Des milliers de retraités (cadres, médecins, enseignants, ingénieurs, etc.) constituent, en Tunisie, un capital figé, non rentable et qui ne demande qu'à être rentabilisé.
Par Houcine Ghali*
Oui, en Tunisie, il y a des dizaines de milliers de retraités (anciens instituteurs, professeurs, médecins, ingénieurs, Pdg, juges, avocats, pharmaciens, employés dans divers secteurs, spécialistes dans tous les domaines), qui ont cessé de travailler dès l'âge de 60 ans.
Ils sont déjà privilégiés puisque dans des pays européens comme la Suisse, la retraite n'est possible qu'à 67 ans et plusieurs gouvernements cherchent même à la proroger au-delà de cet âge pour plus de production et pour participer à enrayer la crise économique.
Temps perdu et trésor d'expérience gaspillé
Mais que font tous ces retraités tunisiens dès qu'ils ne sont plus astreints à une présence de 8 heures par jour au travail? Que font-ils de leur temps libre? Ont-ils pensé un seul instant au bénévolat ou à l'adhésion à une association caritative ou humanitaire pour venir en aide à des pauvres gens qui sont désarmés intellectuellement et qui éprouvent pourtant une grande soif d' apprendre?
Malheureusement pas, ou disons que seule une proportion insignifiante d'entre eux s'engage dans ce sens, car les retraités tunisiens n'ont nullement la conscience ni la culture pour penser à faire bénéficier de leur connaissance, de leur savoir-faire et de leur expériences à un grand nombre de leurs compatriotes qui en ont un urgent besoin.
Mais vous les trouvez ainsi partout dans les cafés, chez eux ou ailleurs, à longueur de journée, à bavarder, à taper le carton, à disserter sur un match de football, à commenter les faits divers, à se raconter des histoires, à se lamenter sans cesse, à analyser la cause palestinienne, la guerre en Syrie, les péripéties de la révolution égyptienne, à inventer des blagues sur la troïka, Ennahdha et les personnalités politiques de l'opposition, bref, à s'occuper de tout et de rien mais jamais à s'engager pour des problèmes concrets qui concernent leur vie quotidienne et le sort de leurs compatriotes démunis.
Il est quand même extraordinaire de constater que les retraités tunisiens passent leur temps à analyser et à proposer des solutions aux problèmes des autres (Palestine, Irak, Syrie, Egypte, Afghanistan, Iran, Libye, etc.) mais sans rien faire de concret pour résoudre leurs problèmes et ceux de leur peuple aussi quotidiens soient-ils. Ils dédaignent l'engagement dans les partis politiques et les organisations de la société civile.
S'impliquer et se rendre utile
Le médecin retraité peut consacrer deux heures par jour pour aller rendre visite à des familles pauvres qui n'ont pas les moyens pour consulter un praticien privé, vu l'encombrement des hôpitaux publics. Il peut les ausculter, leur parler, les conseiller bénévolement. Mais il ne le fait pas et s'en fout de leur condition. Par contre, il se permet d'ouvrir, illégalement, un cabinet dans sa propre maison et recevoir des patients payants!
Le professeur ou l'instituteur aurait pu aider des enfants de familles de condition modeste et surtout de parents analphabètes, dans leurs devoirs pour qu'ils puissent avancer et réussir dans leurs études. Mais ils préfèrent végéter et s'occuper de futilités, en attendant de crever.
En revanche, ces retraités redeviennent tous de bons musulmans pratiquants, par peur de la mort, donc par hypocrisie.
Les dizaines de milliers de retraités cadres et intellectuels constituent un capital figé, non rentable. Ils refusent de consacrer du temps aussi minime soit-il pour la solidarité et surtout pour donner un sens à leur fin d'existence. Car, à 60 ans, on est encore capable de s'investir pour le développement du pays et pour aider ceux qui sont dans le besoin.
Mais pour avoir cette prise de conscience, il faut une autre politique dans ce pays et une autre mentalité chez les Tunisiens.
* Tunisien vivant à Genève.
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