La cinéaste et ex-députée prend ici la défense de son collègue Khemaies Ksila et tente de dissiper le malentendu d'une fausse querelle avec les femmes et hommes de médias.
Par Selma Baccar*
Le dimanche 21 décembre 2014, après avoir vécu, comme des milliers d'autres Tunisiens, la satisfaction du devoir de citoyenneté accomplie, commence une longue journée d'attente et d'angoisse alimentée par des nouvelles fusant de partout sur le faible taux de participation à l'élection présidentielle.
A partir de 17 heures, j'étais installée devant la TV en train de zapper d'une chaine à une autre, toujours à l'affut du moindre détail qui pouvait nous rapprocher de la «délivrance».
Quelle ne fut ma surprise de voir mon ami Khemaies Ksila quitter d'un pas décidé le plateau de la chaîne nationale Watania 1, en répondant très poliment à l'animateur de la soirée électorale, Boubaker Akacha, qui le suppliait de revenir, par la même phrase répétée deux fois «Désolé, je pars, que Dieu vous aide».
Affolée, je laisse tomber la télévision et appelle à plusieurs reprises Khemaies dans l'espoir de lui faire changer d'avis, connaissant le côté «bon enfant» de mon ami que j'ai souvent vu décolérer en quelques minutes et reprendre un débat avec une surprenante amabilité. Hélas le téléphone de Khemaies était fermé pour raison de passage sur antenne
Quant, quelques jours après, j'ai découvert les proportions exagérées qu'à prises ce malheureux incident, j'ai décidé d'apporter ce témoignage sur une expérience unique que j'ai vécue aux côtés de Khemaies Ksila pendant les deux trois de l'«Ittissam Errahil» (Sit-in du départ) et les premiers jours de notre retour «forcé» à l'Assemblée nationale constituante (ANC), pendant lesquels Khemaies Ksila était le porte-parole de la soixantaine d'élus qui avaient décidé de ne plus retourner à l'ANC.
Pendant de cette période, si nous avions conjugué nos efforts pour inviter le maximum de journalistes et de médias, celui qui était au premier rang de ces contacts c'était Khemaies et je ne me rappelle pas qu'il y ait eu un quelconque malentendu entre nous et les médias, malgré les conditions très dures dans lesquelles se sont passées nos rencontres.
En effet, des dizaines de conférences de presse se sont passées dans la rue, sous un soleil de plomb ou dans des abris de fortune, pendant lesquelles l'un des plus affables et des plus efficaces parmi nous fut Khemaies, pragmatique, qui savait mettre beaucoup de distance entre nous et certains détails futiles qui auraient pu nous éloigner de notre but essentiel: sauver le pays des dangers où certains esprits rétrogrades l'ont entrainé.
J'écris ceci pour mieux réfuter cette image que certains essayent aujourd'hui de coller injustement à Khemaies Ksila, celle d'un homme politique hautain, condescendant et imbu de sa personne, en se basant sur un incident somme toute sans gravité. La décision de quitter le plateau, qu'il avait prise le soir du 21 décembre 2014 pour des raisons que certains ont jugées très légitimes, ne peut s'expliquer, selon moi, que par l'état de fatigue, de stress et d'angoisse que des milliers de Tunisiens, dont moi-même, avions partagé, ce soir-là, avec Khemaies, et que chacun a géré comme il a pu.
C'est pourquoi je demande à Boubaker Akacha et à tous nos amis, femmes et hommes de médias que l'attitude de Khemaies a pu froisser, de le lui pardonner, au nom des véritables enjeux de cette journée mémorable pour la survie de notre démocratie.
C'est aussi en pensant à ces enjeux que nous devons dépasser rapidement les malentendus pour continuer à défendre ensemble cette chose si précieuse, ce merveilleux acquis de notre révolution, pour lequel se sont battus des élus comme Khemaies Ksila, et qui s'appelle «liberté d'expression».
* Cinéaste et ex-députée.
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