Qatar France Banniere

Malgré un sentiment de méfiance, actuellement en France, envers le Qatar, le gouvernement français continue de nier la collusion entre le Qatar et les terroristes.

Par Roland Lombardi*

Il est difficile de prouver noir sur blanc que le Qatar (comme l'Arabie saoudite d'ailleurs) finance des organisations terroristes.

Surtout, que ces financements sont le fait, la plupart du temps, moins des Etats que de particuliers, de fondations ou d'organisations originaires du Golfe.

Mais, par déduction et grâce à certaines révélations et enquêtes sérieuses, nous pouvons conclure que, d'une certaine manière (indirecte et discrète), le Qatar finance des mouvements terroristes.

Le Qatar et le terrorisme

Par ailleurs, les liens du Qatar avec des mouvements dangereux pour le Moyen-Orient sont de notoriété publique. Ainsi, le Qatar est le dernier financier du Hamas. En juin 2013, les Talibans ont été autorisés à ouvrir un bureau diplomatique à Doha.

La presse française et certains spécialistes ont révélé que le Qatar apportait un soutien financier à des éléments jihadistes dans le nord du Mali mais aussi à certaines tribus séparatistes touaregs. Les services spéciaux français mais aussi algériens ont alerté les autorités françaises sur un probable financement d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) par Doha.

En Libye aussi, le Qatar est soupçonné d'entretenir des liens très étroits avec des groupes islamistes.
Quant à la Syrie, le Qatar, dans sa véritable lutte d'influence avec l'Arabie Saoudite, a mis toute son énergie pour dominer l'opposition syrienne. C'est pourquoi, jusqu'à la scission d'avril 2013, le Qatar a soutenu le front Al-Nosra (affiliée à Al-Qaïda) puis, après le printemps 2013, lorsqu'Al-Nosra s'est séparé de l'Etat islamique (EI, Daêch), Doha s'est alors tourné vers l'EI.

Enfin, le Qatar reste le plus grand bailleur de fonds des Frères musulmans au Moyen-Orient et en Europe. Mais les Frères musulmans peuvent-ils être considérés comme des terroristes? En tout cas, ils le sont officiellement pour l'Arabie Saoudite, la Russie et le président égyptien Al-Sissi.

Etat islamique Daech banniere

Le Qatar finance les groupes jihadistes en Syrie, en Irak et ailleurs.

Et la France dans tout ça?

Le gouvernement français nie la collusion entre le Qatar et les terroristes, pourtant dénoncée par de nombreux spécialistes. Pour quelles raisons?

Actuellement en France, il y a un sentiment de méfiance envers le Qatar notamment depuis la divulgation du Département d'Etat américain concernant les financements de l'EI et d'Al-Qaïda par certaines fortunes du Qatar. Les récents et tragiques attentats de ''Charlie Hebdo'' et du supermarché cascher de la Porte de Vincennes n'ont fait que relancer, au sein de la société française, et à juste titre, le débat sur le rôle du Qatar dans le financement d'organisations terroristes.

Le problème est que certains pays occidentaux, et en premier lieu la France, cherchent toujours à attirer l'argent et les investissements du Qatar notamment dans les sports et les médias (voire l'industrie de l'armement!), au risque parfois, comme cela a été relevé par certains experts, d'enfreindre la loi sur les avantages fiscaux préférentiels.
Rappelons aussi qu'Airbus a déjà effectué sa première livraison de l'A350 à la compagnie Qatar Airways... et que Paris espère toujours vendre son avion de combat Rafale à l'émirat...

C'est peut-être la raison pour laquelle les Occidentaux et plus particulièrement les dirigeants français sont si discrets sur ce sujet. Ne fermeraient-ils pas les yeux sur certaines activités du Qatar dans le but de ne pas «contrarier» un important partenaire commercial?

Par ailleurs, certaines rumeurs révèlent que lors de la libération d'otages, certains pays européens ont demandé au Qatar d'être le médiateur et de payer des rançons aux organisations terroristes...

Pour la France, depuis plusieurs décennies et surtout depuis les émeutes de 2005, les autorités ont cru bon de laisser le Qatar financer diverses associations dans les banlieues françaises, dans le seul but d'acheter la paix civile... En octobre 2012, Yves Bonnet, l'ancien responsable de la DST (Direction de la Surveillance du Territoire, ex-DCRI et ex-DGSI), a pourtant affirmé que le Qatar finançait des réseaux radicaux présent sur le territoire...

