Ghazi Meziou* écrit – Les Ex-Rcd pourront être réadmis sur l’échiquier politique post-Ben Ali, à condition qu’ils admettent leurs erreurs passées et soutiennent les forces progressistes dans le pays.


Je suis – par principe – contre l’exclusion en bloc des ex-Rcd – ou Rcdistes – des élections de l’assemblée constituante. Ce n’est pas tant que je considère que les ex-Rcd ne méritent pas une telle exclusion. Non, c’est notre démocratie naissante qui ne la mérite pas.
En réalité, les ex-Rcd, eux, méritent cette exclusion en raison de leur évidente responsabilité politique dans le maintien et la dérive mafieuse et foncièrement anti-démocratique du régime Ben Ali. Là n’est cependant pas mon propos.

Droits dans leurs bottes
Depuis le 14 janvier, j’observe avec un étonnement grandissant l’absence de toute réaction politique digne de ce nom des ex-Rcd et des partis nouvellement constitués par eux. Rien n’y fait, ils restent droits dans leurs bottes et affirment avoir été de loyaux et honnêtes serviteurs de l’Etat. Une petite lettre par-ci, une petite interview par là, tout le monde est clean et personne n’est responsable. Circulez, il n’y a rien à voir.
Admettons que ces dames et ces messieurs aient réellement été de loyaux et honnêtes serviteurs de l’Etat (ce n’est sans doute pas le cas pour tous, mais c’est sans doute le cas pour beaucoup). Il n’en demeure pas moins qu’ils n’ont apporté de réponse ni à leur responsabilité politique ni au rejet politique que cette responsabilité suscite dans un large pan de la population.
Si ces partis ont l’ambition de redevenir politiquement fréquentables, ce n’est certainement pas ainsi qu’ils y arriveront. Ce n’est pas non plus en faisant planer le risque de voir leurs électeurs rejoindre Ennahdha ou en manifestant contre l’illégalité de leur exclusion. Ni la menace, ni la victimisation ne leur permettra de devenir un acteur «normal» de la scène politique tunisienne.
Je pars du principe que les hommes et les femmes qui ont fondé les nouveaux partis issus du Rcd ont, à la fois, l’ambition politique – de mon point de vue légitime – de redevenir des acteurs à part entière de la scène politique tunisienne et un projet de société plus proche de celui des Tunisiens qui combattent Ennahdha que de ceux qui la soutiennent.

Le message de la rédemption
Si tel est le cas, la stratégie de ces partis est lamentable. Je ne sais pas quel sera le devenir de l’exclusion décidée par la Commission Ben Achour après les aménagements que souhaite lui apporter le gouvernement, mais – au final – cela importe peu. De mon point de vue et indépendamment de leur exclusion ou pas de l’assemblée constituante, ils auraient dû convoquer une conférence de presse, pour passer solennellement le message suivant:
«Nous considérons que l’exclusion des ex-Rcd de l’élection de l’assemblée constituante est illégale et antidémocratique. Néanmoins, et en dépit de cela, nous l’acceptons. Nous l’acceptons parce qu’en dépit de notre loyauté et de notre honnêteté, nous avons une responsabilité politique dans le maintien et la dérive mafieuse et foncièrement antidémocratique du régime Ben Ali et nous estimons que cette exclusion, à défaut d’être légale, est politiquement juste.
Nous attirons l’attention des citoyens tunisiens sur le fait que l’exclusion décidée n’empêche pas notre parti de présenter des candidats à l’élection de l’assemblée constituante. Néanmoins, nous déclarons que nous avons décidé de ne pas présenter de candidats à cette élection. Nous espérons que cette renonciation sera perçue par nos concitoyens comme un gage de notre prise de responsabilité politique.
Notre parti ne participera pas à cette élection, mais il nous est pas possible en tant que parti politique, héritier du Néo Destour – principal artisan de l’indépendance et de la modernité tunisienne – de nous désintéresser de cette élection cruciale pour notre pays et pour nos enfants.
Pour cette raison nous nous engageons à déployer tous nos moyens matériels et humains pour faire une campagne citoyenne pour convaincre nos concitoyens de se mobiliser et voter en masse le 24 juillet et également pour les convaincre que l’avenir de la Tunisie ne peut se conjuguer au passé. Nous annonçons officiellement notre opposition à Ennahdha et à l’ensemble des partis politiques qui instrumentalisent l’islam qui est notre religion à tous. Nous demandons à nos adhérents et sympathisants de donner leur vote au parti de leur choix parmi ceux qui s’opposent à cette vision rétrograde de notre société et indépendamment de la position de ces partis à notre égard. C’est là notre vision de l’intérêt suprême de notre pays.
Nous avons accepté de bonne grâce cette exclusion illégale et antidémocratique, nous n’accepterons pas qu’elle soit reconduite pour les futures échéances électorales. Nous espérons que nos concitoyens comprendront que l’idéal démocratique ne peut être réalisé sans le respect de la loi et de ce fait, que toute déchéance de nos droits politiques ne peut se concevoir en dehors d’un procès équitable ».
Voila en gros la prise de position qui, de mon point de vue, aurait due être la leur.
Cette position et le respect de l’engagement de faire une campagne citoyenne leur aurait permis de se réconcilier avec une part importante des Tunisiens et d’éviter – par leur retrait des élections de la constituante – de subir d’incessantes attaques durant toute la période électorale. Ils auraient également pu rejoindre le camp des modernistes en s’opposant frontalement à Ennahdha, profitant de la frilosité relative de certains partis sur ce sujet.
Je crois cependant que les ex-Rcd – comme au temps de leur splendeur – manqueront de subtilité politique et continuerons à nous opposer la loyauté et l’honnêteté de leurs dirigeants comme réponse à leur rejet.

* Cabinet Meziou Knani & associés.