Lejri Abderrazak
écrit – Les révolutions qui soulèvent les pays arabes risquent de réaliser la moitié des objectifs en y libérant seulement les «hommes». Les femmes doivent avoir une place dans les instances décisionnelles.


Tout le monde connaît désormais la Libyenne Imen Labidi, qui a fait une esclandre devant la presse internationale pour les abus commis sur elle par les Katayeb de Kadhafi.
En relation avec ce drame, qui peut être placé dans le contexte arabo musulman où les frustrations sexuelles s’ajoutent aux privations de liberté et, par extension, en rapport avec les drames similaires où les abus en temps de guerre ou d’instabilité dont sont victimes les femmes – qu’il s’agisse en Amérique du Sud, à Srebrenica , à Goma en République démocratique du Congo ou récemment en Côte d’Ivoire –, mon interprétation est que les hommes avec un «h» minuscule, en plus de la bestialité animale et le sentiment d’impunité qu’autorisent des circonstances de non droit, font payer aux femmes l’audace et le courage dont elles se permettent de faire preuve à titre égalitaire avec les hommes, notamment contre des appareils sécuritaires ou des bandes armées, la guerre d’une façon séculaire faisant partie des prérogatives masculines.

 

L’insupportable concurrence des femmes!
Ces actes traduisent en général une lâcheté individuelle qu’autorise l’action en groupe et l’humiliation par le viol-petit profit indigne commis dans la foulée en toute impunité sous la contrainte, lors de périodes troubles – sous-tend une contestation du partage de la singularité de l’homme dans ce qu’il a d’abject et de mauvais: la violence physique et dans laquelle il ne saurait tolérer la concurrence de la femme à laquelle sont concédés les sous-sentiments de gentillesse, bonté, douceur et tendresse qu’elle est autorisée à faire montre notamment pendant la période de la maternité!
Nul n’ignore que les femmes (en Tunisie comme ailleurs) ont été en première ligne dans les mouvements de contestation aux heures les plus chaudes des confrontations et le pire est quand ces actes précités sont commis – non par des agents de l’ordre habitués qu’ils sont aux exactions corporelles – mais par des personnes censées justement se soulever contre l’oppression et la torture en invoquant les droits de l’Homme (dont la lecture syntaxique exclurait celui de la femme)!
Ces derniers, notamment dans les pays où des coutumes rétrogrades et machistes permettent aux hommes d’exercer leur propre justice sexuelle jusqu’à condamner pour adultère certaines femmes non mariées, après vérification (?!), qu’elles ne sont pas vierges et qui se permettent en plus d’avoir le culot et l’audace de manifester à côté et au même titre que les hommes!

La révolution dans la tête
Les révolutions qui soulèvent les pays arabes après plusieurs siècles de léthargie notamment pendant l’occupation ottomane, risquent de réaliser la moitié des objectifs en y libérant seulement les «hommes».
La révolution qui reste à faire – et qui est plus difficile – est celle des hommes sur eux-mêmes au plans mental et culturel pour que la femme ait une place représentative dans les instances politiques et décisionnelles comme le réclame Khédija El Madani dans un quotidien de la place sous le titre «Y a-t-il des femmes en Tunisie?».
Un ami me fait remarquer que « la révolution doit se faire aussi bien dans les têtes des hommes que celles des femmes», ces dernières étant peu enclines à la chose politique et que faire le lien entre un acte de viol (acte simplement criminel) et une révolution «féministe» dans les têtes c’est trouver une justification «culturelle» ou «machiste» a un acte criminel.
Les deux féministes allemandes, Clara Zetkin, figure historique du féminisme mondial morte en 1889, et Rosa Luxemburg, militante révolutionnaire qui appelait en 1906 à lutter notamment pour la libération de la femme de l’assujettissement à l’homme doivent un siècle et demi après se retourner dans leurs tombes.

* Ingénieur informaticien et chef d’entreprise.