Un faux post attribué à Habib Kazdaghli est en ce moment diffusé sur Facebook. Le doyen de la Faculté des lettres de Manouba, actuellement au Canada, y annonce une série de conférences... en Israël. Une intox qui en fait la cible d’éventuels tueurs.
Par Habib Mellakh*
S’il a surpris de nombreux amis du doyen et de nombreux internautes, plusieurs habitués des réseaux sociaux, a priori outillés pour flairer l’intox, ont été bernés. Retour sur ce qui apparaît comme un banal faux statut pour démasquer les desseins criminels de ceux qui persécutent le doyen Kazdaghli depuis plus de deux ans. Le compte de Habib Kazdaghli a été piraté l'année dernière. C'est ce compte piraté qui est aujourd'hui utilisé pour porter préjudice à l'image de marque du doyen. Déjà, le 9 mars 2012, Abou Iyadh, filmé par Hannibal (émission ‘‘Ala Attariq’’) avait présenté Habib Kazdaghli comme «l'agent du Mossad, un franc-maçon et un laïc, un grand criminel», et avait exigé sa traduction devant les tribunaux, condition sine qua non – de son point de vue – pour qu'il livre à la justice le jeune Bdiri, membre d'Ansar Charia et profanateur du drapeau national. La suite, on la connaît. Pire que la comparution en justice, cet anathème lancé contre Kazdaghli était un permis de tuer. De fait, il n'a pas fallu longtemps pour que le doyen figure sur la liste noire des salafistes comme le suprême mécréant et le traître infâme à abattre. Si vous vous reportez à la page piratée (il y a une photo d'identité du Doyen comme photo de profil), vous verrez qu'à l'heure où j'écris, Ayoub Messaoudi s'est fait prendre au piège. Perplexe, il commente le faux statut en laissant entendre qu'il aurait volontiers appelé à l'instruction d'un procès contre le doyen, si le gouvernement actuel ne donnait pas lui-même le mauvais exemple de la normalisation avec Israël: «Comment exiger que cette personne soit jugée pour le délit de normalisation avec le sionisme alors que notre gouvernement «athawria jiddan» (ultra-révolutionnaire, antiphrase) est le plus grand des normalisateurs», et il appelle la société civile à une rapide et forte mobilisation pour répondre à ce qu'il considère comme une provocation du doyen. C'est gravissime. Si cette intox leurre à ce point un homme aussi mesuré que Ayoub Messaoudi (à moins que son statut, en réaction à l’annonce, ne soit lui aussi un faux), qui est un politicien chevronné, on peut considérer qu'elle ne peut que priver de leur discernement les illuminés au point de les pousser à tuer. On peut, du reste, la considérer comme une incitation à l'adresse des fanatiques pour qu’ils tuent. Au moment où j'écris ces lignes, des pages nahdhaouis dénoncent avec la plus grande violence «l'agent d'Israël», «le suppôt du sionisme», et j'en passe. Ce faux post attribué au doyen est une riposte à ses tournées réussies dans les universités d'Amérique du Nord, celle qu'il est en train d'effectuer au Canada (des vidéos de sa dernière conférence à l'Université de Laval ont été diffusées sur les réseaux sociaux) et celle faite aux Etats Unis et couronnée d'un grand succès, et destinées, entre autres, à présenter son combat pour la défense des libertés académiques. Ne faut-il pas se débarrasser d'un adversaire de cette trempe, capable de battre en brèche la fable d'un islamisme modéré, relayée, en Europe et en Amérique, par plusieurs associations et personnalités du monde politique et de la société civile? Dans La véritable page Facebook du doyen, où il y a la mention «nouveau compte» et une autre photo de profil, figure, parmi les statuts les plus récents, la photo de Habib Kazdaghli en conférence à l'université de Laval, photo partagée par Bader Ben Mansour. Habib Kazdaghli, l'une des cibles privilégiées du salafisme, doit être surprotégé à son retour à Tunis et la garde rapprochée dont il bénéficie doit être renforcée pour qu’il ne soit pas immolé à l’autel de l’obscurantisme! * Universitaire, syndicaliste, professeur de littérature française à la Faculté des lettres de Manouba. |