Les législatives de dimanche sont une occasion en or pour sanctionner ceux qui, avant ou après le 14 janvier 2011, au lieu de servir la patrie, s'en sont royalement servis.
Par Mohamed Ridha Bouguerra*
Les élections législatives de ce dimanche 26 octobre 2014 feront, sans aucun doute, date dans l'histoire de la Tunisie. D'abord, parce qu'elles seront considérées, par les historiens à venir, comme parmi les premières du genre où le peuple se sera librement exprimé. Davantage encore ensuite, en raison de leurs résultats qui auront à orienter le devenir du pays pour cinq ans en théorie, et, bien plus, certainement.
Aussi est-il capital de faire le bon choix et de voter pour le mieux du pays et dans l'intérêt bien compris des générations futures.
Mais, comment allons-nous nous orienter dans la jungle de listes indépendantes, le nombre de coalitions et la pléthore de candidats? Autant dire qu'abondance est ici synonyme de casse-tête et d'embarras!
Sanctionner ceux qui ont détruit le pays
Il serait donc bon de déblayer le terrain, de rappeler quelques évidences et de rafraîchir la mémoire de nos concitoyens qui, vu l'accélération de l'histoire que nous avons connue depuis un certain 14 janvier, auraient tendance à oublier quelques-uns des événements les plus marquants de ces trois dernières années.
Rappelons, tout d'abord, que voter c'est parier sur la bonne foi et la sincérité de ceux à qui l'on accorde sa voix.
C'est aussi, en quelque sorte, faire un pari sur l'avenir, forcément radieux et prometteur, que nous dessine le programme électoral de tel parti ou de tel candidat. Mais ne dit-on pas, ironiquement, que les promesses électorales n'engagent que ceux qui y croient? Il n'empêche, un minimum de confiance est nécessaire si l'on veut s'engager dans le jeu de la démocratie auquel nous sommes conviés.
D'un autre côté, si voter est un pari sur l'honnêteté des hommes et des femmes politiques, c'est aussi pour l'électeur averti une occasion en or pour sanctionner ceux qui n'ont pas tenu leurs engagements précédents et n'ont pas honoré la parole donnée à la veille de scrutins antérieurs.
C'est, sans doute aussi, une occasion en or pour sanctionner ceux qui ont déjà occupé des postes de responsabilité et n'ont pas été, manifestement, à la hauteur des tâches qui leur ont été confiées, si l'on en juge par l'état dans lequel ils ont réduit notre économie, notre environnement et notre sécurité.
Une occasion en or pour sanctionner ceux qui, avant ou après le 14 janvier 2011, au lieu de servir la patrie se sont généreusement et royalement servis.
Une occasion en or pour sanctionner ceux qui, après avoir été à la solde du dictateur pendant des années en fermant les yeux sur ses turpitudes et le saccage de notre économie, osent se présenter, de nouveau, devant nous afin de solliciter notre confiance précédemment trahie.
Une occasion en or pour sanctionner ceux qui ont considéré la Tunisie comme un butin de guerre sur lequel ils devaient prélever une dîme pour se faire rembourser les sacrifices qu'ils ont subis au service d'une cause partisane qu'ils ont cru bon défendre.
Cocher la bonne case dans le bulletin de vote
Une occasion en or pour sanctionner ceux qui ont semé la discorde dans la société en y distinguant les bons croyants et les autres, le sang de ces derniers pourrait légitimement couler, selon les propos publiquement proférés sur l'avenue Habib Bourguiba par un certain constituant notoire.
Une occasion en or pour sanctionner ceux qui, par négligence, par aveuglement politique, sinon par complaisance, n'ont pas étouffé dans l'œuf les menées terroristes de certains de leurs amis qu'ils ont impunément laissé filer, trahissant ainsi les charges de leurs fonctions.
Une occasion en or pour sanctionner ceux qui ont fait montre de complicité avec les fauteurs de troubles qui ont gravement défiguré l'image du pays comme au Palais d'Al-Abdellia, à La Marsa, pris d'assaut par une horde sectaire et inculte.
Comme à la Faculté des Lettres de la Manouba dont les cours ont été perturbés pendant des mois sans que cela n'émeuve outre mesure le ministre de tutelle.
Comme à la place du 14-Janvier dont l'horloge a dû subir l'outrage des extrémistes religieux, et cela sous les fenêtres mêmes du ministre de l'Intérieur.
Une occasion en or pour sanctionner ceux qui n'ont pas pris à temps les mesures préventives nécessaires afin d'arrêter le bras criminel et sanguinaire qui a endeuillé plus d'une famille tunisienne.
Au moment où, dans l'isoloir, nous allons cocher notre bulletin de vote, pourrons-nous oublier ces petits orphelins dont le père, Lotfi Nagdh, fut lâchement lynché en raison de ses responsabilités au sein de Nida Tounes?
Pourrons-nous ne pas avoir une pensée émue pour Chokri Belaïd dont on a voulu faire taire à jamais la voix tonnante et, pour certains, dérangeante, en raison de la pertinence de ses arguments et de la logique de ses démonstrations qui démasquaient les hypocrites, les tartuffes et autres marchands de rêves et de paradis?
Pourrons-nous ne pas nous souvenir de ce juste que fut Mohamed Brahmi traîtreusement abattu sous les yeux de ses enfants et dont le sang répandu appelle encore réparation et justice?
Comment ne pas tenter de faire de notre bulletin de vote un moyen de réparation, précisément, et une forme d'hommage à tous ces martyrs, ainsi qu'à Socrate Cherni et à nombre de nos vaillants soldats dont les cadavres ont été sauvagement mutilés?
Sans oublier également tous ceux qui ont perdu, qui une jambe sur les pentes du mont Chambi, qui un œil dans les rues de Siliana, qui, tout simplement, a été injustement battu le 9 avril 2012, sur l'avenue Bourguiba, ou, le 4 décembre, place Mohamed Ali, par des milices jusqu'ici inconnues.
Prévenir le retour des incompétents
Bref, le bulletin de vote s'avère, finalement, un précieux outil afin de prévenir le retour calamiteux aux affaires des incompétents, des sectaires, des hypocrites et des démagogues.
A nous donc de confier, en toute connaissance de cause, l'avenir de la Tunisie à ceux que nous jugerons seuls vraiment dignes des hautes charges qui engageront le destin de nos enfants, restaureront le prestige de l'État, redonneront des couleurs à notre économie, préserveront notre environnement tellement dégradé et veilleront jalousement à la sécurité de nos concitoyens en déracinant l'hydre du terrorisme de nos villes et campagnes.
* Universitaire.
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