Dans cette «Lettre ouverte à Béji Caïd Essebsi, Président de la République», l'auteur soutient que les électeurs de Nidaa Tounes ne sont pas prêts à voir les islamistes revenir au pouvoir.
Par Mohamed Raouf Dakhlaoui*
Monsieur le Président,
Permettez-moi, à la veille de la nomination du chef du gouvernement, de vous faire part de quelques réflexions qui, à mon humble avis, ne sont pas dénuées de logique et semblent refléter l'opinion de bon nombre de concitoyennes et concitoyens.
Aux élections législatives du 26 octobre dernier, votre parti, Nidaa Tounès a obtenu la majorité dans la nouvelle Assemblée des représentants du peuple (ARP) et sera chargé de proposer un chef de gouvernement qui, par le jeu des alliances avec des partis proches, aura une majorité confortable pour former une équipe soudée afin de mener notre pays à bon port.
Les 23 novembre et 21 décembre, le peuple tunisien a confirmé son choix en vous élisant personnellement et avec une large majorité à la tête de l'Etat.
Le peuple a dit son mot, il ne veut plus du parti intégriste Ennahdha, au bilan calamiteux sur tous les plans : économie au bord du gouffre, laisser-aller criminel devant les terroristes, enrichissement honteux des caciques nahdhaouis, alignement politique et diplomatique total sur des pays étrangers, culture de la haine et de l'intolérance entre les différentes parties et régions de notre pays et j'en passe.
Bref, les Tunisiens ont signifié leur ras-le-bol et ont rejeté les Frères musulmans et vous ont choisi parce que vous représentez une alternative viable politiquement, économiquement et socialement. Le peuple vous a choisi aussi parce que vous représentez l'image de l'homme sage, pondéré, réfléchi, apte à opérer les bons choix qui peuvent permettre à notre pays de décoller.
Monsieur le Président, la nomination du chef du gouvernement tarde et les supputations sont nombreuses ainsi que les différentes déclarations de gens proches de vous. Plusieurs noms sont avancés et plusieurs possibilités évoquées à propos de la formation du gouvernement. De nombreuses déclarations évoquent la possibilité d'une participation du parti intégriste au gouvernement. Les dernières déclarations de la députée Bochra Belhaj Hmida, confirmant cette hypothèse, qui est venue jeter le trouble chez nombre de démocrates qui ne sont pas prêts à voir les parrains du terrorisme revenir au pouvoir.
Monsieur le Président, vous avez été soutenu et élu par une majorité de femmes et d'hommes pour qui vous représentez la fin du cauchemar.
Vous avez été soutenu et élu par une majorité de femmes et d'hommes qui tiennent à leur histoire trois fois millénaire, à leurs traditions, à leur spiritualité, à leur religion et qui ne veulent pas des prédicateurs wahhabites et des marchands de quatre saisons transformés en théologiens vénérés.
Vous avez été soutenu et élu par une majorité de femmes et d'hommes qui veulent que l'autorité de l'Etat s'affirme de nouveau et que la loi soit appliquée.
Enfin, vous avez été soutenu et élu par une majorité de femmes et d'hommes qui veulent, de nouveau, marcher la tête haute, fier d'être tunisiennes et tunisiens. Bref, vous avez été soutenu et élu par une majorité de femmes et d'hommes qui ne veulent pas du retour du parti intégriste aux affaires. Si les nahdhaouis veulent vraiment servir le pays, qu'ils en fassent la preuve en formant une opposition constructive et critique, en jouant le rôle qui leur est dû dans la nouvelle Assemblée des Représentants du Peuple.
Monsieur le Président, vous avez l'avantage énorme d'accéder au pouvoir avec une très grande popularité et un capital de confiance appréciable; ne les dilapidez pas en vous alliant aux véritables ennemis du peuple, les Frères musulmans qui n'ont de musulman que leur profession de foi publique.
Vous pouvez disposer d'une large majorité à l'Assemblée, vous en disposez déjà sans Ennahdha; vous pouvez constituer un gouvernement uni et efficace. Ennahdha ne changera jamais; son électorat lui est fidèle. Au premier faux pas, les Ghannouchi et consorts rueront dans les brancards qu'ils soient vos alliés ou dans l'opposition et essaieront de renverser le gouvernement en espérant trouver un nouveau CpR ou un nouveau Ettakattol.
Monsieur le Président, ce n'est qu'en gardant votre majorité unie que pourrez faire aboutir votre projet qui est aussi le nôtre: faire de notre Tunisie un pays démocratique, libre, juste et économiquement avancé.
Permettez-moi, Monsieur le Président, de conclure en vous présentant mes meilleurs vœux et en vous priant de croire en l'expression de mes sentiments les meilleurs.
* Libraire.
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