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Malika Benarab-Attou, eurodéputée Les Verts/ALE, soutient l’initiative des ONGs qui demandent le retrait du décret n°2013-4506 qui met en place un système de surveillance géré par Agence tunisienne de l’Internet (ATI) de Ben Ali.

Par Malika Benarab-Attou*

 

Le 20 nombre dernier, le ministère des Technologies, de l’information et de la communication tunisien annonçait la création de l’Agence technique des télécommunications (ATT).

De nombreuses associations, dont Reporters sans frontières, fustigent déjà ce nouveau dispositif et ces méthodes de création qui nécessite «une réflexion approfondie sur l’ensemble de la législation encadrant le système de surveillance, des discussions à l’Assemblée nationale constituante (ANC), ainsi que la mise en place de mécanismes de concertation avec la société civile».

Extension du champ de la surveillance des communications

La création de l’ATT a été précédée par l’adoption du décret n°2013-4506 qui met en place un système de surveillance géré par l’ATT et qui rappelle l’ATI (Agence tunisienne de l’Internet) de Ben Ali.

En effet, les articles 15 et 17 prévoient que «l’ATT peut recevoir des dons et que les agents en activité continuent à bénéficier des primes et avantages, ce qui laisse craindre que les ressources humaines et les biens matériels de l’ATI soient cédées à l’ATT».

Ce décret défini l’ATT comme un «établissement public à caractère administratif», mis sous tutelle du ministère des Technologies de l’information et de la communication.

Le directeur général de l’ATT ainsi que les directeurs des «services spécifiques» seront «nommés par décret, sur proposition du ministère des Technologies de l’information et de la communication».

Dès lors, on peut s’interroger sur la pertinence de ce choix, qui évince totalement le ministère de la Justice. Globalement, ce texte ne respecte pas les dispositions relatives à «la gouvernance des mécanismes de surveillance d’internet, comme le contrôle par une autorité judiciaire indépendante, les principes de nécessité, pertinence et proportionnalité des mesures de surveillance ainsi que la transparence et le contrôle du public».

Par ailleurs, ce texte manque de précisions, présente des contradictions et ouvre la voie à des interprétations qui pourraient étendre le champ de la surveillance des communications sans contre-pouvoir et contrôles véritables. Par exemple, l’article 2 prévoit un appui technique aux investigations judiciaires dans «les crimes d’information et de la communication».

Cette notion, qui n’est même pas définie, n’est pas reprise dans le code pénal tunisien. En ce sens, le décret fait référence à la «législation en vigueur» sans préciser les dispositions concernées. Ceci alors même que «l’arsenal juridique en matière de surveillance et de données personnelles doit faire l’objet d’une profonde réforme globale».

L’article 5 prévoit que l’ATT doit exécuter «toute autre mission liée à (son) activité et qui lui est confiée par le ministre des Technologies de l’information et de la communication». D’où, «la crainte de voir l’ATT se transformer en un outil répressif aux mains du ministère de l’Information en matière de surveillance des communications, au-delà de l’appui technique aux investigations judiciaires».

On peut aussi s’inquiéter du fait que le texte ne mentionne à aucun moment l’intervention de l’autorité judiciaire, pourtant seule autorité compétente pour autoriser et contrôler les mesures de surveillance.

On ne sait pas non plus quelles seront les modalités de demandes d’investigation et de contrôle des actions de l’ATT.

La transparence du contrôle public

De plus, les articles 2 et 6 faisant référence aux «traités internationaux relatifs aux droits de l’homme» et aux «libertés publiques» sont floues et bien loin des ambitieuses recommandations faites par Frank La Rue.

Rapporteur spécial de l’ONU sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression, F. La Rue, rappelle que «les États doivent s’assurer que le droit à la liberté d’expression et la protection de la vie privée sont au cœur des cadres légaux relatifs à la surveillance des réseaux de communication». C’est pourquoi il est en faveur «de lois qui prévoient que la surveillance des communications par les États n’aient lieu que dans des circonstances exceptionnelles et uniquement sous le contrôle d’une autorité judiciaire indépendante. Des garanties doivent être prévues par la loi quant à la nature, l’étendue et la durée des mesures envisagées, les motifs nécessaires y avoir recours, les autorités compétentes pour les autoriser, les mettre en œuvre et les contrôler ainsi que les possibilités de recours prévues par la loi».

Il est donc primordial que les règles devant gouverner les mesures de surveillance soient impérativement détaillées notamment quant à leur «durée, leur proportionnalité ou leur finalité».

Enfin, on peut déplorer l’absence de transparence et d’information au public sur les mesures de surveillance. Les principes de «notification des utilisateurs, de transparence et de contrôle public» s’avèrent cruciaux.

Pour toutes ces raisons, Malika Benarab-Attou, eurodéputée Les Verts/ALE, soutient l’initiative des ONGs telles que Reporters sans frontières qui demandent le retrait du décret n°2013-4506 ainsi que les 13 «principes internationaux sur l’application des droits humains à la surveillance des communications».

La surveillance des communications est une question dont les enjeux sont énormes; elle touche aux libertés fondamentales et donc nécessite un débat public.

Malheureusement, la situation actuelle de la Tunisie ne lui permet pas d’entamer sereinement ce débat, raison de plus pour demander le retrait de ce décret.

Source : site web de Malika Benarab-Attou.