moncef marzouki banniere 11 30

L'auteur revient, sur sa page Facebook, sur le «livre noir» produit par les services de Moncef Marzouki, «qui bafoue les règles de la déontologie et nuit gravement à l'image de cette institution.»

Par Ayoub Massoudi*

Il y a quelques mois, j'ai alerté la société civile et plus particulièrement le Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT), dans leur siège central au Belvédère, sur la tentative de la présidence de la république d'opérer une grande manipulation des archives de Abdelwahab Abdallah, cette fameuse «archive noire» en vue de soudoyer, faire taire, ou diffamer des médias ou des journalistes!

Le non respect des institutions

Dans un contexte politique, socio-économique et régional explosif, voilà que la présidence de la république nous montre encore une fois non seulement sa déconnexion du vécu tunisien mais aussi une nouvelle facette de cette décadence qui caractérise la politique «troïkiste» (par allusion à la «troïka», la coalition au pouvoir, NDLR), une politique aux antipodes du respect des institutions, de la déontologie et de la séparation des pouvoirs.

Quand j'ai commencé à découvrir cette archive lors de mon court séjour à Carthage, j'ai très vite compris qu'il s'agit là d'une importante partie de l'histoire de la patrie dont j'étais, avec le cabinet présidentiel dont je faisais partie, un des gardiens et qu'il nous incombait d'en faire le bon usage.

Conscient de cette lourde responsabilité, j'ai alors contacté Mme Najiba Hamrouni (présidente du SNJT, NDLR), sans revenir au directeur de cabinet (à l'époque Imed Daïmi, l'actuel secrétaire général du Congrès pour la République, NDLR), pour partager avec elle une part du fardeau en quelque sorte.

Je lui ai expliqué que la question doit être ouvertement débattue, avec tous les corps de métier concernés (magistrature, syndicats, historiens, documentalistes....), et que la présidence de la république pourrait offrir le cadre à ce débat sans essayer de l'orienter ou l'influencer.

Je lui ai exposé mon point de vue, le même que j'ai défendu lors d'une réunion avec le président de la république, des représentants du SNJT et de l'Association des magistrats tunisiens (Mme Kalthoum Kannou était présente): «L'archive doit être donnée à une partie apolitique, une sorte de commission mixte formée de journalistes syndicalistes, magistrats et académiques».

Quand le directeur de cabinet a su la teneur de mes discussions avec le syndicat des journalistes, il a transféré l'archive noire à un autre membre «plus proche» au sein du cabinet, afin d'en faire le «bon usage». J'ai alors découvert entre autre qu'on a permis à des médias étrangers comme Al-Jazira d'utiliser certains documents, les filmer...

On découvre aujourd'hui un «livre noir» produit par la présidence de la République qui bafoue encore une fois les règles de la déontologie et nuit gravement à l'image de cette institution.

Une mentalité opportuniste

Cette affaire est symptomatique d'une mentalité opportuniste et machiavélique, les personnes qui se sont accaparées d'une part de l'histoire, en y voyant une carte politique à jouer, un moyen de pression pour acheter ou soudoyer des journalistes, voyaient en mon approche institutionnaliste de la pure naïveté politique.

Encore une fois, Moncef Marzouki prouve qu'il a vendu son âme au diable. Cet intellectuel qui s'est fait du slogan «la cohabitation entre islamistes modérés et laïques modérés» son cheval de bataille, se voit aujourd'hui en perte de crédit. Les islamistes sont au pouvoir, le CpR étant, avec Ettakattol, les façades laïques de cette «troïka» en crise de légitimité, tous les moyens sont bons pour bien asseoir son pouvoir et assurer l'allégeance d'une partie des médias et des journalistes qui ont peur d'être dévoilés...

Ce ne sont pas les informations dévoilées au grand public qui sont importantes, mais bel et bien ce que cache ce «livre noir» en vue d'être utilisé comme des cartes d'atout au bon moment.

Marzouki a trahi la révolution, et par dessus tout il a trahi son slogan: «La ruse c'est d'abandonner les ruses».

* L'ex-conseiller en communication du président provisoire de la république.

** Les titre et intertitres sont de la rédaction.

Article lié :
Tunisie-Médias : Moncef Marzouki règle ses comptes avec les journalistes insoumis