L'absence de financement pour le tourisme alternatif est en train de tuer le secteur touristique à petit feu. C'est un défi pour le prochain gouvernement qui doit trouver rapidement une solution.
Par Lyes Ben Tara
Le tourisme représente 9% du PIB mondial, 4% du PIB européen et 6,5% du PIB français (la France étant la 1ère destination touristique mondiale). Il représente aussi 8% de l'emploi mondial.*
En 2008, on comptait 924 millions de touristes et les prévisions pour 2020 prévoient 1,5 milliard, ce qui représenterait 4% de croissance par an au cours des années 2010-2020.*
Le tourisme représente, par ailleurs, 200 millions d'emplois directs dans le monde, et génère, en France, près de 900.000 emplois directs.*
Enfin, le tourisme est la source principale de devises pour 46 des 49 pays les moins avancés, et la Tunisie en fait partie.*
Une enquête de TNS Sofres réalisée en 2009 montre que 60% des Français connaissent le «tourisme responsable» et que 83% sont prêts à choisir en priorité une agence de voyage qui a une démarche responsable.
Une autre enquête de GMV, en 2010, montre que 88% des voyageurs français se disent prêts à agir en faveur de l'environnement et 56% de ces mêmes voyageurs sont prêts à payer plus cher pour une destination écologique.*
Le difficile départ du tourisme alternatif en Tunisie
Le tourisme tunisien est au ras des pâquerettes**, à cause d'une multitude de lacunes accumulées par la succession de stratégies sectorielles «palliatives» et «courtermistes». Citons, à titre d'exemple, la stratégie du «All Inclusive» qui finira par tuer cette industrie. Des experts internationaux et certains experts tunisiens classent, d'ailleurs, la Tunisie comme une destination d'hôtellerie, mais pas de tourisme.
Le mal vient de là, car on ne dispose d'aucun label connu à l'échelle internationale, mis à part une initiative louable de Mehdi Allani qui avait lancé un label pour les établissements hôteliers haut de gamme.
La majorité des sites de tourisme alternatif peinent à obtenir l'agrément de l'ONTT, ce qui rend plus difficile le lancement d'un produit alternatif typiquement tunisien, comme les maisons d'hôtes au cœur de la Medina, les sites d'agritourisme, la pêche sportive, etc.
Le tourisme alternatif est un nom générique attribué à différentes initiatives alternatives au tourisme de masse (ce qui est le cas de la Tunisie).
Les différents produits du «tourisme alternatif» offrent au client un cadre unique et parfois personnalisé basé sur la rencontre culturelle pour la découverte d'autres cultures, le partage d'une expérience ou d'un style de vie propre à une région ou à une activité principale.
Le tourisme alternatif offre à la population locale un avantage social et économique tout au long des différentes phases de l'implantation du projet mais aussi dans la gestion quotidienne de l'activité. Cela permet une répartition plus équitable des ressources générées par l'environnement de l'entreprise et donnent une plus-value au secteur.
Citons en premier lieu l'agritourisme, qui génère à l'exploitant un revenu complémentaire, parfois à moindre frais.
Cette stratégie a permis à l'Europe, dans les années 50-60, de relancer son agriculture. Les exemples les plus connus sont ceux de l'Italie, de la France et de quelques pays d'Europe de l'Est.
Maison d'hôtes Dar Bibine à Erriyadh, Djerba.
Maisons d'hôtes, hôtels de charme et agrotourisme
Pour revenir à la Tunisie, l'implantation des maisons d'hôtes et des hôtels de charme dans la Medina de Tunis et dans les vielles-villes sur tout le territoire tunisien contribue à la relance de l'artisanat et participe à la promotion des produits du terroir (allant jusqu'à l'instauration de la culture du commerce équitable pour encourager les artisans à développer leur savoir-faire). Ces filières ont un potentiel limité, mais à très forte croissance.
Les concepts cités sont connus et souvent exposés lors des débats dédiés à l'environnement, à l'artisanat, au tourisme, et à l'agriculture, mais aucune stratégie claire n'a été débattue ni élaborée. En l'absence d'une politique d'Etat, d'incitations aux investissements et de lois relatives à cette niche, les promoteurs se trouvent face à une double difficulté: obtenir l'agrément et trouver une source de financement (bancaire ou autre).
L'absence de classification claire pour le tourisme alternatif en Tunisie sanctionne le promoteur en le privant de financement, puisque les banquiers considèrent que ce type de projets est très risqué.
De plus, l'absence de conseillers spécialisés et de grilles d'évaluation spécifiques au niveau des banques ne fait que compliquer les choses pour les porteurs de projets.
Notons aussi, l'absence de fonds d'investissement dédiés au tourisme en Tunisie, pour des raisons purement économiques et financières.
Pour cela, une stratégie doit être préparée avec la participation de toutes les parties-prenantes et les ministères de tutelle concernés, à savoir les agents de voyage, les hôteliers, les promoteurs, les artisans, les agriculteurs, les banquiers, les Sicar, les fonds d'investissement, les ministères de l'Agriculture, de l'Economie, du Commerce et de l'Artisanat, du Tourisme, de l'Environnement, etc.
Ainsi, le cahier des charges actuel réservé à ce type de produits sera amélioré, une vraie classification sera créée, des subventions seront accordées et un mode de financement approprié sera instauré...
Je lance ce défi au prochain gouvernement qui doit rapidement trouver une solution au financement des projets de tourisme alternatif, mais aussi pour l'agriculture, l'agrotourisme et l'agriculture alternative.
Tableau comparatif 2010-2012
Source : ONTT
Notes:
* Source : Organisation mondiale du tourisme.
** «Situation du Tourisme tunisien entre 2010 et 2012» (lire tableau comparatif 2010-2012).
Les encaissements provenant du tourisme ont ainsi atteint 3.172,9 millions de dinars, durant l'année 2012, contre 2.432,0 MDT en 2011 et 3.522,5 MDT en 2010.
Durant l'année 2012, la Tunisie a accueilli près de 5,950 millions de touristes des différentes nationalités contre 4,597 millions en 2011 et 6,712 millions en 2010.
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