Les Tunisiens devraient se mobiliser pour que Nida Tounes, vainqueur des législatives, ne gagne pas aussi la présidentielle, sous peine d’une grande concentration de pouvoir.
Par Aida Bouchadakh*
Le week-end dernier, les Tunisiens se sont mobilisés pour faire réussir cette phase cruciale de la démocratisation de la Tunisie, à savoir l’organisation d’élections législatives transparentes sous l’égide d’une Instance des élections (Isie) indépendante. D’un point de vue organisationnel, il y a eu manifestement des insuffisances, notamment à l’étranger. Le résultat reste néanmoins acceptable. En effet, bon nombre de Tunisiens, qui étaient inscrits en 2011 ou qui se sont inscrits par voie électronique en 2014, n’ont pas pu voter et pour cause, leur nom n’apparait pas sur la liste électorale. De plus, certains électeurs se sont retrouvés inscrits très loin de leur lieu de résidence, allez savoir le pourquoi… Est-ce normal? L’Isie saura-t-elle pallier à ses insuffisances lors des prochaines échéances électorales? Telle est la vraie question. Pour le reste, nous comptons sur la vigilance des observateurs nationaux et internationaux et la société civile pour que comptage des voix se fasse correctement, il en va de l’avenir de la démocratie. Par ailleurs, et bien que l’Isie soit la seule institution habilitée à donner les résultats des élections, la Télévision Nationale, faisant fi de la loi électorale, a cru bon de nous donner des estimations concoctées par un institut de sondage en début de soirée… Si on cherchait à nous faire admettre des résultats fallacieux, on ne se prendrait pas autrement. Le souvenir d’une certaine soirée de la veille du 14 janvier 2011, qui a vu la chute de l’ancien régime, est encore présent dans nos esprits pour accepter de telles dérives. C’est pourquoi nous espérons que la justice se mêle de cette affaire, afin que l’audimat ne soit pas au-dessus de la loi… L’issue des élections semble donner l’avantage à Nida Tounes suivi d’Ennahda. Quant aux autres partis démocratiques, ils semblent avoir été laminés… En effet, s’étant fortement rapproché de Nida tounes, ils ont fini par être phagocyté… L’électeur n’est pas dupe, pourquoi élire la copie quand on peut élire l’original. Il n’en reste pas moins que le paysage politique devient terriblement dangereux. Nida tounes étant constitué essentiellement d’anciens Rcdistes, on aura toutes les difficultés du monde à admettre qu’ils s’inscrivent dans le sillage de la révolution du 14 janvier 2011, bien qu’ils s’en réclament… et sachant qu’ils ont la main pour constituer le futur gouvernement, on a tout intérêt à constituer dès maintenant un contre-pouvoir parlementaire d’une puissance équivalente pour les dissuader de toute tentative de retour à l’ancien régime. Il faudrait que les citoyens se mobilisent pour que ce parti ne gagne pas également la présidentielle, sous peine d’une trop grande concentration de pouvoir, nuisible pour le développement de la démocratie en Tunisie… Les pouvoirs du président sont trop importants. Aussi convient-il de les confier à un démocrate avéré, une personne acquise à la révolution et non à une personne qui a mangé à tous les rateliers… Nous avons été trop souvent naïfs dans le passée et nous l’avons payé trop cher. Aussi convient-il de doubler de vigilance, ne fut ce que pour préserver cette liberté de ton dont nous jouissons depuis quelques années. * Economiste.
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