Un Africain demandeur d'asile à Genève s’est exclamé: «Ah! Si j'étais chien, j'aurais pu trouver bonheur et affection de vivre auprès des Suisses»). Il ne croyait pas si bien dire...
Par Houcine Ghali*
Ils sont 10.000 en Suisse (un pour 8 habitants) et 15 millions en France (un pour 4 habitants): les chiens sont rois en Europe occidentale. Dans les villes, les transports publics, les hypermarchés, les banques, les parcs, les restaurants et les joailleries grouillent de ces quadrupèdes que promènent leurs maîtres avec un amour débordant et une tendresse qui en dit long sur les manques affectifs de la société d'aujourd'hui. On vit avec, pour et au nom du chien. Le toutou occupe le temps dans un monde moderne où la solitude prend des proportions effrayantes. On parle à son chien par substitution à la rare communication humaine. On caresse son compagnon à poils pour meubler son désert affectif et on lui donne des ordres (couche-toi, assis, viens ici...) pour se façonner une respectabilité imaginaire et se targuer d'un pouvoir rassurant. Le chien n'est pas seulement l'animal qu'on doit protéger, mais surtout l'alibi pour des frustrations qu'on ose ni reconnaitre ni assumer, le substitut à un désert affectif qu'on fait semblant d' assumer et la panacée à une solitude affectant de plus en plus la société. Grâce à sa fidélité, à sa présence et à sa discrétion lors des rapports intimes, le chien cumule des qualités que l'homme ne cesse de perdre. On comprend dès lors pourquoi l'amour voué à cet animal dépasse l'entendement. Que de fois on entend des dames appeler leurs chiens «mon chéri», «mon bébé», «mon amour», «mon enfant», l’embrasser carrément sur le museau et lui prodiguer une affection débordante. Certains n'hésitent pas à lui réserver une place dans le même lit conjugale! A Lausanne, un Tunisien ayant dragué une fille possédant un petit toutou, raconte avoir été mordu par l’animal lors de l'acte sexuel! Jaloux, le chien ne lui a pas pardonné de prendre sa place et de houer son rôle! C'est sur le chien que se transfèrent les frustrations, les déceptions, les manques, la solitude et l'amertume dont souffrent des millions de citoyens européens. Quant à l'industrie et autres divers services qui se sont développés pour le bien-être des chiens, cela dépasse l'entendement lorsqu'on sait que des centaines de millions de personnes et surtout d'enfants affrontent quotidiennement la faim, le froid, les maladies et la misère, à travers le monde. Les restaurants pour chiens, les salons de toilettage de luxe pour toutous et toute la panoplie de riches parures pour ces quadrupèdes posent le problème de la prééminence de la dignité humaine sur les animaux. Il ne s'agit même pas de ne plus s'occuper des chiens, mais simplement de ne pas les gaver au détriment de nos frères humains qui se trouvent dans une détresse insoutenable. Abordant une dame tenant sur ses genoux un petit chien, dans un tram de Genève, je lui ai demandé: «Et si vous remplaciez votre chien par un enfant africain confronté à la faim et à la misère?». Elle m'a répondu, un brin agacée: «Exclu, monsieur, car ce chien m'apporte une tendresse et des émotions que personne d'autre ne peut me procurer. Un enfant, ça pense, ça grandit et finit donc par créer des problèmes. Pas le chien. Et de toute façon, je donne de l'argent à des associations caritatives pour aider les enfants en Afrique. La Suisse ne peut pas résoudre toute la misère du monde! Et puis, de quoi vous mêlez-vous? Chacun est libre de mener la vie qu'il veut. Si cela ne vous convient pas, vous n'avez qu'à changer d'air, car, après tout, personne ne vous a invité ici comme personne ne vous retient». Excédée, notre Suissesse a donc fini par sortir l'artillerie lourde d'un racisme bien feutré qui s'exprime d'une manière discrète propre aux Helvètes, comme la gérance des fortunes des pays pauvres et en voie de développement planquées dans les banques de ce pays par les tenants des pouvoirs et les mafieux de tout acabit. En attendant, les chiens en Europe continuent de mener une vie fort agréable tandis que des milliers d'enfants meurent chaque jour dans les pays qu'on appelle pudiquement en voie de développement (voir les différents Rapports de Jean Ziegler, rapporteur spécial de l'ONU pour les problèmes de la faim dans le monde, réalisés de 2004 jusqu'à présent). C'est ce qui a fait dire à un Africain demandeur d'asile à Genève: «Ah! Si j'étais chien, j'aurais pu trouver bonheur et affection de vivre auprès des Suisses»). * Tunisien résident à Genève. |
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