit représente un refuge sûr contre des projets de résolution envers les pays aux régimes totalitaires. Grâce à ce vote d'opposition, le Soudan, par exemple, a bénéficié d'une protection internationale contre d'éventuelles sanctions sévères à l'encontre du régime d'Omar Al Bachir.

La relation entre la Chine et l'Afrique et la guerre diplomatique entre la Chine et Taiwan menée en terrain africain montre encore une fois la suprématie d'une économie communiste basée sur un système autoritaire sur une économie capitaliste portée par un système démocratique.

Cette guerre diplomatique et économique, jusque-là gagnée par la Chine, montre aussi les faiblesses ayant conduit à l'échec de la politique paternaliste de la France en Afrique.

La France, qui semble avoir retenu cette leçon, a commencé à changer de discours et de posture. Ce changement est très visible dans la politique de François Hollande, qui a annoncé la fin de la «Françafrique» lors d'un récent discours devant les parlementaires marocains.

* Pharmacien.