Le projet 'Smart Tunisia' vise à promouvoir l'offshoring dans le secteur des TICs, mais ses effets sont destructeurs sur les entreprises locales. Une refonte est donc nécessaire.
Par Mohamed Bouanane*
'Smart Tunisia' : c'est le titre d'un projet qui fait rêver. On se dit qu'enfin, nous avons une stratégie qui permettra de transformer la Tunisie en une «soft power nation» (puissance soft).
Quand on prend connaissance du décret du 2 janvier 2014 relatif à l'établissement de ce projet, on se rend compte qu'il s'agit d'un slogan trompeur. On comprend alors que l'objectif était de communiquer, montrer que le ministre et le gouvernement précédents étaient très actifs et imaginatifs (comme le titre pompeux et trompeur du projet essaie de le faire croire), sans parler de l'usine à gaz à créer pour la mise en oeuvre et le suivi.
Pour une compétitivité par l'innovation
Ce n'est rien d'autre qu'un décret, mal ficelé, de promotion de l'offshoring dans le secteur des TICs, et dont les effets destructeurs sur les entreprises locales sont édifiants.
En somme, le projet 'Smart Tunisia' n'attirera personne et, dans les meilleurs des cas, il ne peut que déshabiller Paul pour habiller Jacques, et détruire ainsi le tissu économique local.
Mustapha Mezghani, actuel conseiller du nouveau ministre des TICs, a identifié certains travers de cette fausse bonne stratégie.
Ce qui est incompréhensible, c'est que le nouveau ministre a mis en exécution le décret relatif au projet 'Smart Tunisia' et donc persiste dans l'erreur commise par son prédécesseur au lieu de refondre le faux projet. Il aurait été plus efficace d'établir un code d'incitation à l'investissement dans le secteur des TICs et l'économie numérique, pour toutes les entreprises sans distinction de nationalité, qui permet de créer plus d'emplois ciblés et former des champions locaux créateurs de forte valeur ajoutée, capables de conquérir des marchés à l'international et ainsi devenir un pays exportateur de produits et services innovants.
Il est urgent de sortir de l'approche de compétitivité à bas coûts et du statut de consommateur éternel, pour créer les conditions d'une compétitivité par l'innovation et par la génération de la propriété intellectuelle.
Nous devons une fois pour toutes arrêter de raisonner en terme offshore ou onshore, cela date des années 70 du siècle dernier lorsque tout était à construire. Aujourd'hui, il faut faire en sorte que des grandes PMEs tunisiennes se forment et aient suffisamment de ressources et de marchés en interne afin de pouvoir conquérir l'Afrique et d'autres marchés à l'international.
Le temps où les décisions et les choix sont imposés d'en haut est révolu. Désormais, nous devons changer de méthode de travail et cesser de pondre des lois et des politiques publiques sans consulter les différentes administrations impliquées et impactées et sans recueillir les avis de nombreux experts dans les domaines et secteurs concernés.
Pour une industrie numérique créatrice de valeur
Espérons qu'une nouvelle approche sera poursuivie dans l'élaboration du plan national stratégique 'Tunisie Digitale', et souhaitons que ce plan puisse contribuer à établir les fondations d'une industrie numérique innovatrice, florissante, créatrice de valeur et d'emplois durables (pas seulement dans le secteur des TICs).
Par la même occasion, il est urgent de corriger les travers du projet 'Smart Tunisia' (il faudrait l'abroger dès que possible car il est destructeur de valeur) et en finir avec la politique consumériste pour construire, sur le moyen et le long termes, une compétitivité basée sur l'innovation et la génération de la propriété intellectuelle.
Il faut également rompre avec la mauvaise habitude de créer des nouvelles structures qui viennent gonfler le millefeuille, et plutôt réformer les structures existantes, en réduire le nombre, leur fixer des objectifs et leur donner les moyens pour les réaliser.
En politique, il faut avoir le courage et le devoir d'abroger les mauvaises décisions, d'arrêter les dégâts et les dépenses inutiles.
Apparemment, ce n'est pas la caractéristique la plus en vue des membres de ce gouvernement. Malheureusement, la loi de fiances complémentaire 2014 qui tarde à apparaitre 6 mois après la mise en place du gouvernement, le code d'investissement proposé au débat à l'Assemblée puis retiré et l'échec patent du dialogue national économique, laissent planer un sérieux doute sur le degré de fertilité de l'imagination (qui semble être bridée) de nos compétences à la barre de notre pays!
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