Pour régler le problème des ordures dans nos rues, il convient de réhabiliter les «zabbel», ces techniciens de la propreté, bien les payer et les doter de meilleurs moyens.
Par Semi El Béhi*
La ville est sale. Immondices, déchets ménagers et de construction, sachets en plastique faisant fonction de drapeaux, odeurs, rats et cafards. Un spectacle de désolation qui provoque le désespoir chez la majorité des habitants du Grand Tunis.
Ceci étant, le constat est relaté en ritournelle par tout le monde sans exception, mais personne ne semble vouloir se remettre en question comme il est souvent le cas chez nous, simples monothéistes qui croyons que la vérité est Une, Seule et Exclusive !
On ose même attribuer cette lourde responsabilité à de pauvres agents qui font grève depuis quelques jours. Des agents qui, des décennies durant, avaient travaillé en silence et contribué à l'entretien d'une image biaisée d'un pays qui progresse. Ils exerçaient ce métier, considéré d'ailleurs comme déshonorable, pour très peu d'argent, dans la précarité et sans moyens. Outillés de leurs seules mains nues, exposés à de grands risques de santé, ils passaient la nuit à collecter des déchets non triés d'une population gloutonne et portée sur la consommation.
Alors, je saisis cette occasion pour rendre un hommage à ces anges nocturnes. Voilà nous savons aujourd'hui ce que nous devenons sans ces concitoyens qui assurent une fonction noble qui est celle de maintenir propre notre espace de vie.
Voilà à quoi est réduite notre vie : à la précarité, aux odeurs et à cette triste image d'un pays sous-développé. Et il est du droit de ces travailleurs de demander une augmentation conséquente de salaires, tout comme ces fonctionnaires ventrus peu utiles, habitant des bureaux confortables, consommant électricité, eau, chauffage et climatisation, papiers et ayant souvent l'attention portée sur les commérages et les futiles histoires partagées par les réseaux sociaux.
Dans des pays comme le Japon, ces «zabbels» sont appelés techniciens de la propreté. Ils bénéficient d'une rémunération élevée par rapport au revenu moyen, ont la latitude demander une retraite anticipée et disposent de moyens logistiques appropriés pour accomplir leur mission. Sans oublier bien évidemment l'obligation qui incombe à tout citoyen dans ce pays de faire le tri de ses déchets sous peine de contravention. Je ne puis concevoir ce métier autrement !
Je vais vous éviter un débat qui va vous sembler anachronique. Celui de la justice sociale et de l'équitable répartition des richesses. Le pays a emprunté le chemin du capitalisme globalisé qui a évincé l'Etat providence.
Qui pense aux conditions de travail et de vie de ces gens-là?
Aujourd'hui, si l'on veut revoir toute cette option, il serait possible de mobiliser des ressources supplémentaires auprès de ces innombrables détenteurs de grands capitaux qui ont bénéficié, avant tous les opprimés de l'ancien régime, de la grâce des autorités publiques pour une évasion fiscale avérée.
Je propose ce qui suit pour un environnement sain :
- réhabiliter nos techniciens de propreté dans leurs droits et les faire bénéficier de mesures exceptionnelles de justice transitionnelle. L'Etat devrait leur verser une rémunération mensuelle plus juste et leur garantir un accès gratuit et prioritaire à tous les services de santé (éventuellement comme la police et l'armée, il devraient avoir leur propre institution hospitalière) ;
- mettre à leur disposition des moyens appropriés devraient être (tenues, gants, outils, véhicules et surtout voir disparaître à jamais cette triste image de voir un citoyen tunisien tirer, comme une mule, une charrette remplie d'immondices);
- interdire, comme au Rwanda, l'utilisation des sachets en plastique. Et imposer, sous peine de contravention, le tri des déchets ménagers.
- mettre en place des cellules de police municipale de vigilance et de contrôle des possibles infractions de dépôt illégal de déchets ménagers et de construction (contravention d'au moins 200 dinars) ;
- faire appel à des bailleurs de fonds étrangers pour la mise en place de nouvelles décharges et de centres de transfert et le lancement d'initiatives de recyclage ;
- imposer une taxe écologique à toute l'industrie d'emballages.
* Universitaire.
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