Le jour où j’ai appris que le ministère de l’Intérieur a lancé sa page Facebook j’ai esquissé un sourire moqueur. Mais étant donné que ce n’était pas le «non-sens» le plus grave de ces dernières semaines, j’ai vite fait d’oublier ce détail.
Ramassis d’insultes et art de l’injure
Aujourd’hui, après une longue interrogation sur le traitement de l’information dans l’affaire Farhat Rajhi, j’ai repensé à ce détail et me suis connecté à la page officielle du fameux ministère régalien. Le premier post que je croise traite d’une saisie de deux kilogrammes de cannabis. A ma grande surprise, cette affaire, à priori «banale», a attiré plus d’une centaine de commentaires. Les Tunisiens se sont-ils approprié la lutte contre la drogue? Curieux, je clique. Le résultat est effarant. Un ramassis d’insultes, un art de l’injure et une majorité de commentaires sans aucun lien avec l’affaire en question. Peut-on réellement communiquer sur Facebook? Si la réponse est oui, de quel type d’information doit-on y traiter?
Il faut dire que les politiques ont rapidement senti le filon. Pour une fois, nous ne faisons pas l’exception, le Parti socialiste français a bien fait campagne en 2007 sur Second Life. Avec le succès en plus, Obama a été le premier à mettre en place une communication dédiée à la toile (Facebook y tenait le rôle principal). Alors, doit-on ramener la politique à des «Like»?
C’est ainsi que ma réflexion m’amène à me recentrer sur l’information politique. Personnellement, je pense que Facebook, à cause de sa structure manichéenne, est l’univers du subjectif. Par ailleurs, le mode de propagation virale qui a fait son succès nous emprisonne dans l’instantané. Par opposition, une information politique de qualité doit être objective, complexe et précise. Elle implique donc de la distance, de l’impartialité et du temps d’assimilation. Elle ne supporte pas l’approximation induite par la vitesse de transmission.
A chaque cadre son discours
D’ailleurs, en faisant le parallèle avec un autre média, je me demande pourquoi le thème politique n’a jamais percé à la télévision? Pourquoi ce domaine est resté le pré-carré de la presse écrite?
Pour ne pas accabler Facebook, je me pose une question plus large: le choix du contenant doit-il dépendre du contenu ou de sa capacité à toucher un large auditoire?
Nos aïeuls disaient bien: «A chaque cadre son discours» (Likoli ma9amin ma9al).
C’est sur cette base que j’estime que nos politiques devraient plus s’attacher au réel, au vrai débat qui donne le temps au temps et enrichit les esprits. Avec notre propension à la rumeur et à la diffamation, il faut que le lieu du débat soit encadré et les règles du jeu bien connues.
Facebook est un outil simple et très efficace pour socialiser. Alors que celui qui réussit à cuire des œufs avec une chaise me jette la première pierre.
Le plus ironique dans toute cette histoire c’est que je vais sûrement publier ces lignes sur Facebook. Alors ange ou démon?
Source: ‘‘Chronique d’une révolution’’
* Senior Associate - Relationship Manager.