Samih Cherif écrit – Et si la suite des événements en Libye donnait raison à la propagande des Kadhafi père et fils? Un émirat islamiste serait-il en voie de création à Benghazi? Les Américains sont perplexes…


Après un mois de frappes aériennes intensives et plusieurs millions de dollars flambés par la France, la Grande Bretagne et les États-Unis sur le compte de leurs contribuables, seuls 30% des défenses aériennes de Kadhafi ont été détruites, l’essentiel du matériel serait bien au chaud, sous terre.
Ce bel exploit n’a presque rien changé à la donne du terrain libyen, Kadhafi et ses rebelles se livrent toujours une guerre acharnée et sanglante dont les principales victimes sont des civils innocents qui fuient par centaines de milliers vers l’Égypte et la Tunisie.

Le «réveil» américain
Devant la résistance de Kadhafi et pour accélérer les choses, les bonnes têtes pensantes occidentales ont commencé à envisager de fournir une assistance poussée aux rebelles y compris sous forme d’armes et de liquidités.
Tout allait en ce sens jusqu’à ce que les Américains décident soudainement de se retirer du jeu sous prétexte que les résolutions 1970 et 1973 de l’Onu n’autorisent pas l’armement des rebelles. En réalité, les raisons du volte-face seraient dues à l’opacité entourant certains membres du Conseil de transition libyen (Ctl).
Dans un doute bien simulé, les Américains ont «discrètement» dépêché leurs professionnels en Libye qui en sont vite arrivés au fait qu’une partie des insurgés avait opéré en Irak sous l’égide du Groupe islamique de combat libyen (Gicl) idéologiquement lié à Al-Qaida. Une belle découverte. Contribuer au support de «terroristes» ayant du sang américain sur les mains est la dernière chose que voudrait un président à quelques mois des élections de mi-mandat.

Qui sont les rebelles?
Plusieurs rapports précédant le soulèvement libyen démontrent clairement que la Cyrénaïque est un important point de concentration de jihadistes et de kamikazes, voire le plus important au monde. L'un de ces rapports, daté de 2007 et élaboré par Joseph Felter et Brian Fishman, spécialistes du contre-terrorisme à l’Académie militaire de West Point, New York, affirme que 20% des combattants ayant transité par la Syrie vers l’Irak, venaient de l’est libyen et plus précisément des villes de Benghazi, Darna et Tobrouk, épicentre du soulèvement actuel contre Kadhafi.

Obama et Sarkozy, même combat
Obama, tout comme ses compagnons de guerre, ne pouvait donc pas ignorer que des combattants du Gicl étaient fortement présents parmi les insurgés, ce qui indique qu’il croyait venir à bout de Kadhafi assez rapidement pour ne pas avoir à se retrouver face à une opinion publique hostile en pleine campagne de mi-mandat.
Sarkozy lui, ne semble pas vouloir revoir sa stratégie et fait peu de cas de la campagne présidentielle qui commence sous peu, pensant peut-être l’avoir perdue d’avance. Il n’a d’ailleurs pas hésité à se mouiller jusqu’aux cheveux début mars en invitant les membres du Ctl à l’Elysée.
Pourquoi cette bienveillance française sachant que le Gicl est depuis longtemps l’allié du groupe Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), qui sévit dans la zone sahélo-saharienne, et considéré comme une organisation terroriste par l’Onu?

Encore une guerre par procuration
Il faut savoir que la collaboration entre les pays de l’Otan et le Gicl n’est pas nouvelle, qu’elle a produit, entre autres, une participation à la guerre afghane en 1979, un soulèvement armé à Benghazi en 1995, suivi d’une tentative d’assassinat contre Kadhafi en 1996 puis des attentats suicides en Irak visant à déstabiliser le pays et le faire éclater en zones tribales et religieuses.
Ces relations qu’on peut clairement qualifier de filiales sont celles qui régissent une partie de la configuration libyenne d’aujourd'hui.
La manœuvre occidentale visant à renverser Kadhafi, installer des extrémistes et venir défendre la démocratie et la liberté par la suite (scénario afghan) présente un véritable risque pour la stabilité du Maghreb et de l’Afrique sub-saharienne et menace la zone entière de scissions tribales, de poussées salafistes, de violences et de chaos. Le premier résultat de toute cette folie colonialiste et avide nous donne déjà un tableau qui affiche clairement deux Libye: La Jamahiriya Tripolitaine à l’ouest et l’Émirat de Cyrénaïque à l’est.

Source : ‘‘Mental madness’’.