Alger-Banniere

Alors que la hausse des prix du pétrole lui crée un afflux de richesses inespéré, l'Algérie choisit de s'imposer une austérité que le FMI n'aurait pas osé exiger de la Grèce!

Par Guillaume Almeras*

Dans un pays où les aides publiques sont assez généreuses pour être régulièrement soupçonnées d'acheter la paix sociale, ce titre surprendra sans doute nombre d'Algériens. Il fera doucement sourire des élites algériennes qui se sentent bien à l'abri de réserves de change couvrant 3 années d'importations (194 Mds $). Pourtant, soit toute la théorie économique est fausse, soit l'Algérie court un grand risque d'appauvrissement!

Une pure économie de rente

En matière de théorie, l'économie algérienne offre un véritable cas d'école du fait de sa simplicité: une pure économie de rente où les hydrocarbures assurent (directement) 35% du PIB, 97% des exportations et 60% des rentrées fiscales. Cela est bien connu et l'on sait également que cette situation n'a pratiquement pas changé depuis au moins 20 ans. Or cela ne peut signifier qu'une chose : depuis 20 ans, malgré un assez fort soutien public, l'investissement productif s'est réduit à rien. L'Algérie importe plus que jamais la plupart de ses biens manufacturés (télés, voitures, médicaments, etc.) et une bonne part de ses denrées alimentaires (céréales). Toute baisse de la demande ou du prix des hydrocarbures étant à même de rapidement dégrader l'excédent commercial, comme l'année dernière (-48,5%), les importations doivent être contenues.

La rente ne peut ainsi être largement redistribuée et toute l'économie en pâtit. Il n'y a pas là seulement une «confiscation» de la rente au profit de quelques privilégiés, comme on le dénonce souvent mais une contrainte économique plus large.

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Confiscation de la rente pétrolière au profit de quelques privilégiés et volatilité des exportations. 

Le problème tient tout à la fois à la volatilité des prix des exportations algérienne et à la proximité géographique et culturelle des populations algérienne et européenne, conditionnant des aspirations à un niveau de vie qui ne peut être atteint pour l'essentiel de la population et que les équilibres économiques vont rendre de moins en moins accessible.

Un handicap majeur: l'euro

La faille de ce système de rente à un nom en effet : l'euro ! Sa création a représenté une très mauvaise nouvelle pour l'Algérie, ses principaux fournisseurs européens se retrouvant dotés d'une monnaie forte par rapport au dollar US, la devise dans laquelle ses exportations sont payées, provoquant un renchérissement équivalent de ses importations. C'est là une réalité qu'ont totalement refusé de voir les thuriféraires de l'Euromed. Pourtant, économiquement, l'Algérie, l'un des pays les plus importants et naturellement riches du périmètre méditerranéen, ne pouvait qu'être poussé à se détourner de plus en plus de l'Europe (et n'était d'ailleurs pas le seul pays de la région dans ce cas).

A cela, une solution a été rapidement trouvée: faire de la Chine son premier fournisseur ce qui, depuis l'année dernière, est effectivement le cas. Mais, à terme, cette solution ne changera rien. Pays mercantiliste, la Chine investit d'abord à travers ses exportations, ce qui signifie que l'Algérie devra payer la montée en gamme des produits chinois, ne pouvant que difficilement leur trouver des substituts bas de gamme. Dépenser plus pour consommer moins ou consommer moins bien : l'appauvrissement. Et ceci, sans que ne survienne aucun des événements fâcheux (baisse importante de la demande d'hydrocarbures liée à la récession mondiale, dépréciation forte du dollars sous le poids de la dette américaine...) qui représentent aujourd'hui autant de risques susceptibles de rendre les choses bien pires...

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L'Algérie ne manque ni de ressources ni de besoins, mais souffre d'anorexie

Est-il encore temps d'éviter ce scénario? Il est difficile d'en juger, tant le pays est étrange ! Non pas seulement du fait de cette économie de pure rente qu'il ne partage plus désormais qu'avec quelques Etats d'Afrique noire, souvent mal en point.

Voilà un pays qui, alors que la hausse des prix du pétrole lui créait un afflux de richesses inespéré, choisit de réduire drastiquement son endettement extérieur et mit précautionneusement ses excédents commerciaux en réserve, s'imposant ainsi une austérité que le FMI n'aurait jamais osé exiger de la Grèce!

Autant dire que le problème n'est pas économique: l'Algérie ne manque ni de ressources ni de besoins. Pour lancer l'investissement productif, une cellule psychologique serait sans doute plus utile, pour soulager de son anorexie un pays qui refuse apparemment de grossir, de grandir.

* Consultant indépendant, associé au groupe d'analyse de JFC Conseil.

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