Abdelwaheb-Meddeb

La voix d’Abdbdelwaheb s’est tue, mais ses propos, lucides et courageux, continueront d’éclairer le chemin des Tunisiens et de nous tous.

Par Marc-A. Barblan*

 

Abdelwahab Meddeb vient de nous quitter, brutalement, à notre profonde tristesse.

Poète, essayiste, éditeur, producteur, depuis 1997, de l’une des émissions les plus fécondes, stimulantes, des antennes francophones : «Cultures d’Islam».

Né à Tunis, d’une famille de théologiens respectés professant à la Zitouna, installé en France dès 1967, Abdelwahab Meddeb a très tôt ressenti l’impérieuse nécessité de retrouver l’authenticité de la culture arabo-islamique, dans ce qui a fait sa noblesse avant qu’elle ne devienne l’otage d’un sectarisme castrateur.

Illustrant ainsi sans relâche la séculaire nécessité d’une synthèse entre lumières d’Orient et d’Occident; toutes deux participant au patrimoine de l’humanité.

A cet engagement intellectuel, culturel, correspond un courage civique sans équivoques. Dès 2002, dans ‘‘La Maladie de l’islam’’, il disait à l’Occident désorienté à quel point l’islamisme politique – liberticide par essence, quand il ne s’allie pas aux forbans de pire espèce – n’est pas seulement contraire aux vrais fondements de l’islam, mais son pire ennemi.

Dans la périlleuse transition que vit la Tunisie, Abdelwahab Meddeb écrit, voici exactement un mois : «Nous sommes devant le choix entre d’une part une société ouverte, dynamique, adaptée aux mœurs du notre siècle, n’ayant pas peur de regarder vers l’avenir; et, d’autre part, une société close, régressive, archaïque, engluée dans la confusion entre religion et politique, ramenant la croyance à l’adhésion à un dogme appauvri, aminci, stérile, assimilé à une vérité indiscutable, dépouillé de sa propre culture fondée sur une théologie du doute, de la pluralité des opinions, de la controverse comme de l’interrogation et du sentiment de perplexité, d’angoisse, que suscite la question religieuse. Nous estimons que la vision globalisante de l’islam s’est transformée en une idéologie totalitaire qui ne peut conduire qu’au fascisme.»

Une voix s’est tue. Ses propos lucides et courageux continueront d’éclairer le chemin des Tunisiens et de nous tous.

Source : ‘‘Academia.edu’’. 

* Historien, muséologue.

 

Article du même auteur dans Kapitalis:

L’étrange fascination des Tunisiens pour la Turquie et les monarchies du Golfe

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