Jamel Mhanna écrit de Paris – Aujourd’hui la France, pays des droits de l’homme, est devenue laide en organisant la chasse à l’homme… immigré tunisien en France.


La France est mon pays. Un pays où je suis né et que j'aime très fort. J’ai beau ruminer quelquefois contre cette France qui, à mon goût, ne m’accorde pas toute ma place parce que j’ai le teint basané et parce que je m’appelle Jamel, mais je dois reconnaître que ma patrie est une grande patrie. Celle qui a porté durant des siècles des idéaux nobles et émancipateurs de l’homme.

Une France laide, petite et indigne de son rang
Aujourd’hui encore la France reste un pays attractif. Il faut le reconnaître ici et clairement. Beaucoup d’immigrés viennent en France car le système social est excellent. Quel autre pays propose un quasi salaire comme le Rsa sans travailler? Quel autre pays permet dire ce que l’on pense sans craindre une descente de police chez soi? Bien sûr qu’il y a beaucoup de pays respectueux et généreux, et la France en fait partie.
Mais aujourd’hui, je trouve la France laide, petite et indigne de son rang. Pourquoi? En tant que Français, j’assiste tous les jours à la chasse aux jeunes tunisiens clandestins en France. Non, je n’exagère pas, il s’agit bien d’une chasse à l’homme. Dans les trains, on cible tout ce qui ressemble à un Tunisien. Dans les parcs on contrôle de manière agressive tout ce qui ressemble à un clandestin tunisien. Et comble de l'indignité, ces derniers jours, à Paris, on attend même le moment où l’on sert à ces pauvres jeunes le seul repas qu’ils pourront ingurgiter pour les arrêter. Du jamais vu dans un pays riche comme la France, qui plus est, un pays en paix.
Il fallait s’y attendre après la gestion calamiteuse de la révolution tunisienne par les gouvernants français. Au moment où des Tunisiens avaient la tête ouverte en deux par des snipers, on proposait le savoir-faire français pour maintenir l’ordre au président déchu tunisien, au moment où le peuple tunisien souffrait, on venait passer des vacances, comme si de rien n’était, sur les côtes tunisiennes, au moment où Ben Ali lâchait ses dernières balles, un ministre de l’agriculture français rappelait que Ben Ali avait de bons côtés.

Les immigrés tunisiens sont des êtres humains
Oui, hélas, il fallait donc s’y attendre à cette chasse à l’homme. Et qu’on ne nous dise pas qu’elle n’en n’est pas une. Qu’on ne nous dise pas qu’il n’y a pas de chasse à l’homme. Parce que je vous rappellerai la circulaire abominable datant d’un mois et demandant aux forces de l’ordre du sud-est de la France de cibler les Tunisiens lors des contrôles. D’ailleurs, entre nous, comment cibler «les Tunisiens» par un contrôle? Comment si ce n’est, encore une fois, contrôler au facies? Oui il fallait s’y attendre, lorsque le ministre de l’Intérieur actuel rappelle sans honte et franchement que les immigrés tunisiens «devraient rester chez eux maintenant que la révolution est faite». Est-ce un gag ou sommes-nous en présence d’un cynisme incroyable.
Certes, la révolution est passée mais ses causes sont toujours là: une pauvreté forte et un partage inégal des riches organisé par l’ancien régime tunisien. Lequel régime était fortement soutenu par l’ami Sarkozy. Faut-il rappeler ici les éloges que notre président français actuel a faits à l’ancien président tunisien. La France, parce qu’elle a soutenu un régime dont l’une des conséquences est la fuite de ces jeunes, s’honorerait – si elle ne veut pas régulariser les jeunes immigrés clandestins –, au moins de ne pas les laisser trainer comme des «animaux» dans des parcs, et surtout de ne pas les chasser comme elle le fait.
Dans notre pays des droits de l’homme, les Tunisiens ont eux aussi des droits, fussent ils clandestins.