Dans cette chronique diffusée mercredi 29 octobre 2014 sur Radio Judaiques FM, l'auteur salue la maturité des Tunisiens, qui ont renoué avec l'héritage de Bourguiba.
Par Dr André Nahum*
Trois ans après s'être débarrassés de la dictature de Ben Ali, ils ont donné un coup d'arrêt à l'islamisme dit «modéré» et ont su trouver le chemin de la démocratie.
Malgré la présence sur son sol d'une mouvance djihadiste agissante, liée à ses congénères du Moyen-Orient et de l'Afrique sub-saharienne, la Tunisie a évité de tomber dans l'anarchie et le désordre.
Ceci, elle le doit, non seulement à son degré de maturité, mais aussi, on doit le reconnaitre, à l'habileté politique de M. Ghanouchi, patron de Ennahdha, qui, instruit par l'exemple déplorable de l'Egypte de l'après-Moubarak, a tout de suite compris qu'il fallait jouer le jeu de la démocratie et, durant ses trois années de pouvoir, n'a pas commis l'erreur d'instaurer un régime ouvertement islamiste comme avait tenté de le faire, au Caire, le président Morsi et a pris le risque d'accepter l'alternance.
1986: Béji Caïd Essebsi, ministre des Affaires étrangères de Bourguiba.
Largement désavoué par le corps électoral, ce fin manoeuvrier a eu l'élégance de téléphoner le soir même à son rival Caid Essbsi pour le féliciter de sa victoire.
Mais ne disposant pas de la majorité absolue : 83 sièges sur 217, contre 68 à Ennahdha, (selon des résultats préliminaires, NDLR), Nida Tounès ne pourra pas gouverner tout seul. Il lui faudra trouver des alliés. Ira-t-il les chercher chez les deux autres partis laïques, ou préfèrera-t-il, étant donné la gravité de la situation économique et sociale, faire un front commun avec Ghannouchi? L'avenir proche nous le dira, mais on a bien l'impression que la majorité du peuple tunisien ne souhaite pas voir Ennahdha revenir au pouvoir de quelque façon que ce soit.
Mais, il ne faut pas croire que les islamistes et les salafistes vont brusquement disparaitre. Bien structurés, disposant d'une assise populaire certaine, riches de l'argent qui se déverse sur eux à flots, ils pèseront encore longtemps sur la société et la vie politiques tunisiennes et attendront patiemment leur revanche
L'œuvre à accomplir est immense: renflouer l'économie, ranimer le tourisme qui est la principale richesse du pays, lutter contre le chômage, tenir compte du fait que les Tunisiens ont pris gout à la liberté et que rien ne les fera revenir en arrière.
2014: Caid Essebsi récite la fatiha sur la tombe de Bourguiba.
Le futur gouvernement devra aussi continuer à lutter contre le terrorisme, le djihadisme et l'obscurantisme avec encore plus de vigueur, redonner au pays, le charme et l'attrait que nous lui avions toujours connu. Un pays de la douceur de vivre, «à nul autre semblable» chantait notre grand Raoul Journo.
Je vais vous faire une confidence. Au lendemain de l'indépendance, dans l'euphorie de la société nouvelle que l'on nous promettait et dans laquelle nous, juifs, aurions notre place pleine et entière, je faisais un rêve fou. J'avais imaginé que la Tunisie serait un jour un pont entre le monde arabe et Israël.
C'était hier !...
* Médecin, écrivain, chroniqueur et animateur Radio Judaïques FM.
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