Le Premier ministre Béji Caïd Essebsi est certainement excusable de ne pas avoir pu faire le casting qu’il fallait pour composer son gouvernement en raison de son absence de la scène politique pendant vingt ans, des délais courts dont il disposait et des circonstances particulières et délicates par lesquelles passe le pays.
Une nomination par omission
Ainsi, pour le premier gouvernement qu’il a hérité de Mohamed Ghannouchi, il s’est contenté d’exiger des ministres en place de choisir entre la poursuite d’une activité ministérielle et la candidature aux échéances électorales. Il s’ensuivit la démission d’Ahmed Nejib Chebbi et d’Ahmed Ibrahim. Il a aussi prévenu qu’il ne démettra personne lui-même mais que tout ministre qui désire quitter le gouvernement est libre de son choix. Certains ministres ont ainsi choisi de partir (Nouri Jouini, Afif Chelbi, Elyes Jouini).
Toutefois, on a relevé une nomination par omission d’un ministre reconduit, sans être cité dans la composition du gouvernement, en la personne du secrétaire général du gouvernement. La devise «Assedqou Fel Qaoul Wal Ikhlasou Fil Amal» qu’a proposé de faire tienne le Premier ministre en a pris un premier coup. Et il est permis de se demander pourquoi reconduire un ministre de Ben Ali sans le dire.
La grande surprise arrive avec le remplacement du ministre de l’Intérieur, populaire, par un ancien secrétaire d’Etat de Ben Ali. Là, erreur! Et l’indulgence pour la qualité du casting n’est plus de mise. En effet, un tel choix rend perplexe.
N’est-il pas possible de se passer des hommes de Ben Ali?
En supposant que le besoin de changement soit incontournable, les candidats à ce poste sont-ils si rares? Faut-il donner le sentiment qu’il n’est pas possible de se passer des hommes qui ont prêté le serment, pour intégrer le gouvernement, devant Ben Ali? Ou alors, faut-il commencer à douter de la capacité de M. Caïd Essebsi à rompre avec le régime déchu, ses hommes et ses méthodes? Simple erreur de casting ou décision délibérée qui marque un retour en arrière? Ceci, d’autant plus que M. Caïd Essebsi renie son engagement de ne démettre aucun ministre et répond à ceux qui critiquent son choix du nouveau ministre de l’Intérieur qu’il est seul à décider des membres du gouvernement et qu’il ne compte rien céder de ses prérogatives… Et c’est là le deuxième coup porté à «Assedqou Fel Qaoul Wal Ikhlasou Fil Amal».
Le doute s’installe alors que le pays a besoin de certitudes.
* Universitaire, Ecole nationale d’ingénieurs de Tunis (Enit).
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