Taieb Baccouche

Les tirs nourris contre le chef de la diplomatie tunisienne viennent d'Ennahdha et d'une camarilla de son parti, qui veut priver Nidaa Tounes de son aile gauche.

Par Hedia Yakhlef

Depuis quelques semaines, nous assistons à un feu nourri contre Taieb Baccouche, ministre de Affaires étrangères et secrétaire général de Nidaa Tounès. A chaque position qu'il prend et à chaque mot qu'il prononce, une meute est lâchée pour déchiqueter de ses crocs bien aiguisés la chair de cette victime qu'on veut sacrifier sur l'autel de cette prétendue diplomatie tunisienne mise à mal par des déclarations «calamiteuses» sinon «irresponsables» d'un homme jugé «pas à la hauteur de sa fonction».

Que ces salves meurtrières viennent d'Ennahdha via les journaux et les médias que le parti religieux des Frères musulmans contrôle n'étonne personne. Bien qu'associés au pouvoir les Nahdhaouis n'ont jamais oublié les déboires de «leur» Rafik Abdessalem Bouchlaka, l'ancien ministre des Affaires étrangères (décembre 2011-mars 2013) et gendre de Rached Ghannouchi, président d'Ennahdha, et l'exploitation qui en a été faite, à l'époque, par les médias nationaux. Ils prennent aujourd'hui leur revanche dans le harcèlement qu'ils attisent de son successeur à la tête de la diplomatie tunisienne et, d'une pierre faisant deux coups, ils profitent, au passage, de l'opportunité d'affaiblir la position d'un adversaire politique qui a été clairement contre leur association au pouvoir.

Les intentions sont claires et ne trompent que les naïfs. Les choses deviennent plus obscures et sujettes à des spéculations quand les feux sont de provenance amie, comme on dit dans les manuels de polémologie. Il n'y a pas à être féru de politique pour se rendre compte que cette offensive contre Taieb Baccouche est organisée en tirs croisés. Ennahdha d'un côté, pour les raisons sus évoquées, et Nidaa Tounes de l'autre, dans des objectifs de politique interne d'une aile du parti qui cherche à prendre les commandes en décapitant le secrétaire général tenant encore la barre. Autant dire en décapitant l'aile gauche du parti qui continue à brouiller les desseins d'une camarilla de fomenteurs de complots qui ont du mal à reconnaître les structures établies et les décisions prises dans le sens de la préparation du prochain congrès.

Personne n'aura du mal à mettre des noms sur ces têtes agissantes qui, gros sous noirs aidant, s'évertuent à alimenter les pires charges contre Taieb Baccouche. Tout leur est bon pour jeter le discrédit sur celui qui représente l'aile gauche du parti, c'est-à-dire ceux qui tiennent à des principes énoncés lors de la campagne électorale touchant non seulement le rapport au parti islamiste mais surtout le rapport à l'argent sale et aux figures reconnues de la corruption.

Les valeurs et les principes qui ont été le sol fertile de Nidaa dérangent aujourd'hui et certains verraient d'un bon œil qu'on s'en déleste définitivement pour que s'ouvrent de nouveau les vannes des affaires et des magouilles.

Le profil Taieb Baccouche – avec son enracinement syndicaliste, son profond attachement aux droits de l'homme, son ancrage à gauche, son intégrité et sa constance – dérange et beaucoup guettent l'occasion idéale de s'en débarrasser à feu lent si possible sinon à tirs nourris, parce qu'avec cette figure, c'est une mouvance entière qui peut disparaître, laissant la place au règne morbide de ceux qui n'ont que leurs intérêts personnels à préserver.

La vigilance est de mise aujourd'hui pour que ces hyènes ne gagnent pas la partie. Le parti au pouvoir risque d'en pâtir mais la patrie aussi.

* Membre du bureau régional de Nidaa Tounes à Sousse.

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