Car l’homme de la Maison Blanche, malgré son sourire de jazzman et sa démarche de joueur de NBA, est trop cérébral pour ignorer la quasi futilité de l’aboutissement de ce «Wanted dead or alive».
Si Ben Laden avait été capturé dès l’entrée des forces américaines en Afghanistan, cela aurait eu un effet beaucoup plus retentissant. Mais pas maintenant! Car, non seulement le leader jihadiste ne faisait plus qu’un discours par siècle et semblait avoir déjà rejoint l’au-delà, mais depuis les évènements du World Trade Center, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts.
En mentant sur les armes de destruction massive, en torturant à Abou Gharib, en tuant plus de victimes innocentes que les coupables qu’elle pourchassait, en continuant à soutenir de façon inconditionnelle Israël dans son Holocauste Palestinien, l’Amérique a multiplié les entorses au savoir-vivre international. Elle a gaffé, s’est fourvoyée et s’est décrédibilisée alors que son économie était à genoux, que la Chine s’esclaffait, que l’Iran bombait le torse, que l’Europe boudait et que l’Amérique Latine virait à gauche.
Un diagnostic sévère
C’est alors qu’un Obama, idole des jeunes, rompu à Facebook et Twitter, prend les commandes. Au schéma manichéen de G. W. Bush, éternel plaisantin mal sevré d’une adolescence où il buvait comme un trou, il opposa un diagnostic sévère: l’Amérique, en perdition, était devenue trop impopulaire et sérieusement menacée dans ses intérêts vitaux! La paix israélo-arabe, en permettant de couper l’herbe sous les pieds des extrémistes, de vider de sa substance le discours d’Al- Qaïda et de faire revenir la rue arabe vers moins de rancœur, était désormais devenue une question de sécurité nationale pour les Etats-Unis. Personne n’osera l’avouer, mais cette analyse donnait raison à la stratégie de Ben Laden. Mais passons, ce n’est pas la peine de remuer le couteau dans la plaie.
On changea alors le fusil d’épaule. Le dénigrement des pays de l’«axe du mal» est mis en sourdine. La main de l’Amérique se tend vers l’Iran, la Syrie, les peuples arabes. Les dictateurs alliés sont fraichement rappelés à l’ordre démocratique. Les islamistes modérés sont devenus fréquentables. Obama quitte l’Irak, se propose de quitter l’Afghanistan. Seuls, les extrémistes irréductibles, comme les Taliban, continueront à être voués à une chasse impitoyable.
Mais tout cela n’avait aucune chance d’aboutir que si et seulement si Israël obtempérait et acceptait de revenir aux frontières reconnues par la communauté internationale.
Fin de non-recevoir de l’allié sioniste
Tous les jeunes du monde, tous les pays arabes, semblaient avoir répondu à l’appel d’Obama ; même l’intrépide Ahmadinejad demandait à y voir. Mais c’était sans compter avec le refus de Netanyahou qui ne sera ni le premier ni le dernier à asséner un coup de poignard dans le dos à son puissant protecteur, lorsque son expansionnisme se trouvait menacé.
Obama qui se voyait le continuateur des pères fondateurs de l’Amérique, avec ses «Yes we can», ses fabuleux discours et son rêve d’un monde dénucléarisé, écope d’une fin de non-recevoir de son présumé allié sioniste et se découvre sans espoir de réconcilier l’Amérique avec le reste du Monde. Il est même réduit à espérer tout au plus une assurance maladie à ses concitoyens, la fermeture de Guantanamo et la visite des zones dévastées par les tornades.
En effet, comme ses prédécesseurs, Obama va déchanter et apprendre à ses dépens ce que les mômes de Gaza savaient déjà avant de naître: les Etats-Unis sont peut être encore la première puissance mondiale mais son président n’est pas l’homme le plus puissant du monde. Il peut décider de tout sauf pour Israël! Ce sont les lobbies pro-israéliens qui dictent la politique étrangère américaine au Moyen-Orient même si cela est contraire aux intérêts de l’Amérique.
Netanyahou le laissera scander «I have a dream» autant qu’il le voudra, mais lorsqu’il s’agira des colonies de gaza, c’est «Niet»!
Ben Laden n’a pas humilié Obama, Netanyahou si, et de quelle manière.
Ben Laden a fait tuer des innocents certes mais Netanyahou fait couler toute la stratégie américaine et éternise l’amertume de part et d’autre du front.
En finir avec un Ben Laden déjà fini, mais dont le symbole lui survivra tant qu’Israël colonisera, est un coup d’épée dans l’eau d’autant que les groupes extrémistes, quoiqu’à vérifier, semblent depuis longtemps voler de leurs propres ailes.
Le cœur n’y était pas
Certes, pour la galerie, pour les électeurs formatés par son prédécesseur, Obama, à l’annonce de l’élimination de l’ennemi numéro1 de l’Amérique, arborera ce sourire millimétré de circonstance et fera mine d’y croire mais le cœur n’y était pas et l’esprit était ailleurs. L’échec à faire plier Israël est beaucoup plus dévastateur que de trouver les grottes de Tora Bora déshabitées.
Ce qui aurait fait le bonheur d’Obama, c’était surtout une avancée majeure dans le processus de paix au Moyen-Orient. On peut même parier qu’Obama, dans son for intérieur, doit discrètement de délecter de voir aujourd’hui Israël de plus en plus isolée par les révolutions arabes!
On pourrait même, sans être cynique, aller jusqu’à penser que Ben Laden, dans sa logique certes meurtrière s’est plus réalisé dans la vie, en arrivant à secouer les piliers de l’Amérique et à maintenir une menace posthume qu’un Obama, pathétique, brimé par l’arrogance d’Israël et réduit à passer la serpillère après les dégâts de G. W. Bush sans avoir jamais l’occasion d’assoir sa propre politique dans la région!
Netanyahou, quoique plus nocif, sera cependant reçu prochainement à la Maison Blanche avec tous les honneurs, pour l’entendre se féliciter de l’élimination de Ben Laden, l’ennemi commun!
Et Obama, dépité, mangera encore une fois son pain noir sans rien laisser transparaître, tenu en laisse par la perspective d’un deuxième mandat dont le lobby juif détient, en grande partie, les tenants et aboutissants.
* Professeur en chirurgie digestive au Chu Habib Bourguiba de Sfax.