Khalifa-Haftar-Banniere

En Libye (une Somalie à nos frontières ?) se joue un destin tragique qu'un général suspect, Khalifa Haftar, tente de conjurer. L'urgence pour les Tunisiens est de rester vigilants...

Par Kawther Hayder

A la suite de la destruction massive de la Libye par les forces armées de l'Otan, les terroristes de tout bord y ont naturellement trouvé une niche confortable, chaque noyau armé jusqu'aux dents, chacun versant un dérivé frelaté de religion à sa sauce. Ils ont pris le peuple libyen en otage: voilà le fait.

Transfuges d'horizons divers avec la complicité active des autocraties du Golfe, ils ont tous apporté dans leur rage criminelle aussi bien le coup de grâce à asséner à ce peuple martyrisé au nom de leur lubie nommée «califat» qu'une menace imminente très GRAVE contre les pays voisins et plus au sud encore.

Aussi, la realpolitk exige-t-elle d'urgence une coalition militaire très large entre les forces internes de plus en plus importantes réunies autour du général Khalifa Haftar, à la fois en liaison avec celles des armées des pays voisins sommés de se défendre contre ce fléau terroriste qui ravage déjà des pays de la région et d'ailleurs.

En attendant une paix hypothétique pour élaborer les solutions politiques du consensus, le temps presse car les opérations militaires doivent cette fois être gérées au niveau régional sans intervention étrangère quoiqu'avec l'appui nécessaire de services du renseignement de source variée internationale.

Une nouvelle Somalie à nos portes

En l'absence de tout pouvoir central légal accordé par les urnes et légitimé par la constante volonté du peuple, les actions du général Haftar et ses troupes ne peuvent compter que sur une légitimité conditionnelle. Elle ne sera éventuellement acquise qu'après coup suivant la capacité de ces acteurs militaires à remplir la tâche qu'ils se sont imposée pour effectivement protéger la population libyenne de la terreur et des crimes commis chaque jour par l'ensemble varié de ces bandes armées de quelque dénomination fussent-elles. Le contexte tragique n'est pas à la concertation ni au dialogue déjà absent culturellement. Le grand nettoyage en question s'impose donc comme une priorité militaire absolue avant d'ouvrir la voie à toute autre action pacifique et politique.

Plus tard, ce serait au peuple libyen une fois «libéré» de ses nouveaux bourreaux de décider de son destin si seulement il arrivait à structurer un dénominateur commun parmi les différentes ramifications complexes d'un pouvoir en miettes entre tribus, clans et régions afin de dégager une forme politique cohérente et stable de gouvernement – à défaut de bénéficier d'emblée d'une Nation et d'un Etat dans le sens moderne du terme. Car à notre humble avis, soit dit avec le respect du à ce peuple voisin, jusqu'ici Nation et Etat y étaient illusoires.

A la suite de son renversement du roitelet Idriss installé comme ailleurs par les vainqueurs de la Guerre Mondiale, le colonel Kadhafi avait mis en place au cours des décennies un système à sa mesure, quoique la population ait bénéficié relativement de la rente pétrolière. Il s'agissait d'un pouvoir personnel tout à la fois grandiloquent, paranoïde, populiste, paternaliste et coercitif, pour le moins qu'on puisse dire et pour être bref. La destruction massive par les forces de l'Otan a mis à nu la vacuité de ce système de gouvernement. Pas d'Etat, pas de Nation et par conséquent pas la moindre velléité d'unité nationale.

Le régime vite détruit dans ses fondements a brutalement laissé place à un vide béant, à la confusion totale, à un espace idéal pour la prolifération des armes, du banditisme et le crime assuré de toute impunité contre une population sans défense et au-delà contre les pays voisins et ceux encore plus éloignés comme la Syrie.

En somme, afin de s'approprier des ressources stratégiques du sous-sol libyen (pétrole et eau en abondance), les forces de l'Otan ont créé de toute pièce dans l'arrogance et l'impunité totale une base géante du terrorisme international et une nouvelle Somalie à nos portes. Et qu'en est-il de la proximité de «leurs» portes?

Pour notre propre survie, soyons vigilants !

En comparaison avec la Libye, qui a subi une intervention armée étrangère ponctuelle en vue d'un changement de régime décidé à Paris et Washington, il en fut autrement pour notre pays entre le 17 décembre 2010 et le 14 janvier 2011, dates finales d'une insurrection populaire qui couvait depuis des années.

On se souviendra longtemps de la ferveur et la fierté toutes patriotiques, de l'unité nationale soudée, affirmée sous forme de fraternisation émouvante au cours de ces journées historiques. Quoique chez nous certaines régions comportent encore quelques vestiges enquistés de structures sociales tribales et/ou claniques, toutefois nous avions réussi assez tôt au lendemain de l'indépendance formelle à constituer un Etat viable au sein d'une nation moderne différenciée par ses frontières et sa population en «melting-pot».

Cette jeune nation avait donné sens à notre citoyenneté nouvelle et notre identité collective effectivement partagée dans la diversité de nos origines ethniques et religieuses, identité tout à la fois africaine et méditerranéenne. Aussi, notre Etat moderne a-t-il tenu bon à la suite de l'effondrement de la dictature mafieuse. Il persiste et demeure viable quoiqu'affaibli sous les coups de boutoir du mouvement Ennahdha au pouvoir appuyé par ses forces réactionnaires et ses auxiliaires fascistes à visage découvert ou occulte.

A présent, que les mêmes pyromanes occidentaux se pressent aujourd'hui à la porte libyenne munis d'un pseudo mandat (auto-octroyé) de pompiers, le sort de ce pays a déjà été scellé par ces forces impériales. Quant aux pays voisins, il est donc du devoir impérieux de leurs gouvernements respectifs de renforcer d'URGENCE la surveillance des frontières et d'assurer la protection des populations, et ce en coordination étroite d'abord entre eux, ensuite en liaison avec ce général tel qu'il se croit investi à la manière d'un Sissi.

Tout compte fait, dans l'état actuel des choses, et quelle que soit la trajectoire tortueuse et peut-être même suspecte d'un Haftar, du fait de ses connivences éventuelles avec les services secrets des USA, s'il fallait encore s'en remettre à un autre homme «providentiel» ayant les mêmes intentions, rien ne changerait à la donne. Les dés sont jetés. Destin tragique que celui du peuple libyen!

La «cinquième colonne» parmi nous des émules d'un Morsi déchu et leurs dérivés s'inquiète et cherche à influencer en sous-main le cours des évènements en Libye à son avantage et pour sa propre survie. SOYONS VIGILANTS !

 

Article de la même auteure dans Kapitalis:

A propos des 100 jours du gouvernement Jomaa

{flike}