Rafik Souidi écrit – L’entrepreneuriat en Tunisie, terre de toutes les opportunités, et surtout pour les jeunes qui sont capables de prendre des initiatives et faire preuve d’imagination et de créativité.


D’après l’Institut national de la statistique (Ins), le taux de chômage en 2009 par niveau d’instruction était le suivant:
- analphabètes: 6%;
- niveau d’instruction primaire: 10%;
- secondaire: 14%;
- supérieur: 22%.
Cette situation invraisemblable est une insulte au savoir dans la mesure où plus le niveau d’instruction est élevé et plus grand est le risque du chômage. Ce phénomène négatif n’a cessé de s’accroître ces dernières année avec le taux de chômage des diplômés du supérieur passant de 14% en 2005 à 17% en 2006 puis 18% en 2007 et 20% en 2008.
Au vu de cette série inquiétante, il est à craindre que le taux soit d’environ 25% en 2011, soit un diplômé du supérieur sur quatre au chomage!

L’employabilité
Certains expliquent ces difficultés par le manque d’employabilité de ces jeunes diplômés. En fait, il faudrait aussi que les employeurs remplissent davantage leur rôle de formateur en pariant sur le potentiel de ces jeunes plutôt que sur leur capacité à être immédiatement opérationnels.
A cet égard, il est regrettable que la pratique des stages de formation rémunérés soit insuffisamment développée pendant ou après le cursus universitaire. L’Agence nationale pour l’emploi et le travail temporaire (Aneti) devrait davantage contribuer à dénicher à travers le territoire ces opportunités voire à les provoquer.
Cette structure, qui fait de louables efforts, mériterait de disposer de plus de moyens pour accomplir sa mission. De même, le ministère des Affaires étrangères devrait également être celui de la Coopération internationale et les ambassades devraient prospecter partout dans le monde les possibilités de formation professionnelle.
Il conviendrait aussi d’associer plus étroitement les organismes professionnels et les syndicats aux programmes universitaires et aux orientations afin de mieux profiler les besoins.
Quant aux jeunes il faudrait qu’ils prennent conscience que le diplôme qui leur a été délivré n’est pas un aboutissement mais tout au plus un certificat de connaissances et qu’il ne représente aucunement une garantie de compétence. C’est par la multiplication des expériences professionnelles qu’ils pourront faire leurs preuves.

L’«entrepreneurialité»
Au-delà de l’employabilité des jeunes diplômés, c’est l’entrepreneurialité  qu’il conviendrait de promouvoir dans notre pays. En effet, ni le secteur public ni le secteur privé en Tunisie ne sont en mesure d’absorber les flux annuels qui se présentent sur le marché et qui laissent bon an mal an près de 20.000 diplômés du supérieur sur le carreau.
Nous proposons donc d’allonger tous les cursus universitaires d’une année supplémentaire qui serait consacrée à l’élaboration d’un projet individuel ou en équipe. Cette année de majoration en entrepreneuriat serait le meilleur service que l’on puisse rendre à ces jeunes avant de rentrer dans la vie active et avant de se résoudre au salariat.
En étudiant la faisabilité d’un projet, de sa conception jusqu’à sa mise en œuvre, nous pourrions ainsi encourager les vocations à la libre entreprise. En sortant du cadre théorique dans lequel ils ont trop souvent été confinés dans les universités et en se confrontant à la réalité du marché, ces jeunes gagneraient aussi en employabilité. Le but de ces projets de fins d’études étant leur mise en œuvre effective. Ces initiatives pourraient être de toutes natures et pas nécessairement liées à la filière d’études poursuivie. Cela pourrait être un projet d’énergies renouvelables, une unité d’agri-tourisme, une association caritative, une radio libre, un commerce de quartier ou une moyenne surface spécialisée, un restaurant à thème ou une école de la gastronomie tunisienne, une unité de montage de maisons préfabriquées ou une agence en économie d’énergie pour les bâtiments, une salle d’exposition ou une école de design... Bref, il faudra donner libre cours à l’imagination pour autant que l’idée de départ soit traduisible dans une réalité économique ou culturelle.
D’ailleurs, l’Agence de promotion des investissements (Api) ainsi que les nombreux instituts professionnels regorgent d’idées de projets qui n’ont jamais trouvé preneur. Enfin, les entreprises privées devraient participer activement en proposant de sponsoriser des jeunes diplômés qui travailleraient sur telle ou telle idée d’extension ou de diversification.

Deux créneaux porteurs: commerce et média
Enfin, avec la fin du racket et de la censure, deux secteurs devraient connaître un grand essor: le commerce et les médias. Avec le potentiel inexploité de la franchise et de la distribution en général, ce sont des milliers d’emplois qui pourraient être créés à travers le pays et les jeunes diplômés universitaires devraient être prioritaires dans l’obtention des licences. De même, les médias devraient connaître un développement très important d’autant plus qu’un renouvellement de fond en comble est nécessaire après la dictature.
Dans ces deux cas, place aux jeunes!
C’est en encourageant l’esprit d’entreprise et d’initiative que l’on pourra combattre efficacement l’esprit d’assistanat, le défaitisme et le fatalisme.
L’année d’entrepreneuriat obligatoire à la fin de tous les cursus universitaires serait une mesure susceptible de résorber en grande partie le trop-plein des jeunes diplômés qui se présentent chaque année sur le marché du travail.
En libérant les énergies créatrices et en sortant des sentiers battus, la Tunisie pourrait devenir une très belle terre d'opportunités.

NB.
L’épuration nécessaire de l’administration des cadres qui ont bénéficié de passe-droits pour leur appartenance à l’ex-Rcd ou pour leur compromission avec la dictature devrait aussi libérer des milliers de postes qui pourraient résorber immédiatement une partie des chômeurs diplômés du supérieur dont le nombre est d’environ 150.000.
Il en va de même de l’âge légal du départ à la retraite à 60 ans qui devrait être dorénavant respecté aussi bien dans le secteur public que le secteur privé.
Nous ne le répéterons jamais assez, place aux jeunes!