Rafik Souidi écrit – Moins d’Etat, mieux d’Etat : un Etat modeste dans ses prérogatives et dans ses dépenses de fonctionnement. Avec une véritable décentralisation et d’un transfert réel de pouvoirs.


Dans trois mois devraient se dérouler les élections de l’assemblée constituante. L’enjeu est de taille car il devrait enraciner dans les textes la démocratie et l’Etat de droit.

Quel rôle de l'Etat?

Ainsi, la nature du régime, soit parlementaire soit présidentiel, devrait alimenter les débats de la campagne, de même que l’équilibre des pouvoirs et contre-pouvoirs pour garantir les libertés fondamentales. Mais la constitution devrait aussi déterminer le rôle futur de l’Etat au niveau social, sanitaire, économique, financier, urbanistique, médiatique et culturel.
C’est en répondant clairement à ces aspects que les véritables lignes de démarcation se feront jour entre les protagonistes de la constituante car pour ce qui concerne la démocratie et la garantie des libertés fondamentales il y a désormais un consensus général.

 

A ce titre, le débat actuel sur la négociation d’un pacte républicain est tout à fait superflu. En effet, les partis politiques devraient plutôt se concentrer sur la question fondamentale de la place de l’Etat dans la Tunisie de demain.
Au lendemain de l’indépendance, l’enjeu de la première constituante était de bâtir un Etat moderne sur les décombres des institutions beylicales et sur les restes de la colonisation.
Le résultat a été des plus médiocres. Aujourd’hui, il s’agit de construire un Etat postmoderne et avant-gardiste sur les ruines de la «médiocrature» instaurée par l’ancien régime. Pour ce faire, les futurs membres de la constituante devraient garder à l’esprit la débâcle de leurs prédécesseurs et faire preuve d’une vision civilisationnelle originale et cohérente.
Quelle Tunisie voulons-nous construire pour nos enfants? Telle est la question dont nous attendons des réponses audacieuses et ambitieuses et cela requiert un descriptif détaillé du futur rôle de l’Etat.

Un Etat modeste
En ce qui nous concerne, nous préconisons, à terme, le désengagement optimal de l’Etat des rouages socio-économiques du pays afin qu’il se concentre dans l’accomplissement de ses tâches régaliennes avec la plus grande efficacité et la plus haute probité. Nous souhaitons l'avènement d’un Etat modeste dans ses prérogatives, plus particulièrement dans ses dépenses de fonctionnement dans le strict respect de la chose publique et moins arrogant dans son comportement vis- à-vis des citoyens qu’il est censé servir dans le cadre du service public.
A l’exemple des pays scandinaves où le train de vie de l’Etat est soigneusement contrôlé par les citoyens et où les ministres n’ont pas de voitures officielles. Ainsi, le Palais présidentiel de Carthage devrait être transformé, quel que soit le régime adopté par la constituante, en un musée et centre de conférences car les palais ne sont plus faits pour les démocraties évoluées. Ce sont des bureaux sobres et efficients dont a besoin l’administration pour travailler efficacement et non pas de résidences royales. Quant à l’avion présidentiel de 400 millions de dinars, quand on sait que la chancelière de l’Allemagne voyage sur les lignes régulières, il en dit long sur les dérives du régime déchu et cela est symbolique de ce qu’il ne faut plus faire en Tunisie.

C’est en mettant un terme définitif au faux prestige de l’Etat et ses dépenses somptuaires que l’on rétablira sa crédibilité et que l’on évitera à l’avenir d’attirer les mauvaises graines et autres opportunistes attirés par l’appât du gain et les apparats du pouvoir.
Dorénavant, servir l’Etat devrait être l’apanage des plus sincères vocations et des plus hautes consciences. Sans pour autant devenir un sacerdoce, la fonction publique ne devrait plus être perçue comme un tremplin vers l’enrichissement personnel.
Ce redimensionnement salutaire ne réduirait pas nécessairement le rôle d’investisseur que pourrait exercer l’Etat dans le domaine des infrastructures ou de l’amorçage et l’accompagnement de certaines filières mais il conviendrait à l’avenir d’intervenir exclusivement à travers la future Caisse des dépôts.
Quant aux dépenses sociales, c’est à travers une Caisse nationale de la sécurité sociale (Cnss), entièrement restructurée, que la richesse pourrait être redistribuée et que la solidarité pourrait s’exprimer.
En simplifiant les modes opératoires et en réduisant le nombre d’organes d’intervention on gagnera en efficacité, en gouvernance et en transparence.
Par souci de proximité, on pourrait aussi envisager une réorganisation administrative du territoire en une dizaine de régions dans le cadre d’une véritable décentralisation et d’un transfert réel de pouvoirs.
Par ailleurs, les citoyens devraient prendre davantage leur destin en main et cesser de voir en l’Etat le pourvoyeur de toutes les grâces. Cet esprit d’assistanat, favorisé par la "médiocrature" déchue, devrait s’estomper et au contraire l’esprit d’initiative devrait être encouragé car moins l’Etat interviendra et mieux ce sera pour tous.
L’édification d’un Etat modeste dans ses prérogatives et ses comportements mais efficient dans ses résultats dépend pour beaucoup de la future constitution et il conviendrait d’en débattre pendant les élections.