La Tunisie devrait suivre l'exemple de la Turquie et du Maroc, qui sont parvenus à placer leurs produits et services dans le marché polonais.
Par Habib Glenza*
Ce qui est assez surprenant, inexplicable et incompréhensible, c'est l'absence de produits agroalimentaires tunisiens aussi bien sur les marchés de gros polonais, en particulier celui de Bronisze, près de Varsovie, que sur les étalages de plus de 15.000 unités commerciales installées en Pologne, dont plus de 1.500 hypermarchés appartenant à 14 enseignes étrangères et 21 locales, alors que les produits agroalimentaires turcs et marocains envahissent littéralement le marché polonais depuis plusieurs années.
Manque d'information ou manque d'audace?
Plus paradoxal encore, les rares produits tunisiens que l'on trouve sur le marché polonais sont, généralement, importés de France, d'Italie ou d'Espagne!
Cette absence, injustifiée et incompréhensible, des produits tunisiens en Pologne résulte, soit du manque d'informations sur ce marché soit de l'attachement de nos entreprises à leurs marchés traditionnels de l'Union européenne (France, Italie, Allemagne, Belgique, Hollande, etc.). Or, il serait plus profitable et plus rentable pour ces entreprises d'exporter directement sur la Pologne, qui importe l'essentiel de ses besoins en produits agroalimentaires de tous les pays du monde: Chine, Inde, Afrique du Sud, Australie, Argentine, Chili, Brésil, Japon, Vietnam, Turquie, Maroc et, bien entendu, de ses voisins européens.
A l'instar de la Turquie et du Maroc, la Tunisie doit changer de stratégie en ce qui concerne la promotion de ses exportations de produits agroalimentaires et industriels et de services (touristiques et autres), pour réduire sa forte dépendance vis-à-vis des marchés européens.
Le marché polonais est l'un des plus dynamiques de l'Union européenne (UE), avec plus de 37 millions de consommateurs potentiels. Et le taux de croissance de la Pologne a atteint 4%, en 2014, contre moins de 1,5% pour la France, 1er client et 1er fournisseur de la Tunisie.
Les produits turcs et marocains sont bien présents au marché de gros de Bronisze près de Varsovie.
Le potentiel des marchés de l'Europe de l'Est
La création de Centres d'assistance active (CCA ou centres téléphoniques) en Pologne, agréés et contrôlés par le Centre de promotion des exportations (Cepex), gérés par des Tunisiens résidant dans ce pays et qui connaissent parfaitement le marché polonais, contribuera, certainement, à la promotion des exportations des produits tunisiens sur ce marché au grand potentiel.
Ces CCA ont largement contribué aux succès des entreprises turques et marocaines sur le marché polonais. Les entreprises turques, agressives à souhait, ont même réussi à bâtir leurs propres centres commerciaux, dotés de grandes surfaces de stockage, de frigos et de moyens de transport, dans pratiquement toutes les régions de Pologne, afin d'être proches de la clientèle locale et de mieux répondre à ses besoins.
La consommation des produits turcs et marocains en Pologne a augmenté considérablement, grâce à la promotion conjointe du tourisme et des produits agroalimentaires, industriels et artisanaux. Cette promotion conjointe a beaucoup rapporté aux deux pays en termes d'exportations de produits agroalimentaires, manufacturiers et touristiques.
Conséquence: le nombre de touristes polonais se rendant en Turquie et au Maroc a nettement évolué, atteignant, annuellement, 450.000 pour la Turquie et 250.000 pour la Maroc, contre seulement 100.000 visitant, chaque année, la Tunisie.
Autant dire que pour les industriels, exportateurs et commerçants tunisiens, les marchés de l'Europe de l'Est, et, notamment, polonais, tchèque et hongrois, offrent de véritables opportunités d'exportations, d'autant qu'ils sont membres de l'UE avec laquelle la Tunisie est liée par un accord d'association depuis une vingtaine d'années.
Pour le moment, nos échanges commerciaux avec ces pays sont insignifiants par rapport au total de nos échanges avec l'UE, qui dépassent 75% du total de nos échanges extérieurs.
Quant on sait que plus de 65% de nos échanges avec l'UE sont réalisés avec 6 pays (France, Italie, Allemagne, Espagne, Belgique, Hollande), on mesure le potentiel non exploité par les exportateurs tunisiens que représentent les marchés polonais, tchèque et hongrois.
A quand le 1er CCA tunisien à Varsovie?
Aujourd'hui, l'exportation tunisienne en Pologne dépend de l'effort du conseiller commercial auprès de l'Ambassade de Tunisie à Varsovie, qui n'a ni les moyens ni le temps nécessaires pour organiser des contacts permanents B2B, devenus le seul moyen efficace pour nouer des partenariats et découvrir des opportunités d'exportation.
L'organisation de salons ou de séminaires est parfois indispensable, mais ces manifestations ne sont plus vraiment rentables, parce que le client ne se déplace plus chez le producteur ou le distributeur; et c'est à ces derniers de le faire, concurrence oblige.
Par ailleurs, la création et la gestion d'un CCA coûtera beaucoup moins à l'Etat tunisien que les frais dépenses, à longueur d'année, pour organiser des missions d'affaires, des salons et autres manifestations commerciales. A quand, donc, le 1er CCA tunisien à Varsovie?
* Habib Glenza connait la Pologne depuis qu'il y a entamé ses études supérieures techniques en 1966. Il est considéré, à Varsovie, comme le doyen des «étrangers» et le meilleur ambassadeur de la Tunisie. En 1992, 3 ans après la révolution polonaise, il a ouvert le premier TO tuniso-polonais à Lodz où il réside actuellement.
Illustration: Marché couvert de Varsovie.