L'analyse des bilans des gouvernements successifs post-2011 permettrait au prochain Premier ministre d'éviter les erreurs du passé et de mettre toutes les chances de son côté.
Par Lotfi Saibi*
Le prochain Premier ministre suivra-t-il la même stratégie foireuse pour mettre en place son cabinet? Va-t-il sacrifier la compétence et les aptitudes managériales au nom de la loyauté partisane et des calculs politico-politiciens? Ce pays sera-t-il, encore une fois, condamné à vivre la même expérience post-Troïka?
En jetant un coup d'œil sur la prestation des différents ministres qui se sont succédés durant les trois derniers gouvernements, on pourra classer leur rendement comme suit:
* Acceptable: ceux qui ont eu un succès relatif, sont ceux qui possédaient de l'expérience managériale préalable, qui ont compris la dynamique de collaboration, et qui ont été en mesure de s'adapter à l'environnement. L'expertise du domaine seule, sans compétences de leadership, ne s'est pas prouvée suffisante.
* Médiocre: Il s'agit de ceux qui cherchaient à améliorer leurs CV et négocier de meilleures nominations futures, qu'elles soient à l'intérieur ou à l'extérieur du gouvernement. En d'autres termes, ils étaient plus préoccupés par leur carrière après leur départ que par les résultats de leur mandat. Nous appellerons cette catégorie: «the career-concern index».
* Inacceptable: On parle des ministres ayant passé des années dans «les vieux rouages de l'administration». Ils étaient moins flexibles, réfractaires aux nouvelles méthodes et moins ouverts au changement. Cette frange de ministres est restée fidèle à son cheminement de carrière, sans nécessairement être en phase avec la vision ou les programmes globaux.
* Catastrophique: Ceux qui ont carrément échoué sont ceux qui ont été nommés par complaisance partisane. Et que les motifs des nominations ont été la loyauté au parti ou les compromis négociés entre partis, ou encore une récompense pour les sacrifices passés; les aboutissements ont été les mêmes: un échec lamentable pour tous ceux qui voyaient dans les portes-feuilles ministériels des «trophées» et non des «missions» avec obligation de résultats.
L'analyse des bilans des gouvernements successifs post-2011, permettrait au prochain Premier ministre de mettre plus de chances de son côté. Il devrait faire preuve d'innovation en mettant en place son équipe de ministres capables de collaborer latéralement, et ce en fonctions de leurs responsabilités croisées envers les citoyens.
En effet, il serait intéressant de voir des programmes et des actions communes entre des ministères tels que l'Enseignement supérieur et la Recherche scientifique, la Santé et Affaires sociales... Cette collaboration intergouvernementale nous a fait défaut par le passé; ce qui explique les faibles résultats dans les domaines qui nécessitent une intervention cumulée de plusieurs ministères.
«L'action politique a une obligation de résultats», dixit un homme politique tunisien, qui est élu Président de la 2e république tunisienne.
Partant de ce constat, nous sommes à même d'espérer que le prochain chef du gouvernement optera pour des mesures novatrices pour choisir des ministres qui seront garants des résultats du gouvernement. Son processus de choix ne devrait pas être différent de celui d'un Pdg d'une grande société mandaté pour atteindre des objectifs précis. Diriger en donnant l'exemple et être un modèle à suivre serait une attitude positive qui marquera le changement et le passage vers une nouvelle ère de réussite et d'efficacité.
Notre prochain Premier ministre nous doit de nouvelles habitudes et bonnes pratiques gouvernementales: publier son programme, être transparent sur la manière avec laquelle il le mettra en exécution, nous fournir un calendrier d'implémentation des différentes actions majeures et enfin nous présenter les principaux résultats escomptés. Ceci serait un changement radical qui sonnera le début d'une gouvernance courageuse, et qui plus est encore, installera les nouvelles normes à suivre par les ministres dans leurs ministères respectifs.
Suite à cela, les critères de sélection des ministres devraient être communiquées et inclure des facteurs tels que l'appartenance politique, la loyauté/familiarité, la compétence managériale, l'expertise du domaine, etc. Une fois ces critères sont bien identifiés, chaque candidat sera invité à fournir une présentation convaincante quant à la méthode qu'il emploiera pour mettre à exécution la stratégie globale communiquée par le Premier ministre.
En d'autres termes: quelle est la nature de l'équipe qui l'accompagnera dans sa mission? De quelles ressources aurait-il besoin? Quelles sont les méthodes d'exécution? Quel sera le calendrier à adopter? Comment évaluera-t-il l'avancée des actions, et si on se dirigeait ou pas vers la bonne direction? Quels impacts sociaux et économiques auront les résultats escomptés?
Le candidat devrait témoigner d'une expertise dans le domaine, d'une capacité d'exécuter de nombreux projets à la fois même en environnement défavorable. Il devrait de même être capable de composer des équipes gagnantes et être stratégique dans son approche et dans ses méthodes de collaboration, en particulier avec les autres ministères.
En ayant tous les candidats capables de répondre à ces critères, le Premier ministre devrait conduire des interviews avec, au moins, trois ou quatre candidats pour chaque poste. C'est ainsi que lui, ou un comité de sélection, se prononcera sur le meilleur candidat qui sera le plus approprié pour chaque poste.
Albert Einstein a dit un jour: «Nous ne pourrons pas résoudre nos problèmes avec la même pensée qui nous a mené à les créer».
Je ne pense pas qu'il faisait référence aux problèmes politiques, mais plutôt à la pensée et aux réflexions qui ont conduit des nations comme nous à des impasses semblables à celle dans laquelle nous nous sommes empêtrés ces 4 dernières années.
* ALM - CEO / GM 4DLeadership House.
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