Dr Lilia Bouguira écrit – Malgré l’instabilité politique, les problèmes économiques et le malaise social que vit le pays, on peut rester optimiste pour la Tunisie.


Je veux rester optimiste même si mon pays recommence à vivre dans le grabuge, le flou et l’insomnie des attentes de l’après-révolution.
Je veux rester optimiste même si des courants islamistes et islamophobes tentent de déchiqueter les esprits.
Je veux rester optimiste même si des angoisses vraies trouent notre économie et nos acquis.
Je veux rester optimiste même si des opportunistes tentent d’enfourcher lâchement la sainte révolution.
Je veux rester optimiste même si des sans scrupules font un tour de table, repartagent les cartes et s’octroient les donnes et les parts du lion.
Je veux rester optimiste même si notre tourisme, notre industrie, nos capitaux accusent des pertes inexorablement.
Je veux rester optimiste même si les rumeurs enflent au fil des minutes et tonitruent notre quotidien.
Je veux rester optimiste même si les ressources de mon pays sont gravement entamées par une sommation de revendications paralysantes et un afflux grossissant de réfugiés de Libye.
Je veux rester optimiste même si le discours est fourbe, les médias souffrant de la même infantilisation.
Je veux rester optimiste même si les amis du tyran refont surface, continuent la manipulation et l’usurpation.
Je veux rester optimiste même si on l’entoure de loups et de sordides sabotages.
Je veux rester optimiste même si l’on tente de l’enfoncer dans une  haine séculaire, dans le rejet de l’autre à son grand désavantage.
Je veux rester optimiste même si des hiboux, des chouettes, des pleureurs, des éternels contestataires continuent à mordre dans la chair.
Je veux rester optimiste même si les changements, la justice tardent à se faire.
Je veux rester optimiste même si nos gouverneurs sont encore à l’image du passé.
Je veux rester optimiste même si monsieur Essebsi bute encore sur ses erreurs et nous tient un discours de sourd muet.
Je veux rester optimiste même si la police, pas plus tard qu’une semaine, a encore chargé et tiré.
Je veux rester optimiste même si, même si, même si…, car mon pays est unique, son peuple extraordinaire.
Un grand clash sans violence ni vengeance avec ses tyrans.
Il fait de son mécontentement une grande révolution.
Il se multiplie, contamine et ramène à la vie tous ceux qui souffrent de répression.
Un effet domino sans précédent et les dictateurs tombent un à un touchés par la terrible malédiction.
Dégage est sentence, dégage est bénédiction.
La politique est un riche et attrayant débat incestueux.
Des partis fricotent avec l’interdit.
D’autres fantasment sur les non-dits.
La démocratie une grande culture, un enseignement fructueux.
Une discussion enflammée.
Un tour de table sans grande pompe mais dans le respect.
J’aime le retrouver ainsi nu, effaré certainement mais débarrassé à jamais des pilleurs et des suceurs de sang.
Je saurai attendre le temps qu’il faut main dans la main pour le ramasser et non le disperser.
Je saurai habiller la vie de couleurs, les divergences de compromis, les attentes d’espoir, les phobies de patience et de paroles constructives, de mots qui pansent et ne blessent, de pensées qui rachètent et ne délirent.
Je saurai l’approcher à un, à deux et aux millions pour susurrer le mal  et l’éructer.
Je saurai ignorer le crime après l’avoir dénoncé.
Je saurai étancher ma soif sur son corps convalescent mais altéré.
Je saurai me vider dans son ventre, fertiliser le limon sans culte de la personnalité.
Je saurai tout simplement l’aimer et encore aimer.
Pour tout cela, je veux rester optimiste!