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A l'idée d'avoir perdu toute légitimité et de devoir céder leur pouvoir devenu insensé, les membres de l'Assemblée deviennent «fous» versent dans l'abus de pouvoir...

Par Monia Kallel*

Par où commencer? Comment dire aux re-présentant(e)s du peuple qu'ils ne re-présentent plus rien? Où crier ma colère contre cette supercherie historique d'une constituante qui déborde et dévore sa constitution?

La montée du «phénomène Amel Karboul» commençait, depuis quelques semaines, à m'offrir quelques éléments de réponse que le cirque du député Brahim Kassas ou Gassas est venu confirmer et clarifier. Dans mon bled, on appelle «gassass» le petit chemin de traverse (et de travers), le raccourci qu'on prend quand on ne veut pas (ou ne peut) être sur les grandes routes.

Le mal-être des élus

Mon raccourci à moi est de dire qu'à la base de tout ce remue-ménage, et de toute cette tension qui ne cesse de monter à l'intérieur de l'hémicycle du Palais du Bardo, il y a un sentiment profond de perte de légitimité, un sentiment que tous les députés partagent, cachent ou se le cachent.

Lorsqu'on perd l'autorité et qu'on ne peut plus s'imposer, il ne reste plus qu'à s'opposer, qu'à s'inventer des objets menaçants face auxquels on se pose pour continuer à résister (et à exister). Que ces «objets» s'appelle Ridha Sfar, Amel Karboul (figure idéale pour alimenter et s'alimenter des vives polémiques qui divisent la masse électorale) ou la loi de l'exclusion des Rcdistes (dont certains ont su se métamorphoser à temps et entrer dans la peau des révolutionnaires puristes), que ceux qui les énoncent font dans l'arrogance ou la discrétion, convoquent l'argumentaire religieux ou civique, les prises de position dénotent le mal-être des élus qui ne cherchent plus qu'à faire entendre leurs voix, qu'à parler contre les paroles. Ils tombent, de ce fait, dans les contradictions et l'incohérence.

Il n'y qu'à voir la réaction des sympathisants d'Al-Jomhouri après l'appui du parti au projet de motion de censure contre le ministre du Tourisme. Dans les réseaux sociaux (où Amel Karboul et Maherzia Laabidi sont présentées comme deux figures antithétiques), cet appui est interprété comme un calcul électoraliste, une tentative de rapprochement des islamistes.

Une impression de fin de règne

Le «contre» et le «pour», bien visibles dans les discours, sont symptomatiques d'une impression de fin de règne et d'une angoisse refoulée. L'explosion est survenue des lèvres de Gassas. Il s'est déchaîné contre la femme, contre les hommes-femelles, contre ses collègues qui n'ont pas voté contre les Rcdistes en insistant sur le «pouvoir» de l'Assemblée nationale constituante (ANC), seule instance légitime, crie-t-il.

La scène est grotesque et insultante mais attendue du «Gassass» (le petit chemin). Ce qui l'est moins c'est que certain(e)s «représentant(e)s du peuple» envisagent de porter plainte contre leur collègue et demandent son renvoi définitif. Ce qui présuppose qu'entre eux et lui, il y a une nette ligne de démarcation. C'est plutôt l'histoire du serpent qui se mord la queue...

Les maîtres de l'ironie nous ont appris que cette figure (du serpent qui mange sa queue) incarne le rire absolu. Ils distinguent le sage, celui qui se rit de lui-même, et l'insensé, celui qui se moque des autres pensant être supérieur à eux...

Le vénérable et très sérieux président de l'Assemblée constituante, Mustapha Ben Jaâfar, a rejeté en bloc les propos d'une jeune journaliste qui avait évoqué la possibilité de la fin des travaux de l'ANC... Il ne parle ni d'autorité ni de légitimité, mais du «respect des institutions» en omettant de nous dire ce qu'adviennent ces instituions lorsqu'elles transgressent leurs propres lois, et dépassent de deux années la durée pour laquelle elles ont été élues.

A l'idée de devoir quitter le pouvoir, les «sages» et les «fous» versent dans l'abus de pouvoir...

 

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