Les attentats de Paris qui ont vu les terroristes agir au nom de l'islam et tuer au cri d'«Allahou Akbar» posent un grave problème que nous, Arabes et Musulmans, ne pouvons occulter.
Par Jamila Ben Mustapha*
L'émotion suscitée par les attentats de Paris (7-9 janvier 2015) passée, restait à les contextualiser, à les «mettre en perspective», comme l'a dit le philosophe Michel Onfray, dans l'émission ''On n'est pas couché'' du samedi 17 janvier 205, sur France 2.
Du côté du gouvernement français, la réaction officielle a été la marche organisée à Paris, le dimanche 11 janvier, qui a réuni autour du président de la république française, François Hollande, plusieurs responsables politiques d'Europe et du monde, et qui a vu défiler 4 millions de Français dans les villes.
Les entreprises punitives occidentales
Mais des voix se sont levées aussi pour examiner les faits dans une perspective d'autocritique. Cette mise en accusation de soi a compris deux volets: la politique étrangère française et européenne, et la condition des jeunes immigrés, dans les banlieues parisiennes.
Avant même les attentats de Paris, Dominique de Villepin avait déjà condamné ces entreprises occidentales punitives répétées contre le terrorisme, à travers le monde, et qui n'ont réussi qu'à le renforcer.
Michel Onfray, dans son intervention, lors de l'émission déjà citée, n'a pas mâché ses mots en dénonçant une politique «islamophobe» de la France, à cause de ses bombardements successifs de pays musulmans comme l'Afghanistan, l'Irak, la Libye et le Mali.
Le journaliste et ex-député européen, Giulietto Chiesa, invité dans une émission du 11 janvier dernier sur une chaîne italienne, s'est contenté de lier ces attentats à 2 faits de politique internationale.
Il a rappelé que, d'après le témoignage de Roland Dumas, ex-ministre français des Affaires étrangères, le renversement de Kadhafi avait été programmé par les Anglais plusieurs années avant d'avoir eu lieu.
Même chose pour la déstabilisation de la Syrie, puisque le sénateur américain John McCain avait été photographié, deux ans auparavant, alors qu'il était en réunion avec les actuels chefs de l'Etat islamique (Daêch), en Syrie.
Quant à l'invitation à réfléchir aux problèmes posés par la politique d'intégration en France et, donc, à la nécessité d'agir auprès des jeunes immigrés, au niveau de l'éducation, on la trouve, par exemple, dans la lettre adressée par Luc Besson à ses «frères musulmans» et celle de J.-M. Le Clézio à sa fille. Cette politique a occupé, aussi, une partie des débats de l'émission déjà citée.
Et de notre côté, celui du monde arabo-musulman, qu'y a-t-il eu? Certes, les États, ainsi que les instances religieuses officielles, ont condamné les attentats: pouvaient-ils faire moins, devant le meurtre de journalistes au travail, la critique de la démarche de ''Charlie Hebdo'' ne pouvant, en aucun cas, justifier une quelconque réaction violente contre eux?
La facile attitude de victimisation
Devant la parution, après les attentats, d'un nouveau numéro de ce journal, tiré à 7 millions d'exemplaires, on a vu, comme lors de l'apparition des premières caricatures du prophète en 2005, des manifestations de protestation s'organiser dans les pays musulmans: au Niger où, malheureusement, 10 personnes sont mortes sans que cela n'émeuve beaucoup, l'opinion mondiale, en Iran, au Pakistan, en Algérie, en Tchétchénie, à Gaza...
Et du côté de nos sociétés civiles, y a-t-il eu, comme dans l'autre camp, des tentatives d'autocritique, démarche qui, seule, peut aider les pays à avancer ? Pas à notre connaissance, nos compatriotes et coreligionnaires lui préférant, généralement, l'attitude plus facile de victimisation.
Les attentats de Paris qui ont vu les terroristes agir au nom de l'islam et tuer au cri de «Allahou Akbar» posent un grave problème que nous, Arabes et Musulmans, ne pouvons occulter, et que nous devrons affronter, tôt ou tard, que cela se fasse dans quelques années, plusieurs décennies, ou un siècle: celui de la nécessité d'une réforme religieuse qui s'impose.
Force est de constater que nous devons changer notre rapport au Coran et quitter l'interprétation littéraliste et dogmatique pratiquée jusque-là, comme l'ont affirmé beaucoup de nos intellectuels, mais dont l'influence n'a pas pu s'étendre, vu les fortes résistances, jusqu'au peuple.
Il existe à ce propos, une véritable école de Tunis dont nous citerons – de façon non exhaustive – les noms les plus connus: Mohamed Talbi, Abdelmajid Charfi, Youssef Seddik, Olfa Youssef...
Conscient du problème de l'inadaptation de certains versets à la période actuelle, Tahar Haddad, il y a presque un siècle, avait distingué, dans le Coran, les «vérités éternelles», relevant de la foi, et celles liées à une conjoncture historique précise et dont l'application n'a plus de raison d'être comme la lapidation, la polygamie, la coupure de la main du voleur, etc.
Il est temps, en effet, que cessent ces pratiques dévoyées de l'islam, relevant d'une lecture aberrante de son texte par des terroristes se réclamant de lui et causant à cette religion un tort que ses pires ennemis n'ont pu réaliser.
* Universitaire.
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