La refonte de notre système éducatif pourra améliorer la vie des enseignants, des élèves et des parents et rendre dépassées les houleuses négociations sociales périodiques.
Par Dhafer Charrad*
Faire croire aux Tunisiens que qu'on peut améliorer leur pouvoir d'achat, par le simple biais des augmentations des salaires et du gel ou même de la baisse des prix, est un gros mensonge, car ils s'agit de solutions éphémères, qui ne servent qu'à éteindre un incendie... pour en allumer aussitôt d'autres.
En effet, les industriels, les importateurs, les intermédiaires et les commerçants, imagineront et trouveront systématiquement, parfois par cupidité et parfois par obligation, le moyen de compenser leur charge salariale supplémentaire ou leur manque à gagner, en annulant ainsi l'impact positif escompté, par ces actions, sur le pouvoir d'achat des Tunisiens.
Il est grand temps de se rendre compte que ces actions sont des solutions traditionnelles mais simplistes qui n'ont qu'un impact ponctuel minime et ne font qu'alimenter l'inflation.
La solution est ailleurs et elle consiste plutôt à entreprendre des actions de nature à éliminer des dépenses importantes devenues, au fil du temps et par la force des choses, indispensables et incontournables pour les Tunisiens.
La meilleure illustration, qui confirme la validité de cette solution, est l'état lamentable de notre système éducatif rongé par plusieurs maux couteux, dont le niveau médiocre de l'enseignement et d'un grand nombre d'enseignants, les horaires inadéquats et les nombreuses heures creuses disparates et ingérables, amplifiées par les absences fréquentes des enseignants, les heures d'études payantes de rattrapage et de soutien, etc.
En améliorant la formation des enseignants et en les obligeant à suivre des cycles de formation pédagogique périodiques, pour leur apprendre à gérer leurs classes malgré la différence de niveau de tous les élèves, sans ignorer et délaisser ceux qu'ils jugent les plus faibles, aucun de ces derniers, quel que soit son niveau et sa rapidité d'assimilation, ne risquera d'être irrémédiablement dépassé et n'obligera ses parents à lui assurer des séances d'études supplémentaires de rattrapage, en espérant le remettre au niveau jugé acceptable.
Ces séances d'études, dont le coût, mensuel et par enfant, varie entre 20 dinars pour les élèves de 7e année et 100 dinars et parfois 200 dinars, pour les élèves en terminale, représentent une charge non négligeable pour les parents.
En réaménageant les horaires des cours et en luttant sans merci contre le fléau des absences trop fréquentes, toujours sans préavis et jamais sanctionnées des enseignants, le phénomène des heures creuses éparpillées sur l'ensemble d'une journée sera éradiqué et les parents seront dispensés des frais nécessaires pour inscrire leurs enfants dans une garderie.
Ces garderies, dont le coût, mensuel et par enfant, est en moyenne de 100 dinars, sont devenues nécessaires pour les parents qui veulent éviter à leurs enfants les dangers de la rue.
Avec une réelle volonté politique de refonte de notre système éducatif et la création immédiate, au niveau national, de comités de réflexion, impliquant toutes parties prenantes de l'enseignement pour rectifier le tir et prendre des mesures urgentes pour mettre à niveau notre système éducatif, les collèges et lycées étatiques n'auront plus rien à envier aux écoles privées.
Car mise à part une infrastructure plus propre et plus gaie, ces écoles privées font travailler des enseignants tunisiens, formés en Tunisie à l'instar des enseignants des établissements publics mais qui grâce simplement au contrôle strict instauré par leur administration, font preuve de sérieux et de conscience professionnelle, ne bâclent ni leurs cours ni leurs élèves et ne s'absentent presque jamais et surtout pas à cause d'une simple migraine.
En plus, ils dispensent des cours selon un programme choisi, plus copieux, plus intelligent et mieux étoffé que celui choisi, incompréhensiblement, pour nos établissements étatiques.
Dès que ces comités achèveront leurs travaux et prendront les mesures adéquates pour la revalorisation du niveaux des établissements publiques, les parents qui en ont encore les moyens, sans être riches, n'auront plus, pour sauver l'avenir de leurs enfants, à faire le sacrifice financier douloureux d'opter pour des collèges et lycées privés dont les coûts, annuels et par enfant, varient entre 2000 et 5000 dinars.
Ces comités ne coûteront rien en théorie car ils ne nécessitent que le désir de bien faire et la volonté, pour ceux qui sont aux commandes, de faire simplement le travail pour lequel ils perçoivent leur salaire et leurs avantages, soit la révision et l'amélioration de notre système éducatif
L'énorme honneur et la grande fierté d'avoir contribué à un renouveau historique, nécessaire et urgent de notre système éducatif, devrait être le seul moteur et la seule ambition et motivation des participants à ces comités de réflexion.
Tout ce qui précède, et qui doit être initié par le ministère de l'Education, aujourd'hui sous la houlette de Neji Djelloul, peut métamorphoser la vie des Tunisiens en leur permettant:
- d'éviter des dépenses annuelles stressantes, qui se chiffrent à quelques milliers de dinars, selon le nombre et l'âge des enfants, de chaque famille;
- d'exploiter le temps libre dégagé, pour inscrire leurs enfants dans des associations sportives, culturelles et scientifiques, qui pourraient êtres limitrophes aux collèges et lycées;
- d'avoir des enfants mieux éduqués, cultivés et formés et donc capables de mieux réussir leur future vie professionnelle, pour leur bien et celui de la Tunisie ;
- de consacrer leurs nouvelles ressources disponibles, à l'amélioration de leur niveau de vie, en les injectant dans le circuit économique national et en relançant ainsi la consommation et, par conséquence, la production et l'emploi.
La réussite de cette refonte générale de notre système éducatif, qui aura pour la Tunisie, les Tunisiens et les générations futures, des répercussions positives importantes à tous les niveaux (social, matériel et culturel) serait une œuvre grandiose et rendrait anecdotiques, les longues et houleuses négociations sociales périodiques, pour des augmentations de salaires de quelques dizaines de dinars ainsi que les hausses de quelques centaines de millimes du prix de certains produits, parfois indispensables pour les pérennité de ceux qui les produisent.
A bon entendeur
* Diplômé en sciences économiques et planification.
Illustration: Neji Djelloul, ministre de l'Education, et Lassaad Yacoubi, secrétaire général du syndicat de l'enseignement secondaire.
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