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Ni les islamistes ni les gauchistes ni les libéraux n'ont mené une réelle réflexion sur un modèle économique susceptible de répondre aux attentes de toutes les couches de la société tunisienne.

Par Béchir Toukabri*

Un grand nombre de Tunisien veulent toujours croire que les évènements du «14 Janvier 2011» sont une révolution. Or, si cette «révolution» ne nous a ramené la liberté individuelle et la démocratie, les nombreux dépassements et excès observés ces 3 dernières années nous amènent à conclure que nous n'avons pas su faire un bon usage de ces 2 cadeaux de la «révolution».

Ensuite, la liberté individuelle et d'opinion et la démocratie n'ont jamais été les revendications es-sentielles des révoltés de Sidi Bouzid et de Kasserine. Leurs revendications étaient surtout écono-miques comme le droit au travail, le développement économique et l'amélioration des conditions sociales.

Slogans flous et solutions farfelues

Malheureusement, tous les acteurs politiques n'ont jamais proposé, jusqu'à ce jour, un système économique alternatif au système en place sous l'ancien régime, pour répondre aux revendica-tions des révoltés de Sidi Bouzid et de Kasserine.

L'opposition ne nous a proposé que des slogans flous et des solutions farfelues ou partielles. Quand aux islamistes, qui ont pris le pouvoir, ils ont essayé de nous faire croire, soit qu'il suffisait, soit d'appliquer la «charia» – qui ne comporte aucun système économique viable –, soit de coller le qualificatif «islamique» à n'importe quelle activité économique pour créer des miracles (banque islamique), soit de diviser les choses en «halal» et «haram» pour créer la richesse (tourisme hala, restaurant halal, produits halal...).

Quant à nos capitalistes et patrons d'entreprises, ils se sont enfermés dans un silence assourdissant. Seuls quelques politiciens et intellectuels «intelligents», qui se sont embourgeoisés, et des membres de la majorité silencieuse n'ont pas arrêté de répéter que la seule solution est de maintenir l'ancien système qui a abouti à l'explosion sociale entre le 17 décembre 2010 et 14 jan-vier 2011.

Certes, il y a eu plusieurs propositions d'experts, mais elles se résument à une seule idée que l'on peut résumer ainsi: «Notre pays doit rester ancré économiquement à l'Europe, et s'intégrer davantage à la mondialisation». Ce qui implique, dans tous les cas, que nous devons:

1) appliquer le système capitaliste avec toutes ses conséquences néfastes pour toutes les ca-tégories sociales;

2) permettre aux sociétés multinationales et aux pays riches de nous exploiter davantage;v

3) vendre même notre âme (et notre identité) au diable en adoptant systématiquement une ma-nière de vivre «à l'occidentale».
Bref nous devons nous offrir (de notre propre gré) à un néocolonialisme new look sous couvert de liberté et de démocratie et d'autres balivernes.

Au final, nous n'avons, de la part de la classe politique et des intellectuels, aucune proposition d'un système ou modèle économique qui concilierait développement économique, développement so-cial, souveraineté nationale et indépendance politique.

Si on excepte l'initiative récente d'Al Massar, qui a eu le mérite de soulever le problème et d'avoir proposé quelques voies intéressantes, tous les partis politiques et les intellectuels sont restés cloi-trés dans un silence qui s'apparente à de l'indifférence politique ou à une attitude réactionnaire?

Les modèles économiques existants

Certes, Bourguiba a eu le mérite d'avoir essayé plusieurs orientations économiques, même si elles ont échoué. Mais bizarrement, personne ne semble vouloir tirer la leçon de ces expériences

La résolution des problèmes économiques est certes très importante. Toutefois il est urgent au-jourd'hui de survivre pour éviter la faillite économique. Et même s'il est essentiel de réfléchir à l'avenir, il n'en reste pas moins que le gouvernement actuel doit user de plus d'autorité pour appliquer les recommandations de la feuille de route du Dialogue national pour sauver le pays.
Pour nous orienter dans notre recherche d'un modèle économique futur, nous devons nous ins-pirer des 3 modèles économiques existants.

1- Le système capitaliste dans ses diverses formes, allant du capitalisme classique et, son corollaire, le colonialisme, au libéralisme américain et, son corollaire, l'impérialisme, au libéralisme sauvage et, son corollaire, la mondialisation. Or ce système capitaliste dominant a connu de graves crises comme cette de 2008. Et s'il ne s'est pas encore écroulé, il a perdu du terrain économiquement, politiquement et militairement.

2- Le système socialiste dans ses diverses formes, comme le socialisme étatique qui à échoué en Russie et, son corollaire, la dictature politique et la bureaucratie, comme le communisme qui a échoué en Russie, Chine et autres Albanie et, son corollaire, la dictature stalinienne, et enfin comme le «capitalisme social démocrate» en vigueur dans les pays nordique.

3- Un nouveau système politico-économique hybride, comme en Chine et dans les pays émergents, notamment l'Inde, le Venezuela, le Brésil, qui combine un régime autoritaire (ce n'est pas le cas de l'Inde et du Brésil) avec un système économique libéral faisant cohabiter capitalisme et économie planifiée. Ce système semble réussir puisqu'il donne d'excellents résultats, faisant rapidement de la Chine la 2e puissance mondiale, après les Etats-Unis, et des pays émergents de nouvelles puissances économiques.

ramadan avenue bourguiba 7 11

Les cafés de l'avenue Habib Bourguiba pendant ramadan: l'économie halal est-elle une solution pour... le tourisme? 

La faillite économique des islamistes

On avait cru, au début de leur installation au pouvoir, que les islamistes d'Ennahdha, comme tous les courants islamistes arabes, allaient profiter des expériences économiques d'autres pays, et à défaut se référer à une théorie économique quelconque. Malheureusement, il n'y a eu que 3 tentatives :

1- Ennahdha et tous les courants islamistes dans le monde arabe n'ont présenté aucune réfé-rence économique précise, sauf celle d'appliquer la charia, qui n'a rien d'un modèle économique, ou le système politique du califat, qui est une forme d'organisation politique propre à une période historique bien précise.

2- Le même Ennahdha, pour trouver une solution, a envoyé plusieurs dizaines de ses cadres visiter différents pays, pour prendre connaissance (en principe) de leurs expériences de déve-loppement économique. Or ces «stagiaires» n'ont pas visité des pays différents du point de vue économiques (pays capitalistes, socialistes, communistes, émergents...). Ils ont visités seulement des pays «islamiques», comme la Turque, l'Iran et l'Indonésie...

Ensuite, les pays visités ont toujours eu une économie capitaliste. Le vernis islamiste n'avait donc aucun intérêt.

Enfin l'islam a toujours été avant tout une religion, même si on y trouve des orientations à ca-ractère économique, dont certaines reconnaissent le droit à la propriété privé, qui est le fondement essentiel du système capitaliste.

Voilà un exemple parfait de myopie idéologique et politique. Et une explication supplémentaire de l'échec des islamistes après presque 3 ans de pouvoir.

* Citoyen.

 

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