Reste à savoir si les attentats de janvier dernier suffiront à réveiller les consciences. Les responsables français ont perdu beaucoup de temps.

Grâce à leur expérience, les services anti-terroristes français sont parmi les meilleurs du monde et ils ont toujours réussi à venir à bout de vrais réseaux terroristes islamistes, organisés et souvent commandités par l'étranger (attentats des années 1980, prise d'otages du vol d'Air France en 1994, attentats de 1995, gang de Roubaix en 1996...). De plus, depuis la fin des années 1990, ils ont démantelé nombre d'autres réseaux en gestation. Ainsi, depuis 2012, avec Merah, puis Nemouche, Coulibaly et les frères Kouachi(1), ce type de terrorisme a évolué.

Aujourd'hui et malheureusement demain, nous serons la cible plus d'«assassins solitaires» (à l'image de ce qui s'est déjà passé au Canada, en Australie mais aussi en Israël) que d'équipes réellement structurées.

C'est pourquoi, il est inévitable de durcir la lutte (peut-être avec de vraies mesures d'exception telles que celles qui ont permis de vaincre l'OAS au début des années 1960?) et de stopper les coupes budgétaires dans la sécurité intérieure et la Défense (en faisant aussi payer par exemple l'Europe puisque la France est en première ligne dans la défense des intérêts de celle-ci).

S'attaquer sans tabous au mal profond

Aussi, au-delà du financement étranger de certains groupes radicaux, il faudra surtout s'attaquer sans tabous au mal profond (banalisation de l'antisémitisme, plus de 1000 Français partis faire le jihad en Syrie, refus des minutes de silence dans certaines écoles, plus de 20.000 twitts «Je suis Kouachi!» et généralisation des théories complotistes après les attaques...) qui touche depuis plusieurs décennies une partie de la jeunesse française. Celle-ci, mal intégrée, travaillée par son islamité et, facilement manipulable, se sert finalement d'une «cause sacrée» pour justifier sa haine de la France et de l'Occident.

Pour cela, l'amélioration des conditions socio-économiques ne suffiront pas. Car il ne faut pas exagérer: les banlieues françaises ne sont ni Soweto, ni les favelas brésiliennes, ni Gaza et parler d'apartheid en France est faux et surtout stupide !

Ce sont surtout des révolutions coperniciennes qui seront nécessaires dans l'éducation nationale (arrêt des répentances et de l'autoflagellation historiques) et dans la justice (fin du laxisme général et de la victimisation des délinquants)...

Peut-être faudra-t-il aussi et surtout un nouveau concordat avec la création d'un véritable islam de France, sans influences extérieures et dont l'organisation pourrait alors s'inspirer de l'islam en Russie...

Enfin, c'est une refonte totale de la politique proche et moyen-orientale de la France qu'il faut entreprendre: mettre fin à ce que Hubert Védrine nomme l'«irreal politik». Il faut une bonne fois pour toute bannir les politiques de gribouille comme la politique (pro?) arabe de la France vieille de 50 ans mais qui ne cesse de démontrer largement ses limites depuis des années.

La Méditerranée est plus que jamais la frontière la plus importante de l'Europe et en premier lieu de la France, notamment sur les questions d'immigration et du terrorisme.

Par conséquent, et c'est urgent, il faut une nouvelle politique méditerranéenne où l'émotionnel, le «business», les idéologies et les partis-pris s'effaceront enfin devant une politique basée, certes, sur une collaboration sécuritaire étroite et solide, mais surtout sur une grande politique de coopération et de développement économique, intelligente et ambitieuse.

Il en va de l'intérêt vital des pays du sud et de leurs populations... mais aussi du nôtre !

* Consultant indépendant, associé au groupe d'analyse de JFC Conseil.

Note :

1) Coulibaly (qui se réclamait de l'EI) et les frères Kouachi (qui eux se revendiquaient d'Al-Qaïda) étaient amis mais leurs attaques, malgré les dires du premier, ne semblent aucunement en coordination. Sans logistique, sans véritable organisation digne de ce nom, je crois plutôt que la déclaration officielle d'Al-Qaïda au Yémen, suivant les attentats, ressemble plus à une «récupération» qu'à une réelle revendication...

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