Il faut essayer d'expliquer le désintéressement des jeunes vis-à-vis des élections, alors qu'en principe, c'est de leur avenir qu'il s'agit.
Par Moez Ben Salem
Les électrices et électeurs tunisiens qui se sont rendus aux divers bureaux de vote, dimanche 26 octobre 2014, pour élire les membres de la nouvelle Assemblée nationale, ont fait la même constatation: l’écrasante majorité des présents était constituée de personnes de plus de 40 ans; il y avait très peu de jeunes. Cette désaffection des jeunes tunisiens s’est traduite par un taux de participation assez faible: 3,2 millions de votants par rapport chiffre potentiel global qui avoisine les 8,2 millions, soit une participation frôlant à peine les 40% ! Plusieurs explications ont été données à ce désintéressement des jeunes pour les élections, alors qu’en principe, c’est de leur avenir qu’il s’agit. On a avancé le fait que la classe politique n’a pas été à la hauteur des attentes des jeunes, que ces derniers étaient déçus par la Révolution qui ne leur a pas apporté grande chose… Mais, à mon humble avis, il y a un autre point auquel il faudrait apporter une importance fondamentale, à savoir l’éducation. Les moins jeunes, qui ont connu l’ère Bourguiba, savent l’importance accordée par l’ancien leader à l’instruction, à l’éducation (notamment civique), à la culture. Bourguiba a su inculquer aux Tunisiens le sens du patriotisme. Ce n’est donc point étonnant qu’ils aient répondu présent le jour des élections, sachant que leur voix pourrait avoir de l’importance pour l’avenir de leur pays et notamment de sa jeunesse. Les jeunes de moins de 40 ans, qui ont grandi sous la dictature de Ben Ali, ont connu une époque durant laquelle l’éducation et la culture étaient marginalisées. On leur a malheureusement appris le culte du gain, quelle qu’en soit la nature. Le plus important n’était pas d’avoir une tête «pleine», mais plutôt d’arborer des signes extérieurs de richesse. La lecture était devenue une forme de ringardise; les espaces culturels, déjà peu nombreux, étaient délaissés au profit des cafés, salons de thé et discothèques. A titre d’exemple, à la cité Ennasr, tout au long des trois kilomètres de l’avenue Hedi Nouira, on a répertorié environ 200 cafés et restaurants et on ne retrouve quasiment pas d’espace culturel. Dès lors, comment s’étonner que les jeunes ne se sentent aucunement intéressés par l’avenir de leur pays ! On aurait croire que la révolution allait changer les choses et inciter les jeunes à s’impliquer de manière plus active dans la vie politique et sociale de leur pays; malheureusement, sous le règne de la Troïka, l’ex-coalition gouvernementale dominée par le parti islamiste Ennahdha, la situation n’a fait qu’empirer. On s’est ainsi permis de diviser par deux le budget alloué à la culture et ce au profit des Affaires religieuses. On a vu des minarets pousser comme des champignons, alors qu’aucune nouvelle école n’a été construite! Pour le gouvernement qui va être prochainement mis en place, l’une des priorités sera une réforme en profondeur du système éducatif tunisien. Il faudra également redonner la place qu’elle mérite à la culture, qui a été marginalisée par Ben Ali d’abord, par la Troïka ensuite. Pour conclure, j’aimerais saluer le geste de certaines électrices et électeurs qui ont amené avec eux leurs enfants aux urnes, leur inculquant ainsi, dès le jeune âge, l’esprit civique!
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