Cette tribune est un dialogue de l'auteure avec elle-même à propos de son soutien affiché à Béji Caïd Essebsi pour le 2e tour de la présidentielle.
Par Fatma Smida
• Tu vas voter pour un vieux de 88 ans!!!?
- On a besoin de son cerveau et de son expérience et il ne va pas participer au JO. Son expérience et sa connaissance du contexte tunisien n'est pas à contester
• Tu crois qu'il est capable de travailler toute une journée à son âge?
- En 3 ans, Marzouki a écrit 2 livres. Apparemment, il avait beaucoup de temps libre. Si Béji Caïd Essebsi (BCE) bosse 5 heures par jour c'est largement suffisant.
• Un président sera amené à voyager et à répondre à des invitations de chefs d'Etat étrangers. Tu crois qu'il est capable de tenir le rythme?
- Il a bien eu un rythme assez soutenu depuis 2011, il ne va pas voyager à dos de chameau et puis, lui au moins, il nous représentera dignement à l'étranger.
• Tu n'as pas peur du retour de la dictature?
- Non, parce que ce n'est plus possible. Le peuple tunisien s'est débarrassé de la peur qui le hantait. Les citoyens ne vont plus se laisser faire. La liberté d'expression que nous avons acquise depuis le 14 janvier 2011, nous allons tout faire pour la sauvegarder; elle sera notre arme contre les tentatives de retour en arrière.
• Quand il a essayé de mettre son fils en tête de liste à Tunis pour les législatives, ça ne t'a pas dérangé?
- La vérité : oui, mais le plus important c'est qu'il s'est rétracté, en réponse au mécontentements au sein du partie et c'est un très bon signe.
• Le côté Rcdiste de Nida ne te dérange pas ?
- Pour être franche : oui, mais quand je vois en face le Marzouki, la LPR, Souguir et Béchir Ben Hassen, je me dis qu'après tout, le RCD, on peut s'assoir autour d'une table et discuter mais pas avec les autres. Le RCD est affaibli, aujourd'hui, la machine Rcdiste n'est plus ce qu'elle était et elle ne redeviendra jamais. La volonté du peuple tunisien de rompre avec l'ancien régime est très forte.
• Le fait qu'on traite ceux qui ont voté Nida de «nostalgiques de l'ancien régime» ne te dérange pas?
- Nostalgique oui mais pas de l'ancien régime, nostalgique d'une Tunisie où il fait bon vivre, nostalgique d'une Tunisie où les Tunisiens peuvent vivre ensemble avec leurs différences en toute sécurité.
• Et tu n'as pas peur qu'il meurt à mi-mandat?
- Non, tout d'abord parce que la mort ne trie pas en fonction de l'âge. Puis, il y a une constitution en place qui définit la procédure à suivre en cas du décès du président.
• Mais, selon la procédure, c'est le président du parlement qui sera le président par intérim, le temps d'organiser des élections. Si le président du parlement est un Nahdhaoui et s'il ne veut pas organiser les élections?
- Non, là tu doutes de la détermination du Tunisien ! Il ne se laissera plus faire. Il a prouvé qu'il a le pouvoir de faire évoluer les choses. Il a prouvé qu'il est capable de mettre la pression sur le gouvernement. Il renoncera plus à ses droits! Et puis il y a des institutions qui seront là pour veiller à ce qu'une éventuelle transition soit assurée.
• Le passé de BCE ne te dérange pas ? Que ce soit au temps de Bourguiba ou au temps de Ben Ali, il était témoin des dépassements et de la violation des droits de l'Homme et il n'a rien fait.
- Le présent de Marzouki me dérange plus que le passé de BCE. Comme tu l'as dit, c'est du «passé». Il ne faut pas oublier qu'au temps de Marzouki, le fervent défenseur des droits de l'Homme, 2 prisonniers salafistes sont morts en prison suite à une grève de la faim. Il ne faut pas oublier que des manifestants ont été sauvagement tabassés un certain 9 avril 2012 et j'en étais témoin. Il ne faut pas oublier qu'au temps de Marzouki des manifestants ont été aveuglés par les tirs de chevrotine à Siliana... Et j'en passe...
• L'éventuelle alliance avec Ennahdha ne te dérange pas?
- Je suis un peu partagée. Ennahdha est la deuxième force, il va falloir composer avec. On a deux choix : la laisser dans l'opposition et là elle va nous mettre les bâtons dans les roues et tout bloquer. Le deuxième choix c'est de l'impliquer et ça pourrait amener un équilibre au pays.
• Ton choix est donc fait?
- Mon choix est fait pour une Tunisie progressiste. Mon choix est fait pour une Tunisie pour tous. Mon choix est fait contre un candidat/président qui n'a cessé de diviser les Tunisiens. Mon choix est fait pour Beji Caid Essebsi.
Illustration: Meeting de Caïd Essebsi à Halfaouine, à Tunis, le vendredi 28 novembre 2014.
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