La communication politique à l’ère du numérique. Rien n’est plus comme avant, et ce, à plusieurs niveaux. D’abord, la numérisation et l’historique du web rendent disponible presque en temps réel le parcours de l’homme politique qui s’exprime. Google aidant, en deux clics, on dispose de sa formation, de ses anciennes fonctions, de ses relations, de ses déclarations et autres petites histoires qui cernent les contours de sa personnalité. D’où la nécessité de ne pas se laisser prendre en flagrant délit de retournement de veste ou de mensonge.
Une nouvelle manière de faire la politique
En cours de communication, le politique est soumis aux lumières des projecteurs et des caméras numériques de haute résolution qui traquent la moindre expression de son visage, le moindre geste, la moindre mimique… Alors, soit on en fait un usage qui emballe le public et soutient le discours tenu, soit, au contraire, on trahit un sentiment profond contraire au message qu’on veut transmettre. Et là, au moindre sentiment intérieur trahis, l’un des piliers sur lequel repose l’action de certains politiques, à savoir dire ce qu’ils ne ressentent point, risque de s’effondrer.
Enfin, une fois la prestation du politique terminée, il risque d’être pris d’assaut par des milliers de commentateurs. Les réseaux sociaux deviennent, en effet, un agrégateur de l’intelligence collective à laquelle l’intelligence individuelle du communicateur politique ne peut résister, dès qu’une imposture se glisse dans le discours.
Les dictatures ont trouvé la parade aux effets dévastateurs de la communication politique à l’ère du numérique: verrouiller, censurer, ralentir, pirater et quand rien n’y fait, intimider, monter des procès, emprisonner, etc.
Ce qui s’est passé en Tunisie et en Egypte, et qui se déroule actuellement en Libye, Syrie et ailleurs, prouve que les réseaux sociaux contribuent fortement à la fois à la diffusion de l’information et à la genèse d’opinions et, dans une chronologie logique, à la prise de décisions d’action et de mobilisation pour atteindre les objectifs fixés sur la toile.
Le consensus qui s’effectue ainsi en ligne autour d’un objectif renforce la conviction individuelle ainsi adossée à l’adhésion collective et nourrit la confiance de chacun des membres du réseau lui permettant de franchir la barrière de la peur qui constitue l’arme maîtresse des dictatures.
Dans ce contexte, il n’est pas étonnant que la Tunisie soit le premier pays arabe à détruire ce mur de la peur, dans un élan semblable à la chute du mur de Berlin, annonçant ainsi la déferlante révolutionnaire arabe.
Des statistiques qui ne trompent pas
En effet, la Tunisie comptait avant la révolution la plus grande communauté Facebook relativement à la population dans le monde arabe avec 1,5 million d’abonnés, soit 15% de la population, dont 62% ont moins de 24 ans et 89 % moins de 34 ans. Les plus jeunes (20% des facebookers tunisiens ont entre 13 et 18 ans!) s’y mettent alors qu’ils sont encore au collège ou au lycée. Le plus grand pourcentage avant le déclenchement de la révolution (42%) était celui des jeunes de la tranche d’âge 18-24 ans, soit ceux qui sont en âge de poursuivre des études supérieures. Il est aussi à noter, d’après ces statistiques recueillies par l’auteur il y a près d’un an (voir l’article «Les réseaux sociaux: aubaine ou fléau?»[1]), que les Tunisiens de plus de 34 ans sont sous-représentés sur Facebook (environ 11%).
Les statistiques actuelles disponibles sur le site SocialBakers http://www.socialbakers.com [2] montrent une augmentation rapide du nombre total des abonnés tunisiens de Facebook qui atteint 2,4 millions et une diminution du pourcentage de facebookers de la tranche d’âge 18-24 ans de 42% à 38% compensée par une augmentation de ceux de la tranche d’âge 24 ans et plus de 4% dont 3% pour les plus de 34 ans. Ce glissement du pourcentage des utilisateurs vers une classe d’âge plus élevé s’explique par le succès qu’a connu le réseau suite à la révolution du 14 janvier auprès des «moins jeunes».
En Tunisie, aujourd’hui, dans le foisonnement de la transition que l’on peut oser espérer démocratique et face à l’engouement grandissant de la population pour l’usage des réseaux sociaux, la communication numérique et l’attitude de la classe politique à son égard seront certainement déterminants si les règles de la liberté d’expression et du jeu démocratique sont respectés.
Alors, bonne chance nos chers politiciens avec toutes vos catégories: vieux, coutumiers des tribunes et des discours mais aussi coutumiers des professionnels de l’applaudissement et des journalistes à deux sous qui vous font écho, moins jeunes qui jouez au grand écart entre le comportement de vos aînés et les exigences de la jeunesse et beaucoup plus jeunes, rompus aux usages des techniques du monde numérique en réseau mais, hélas, souvent peu expérimentés en affaires de la vie et par conséquent peu convaincants sur le fond des choses.
* Universitaire. Ecole nationale d’ingénieurs de Tunis (Enit).
Notes:
[1] http://www.facebook.com/RaoufLaroussi
[2] http://www.socialbakers.com/facebook-statistics/tunisia
Tunisie. Les hommes politiques à l’épreuve de Facebook
Raouf Laroussi écrit – L’usage des réseaux sociaux est en train de révolutionner les habitudes des hommes politiques, qui sont plus exposés aux regards et à la critique… anonymes.
La communication politique à l’ère du numérique. Rien n’est plus comme avant, et ce, à plusieurs niveaux. D’abord, la numérisation et l’historique du web rendent disponible presque en temps réel le parcours de l’homme politique qui s’exprime. Google aidant, en deux clics, on dispose de sa formation, de ses anciennes fonctions, de ses relations, de ses déclarations et autres petites histoires qui cernent les contours de sa personnalité. D’où la nécessité de ne pas se laisser prendre en flagrant délit de retournement de veste ou de mensonge.
Une nouvelle manière de faire la politique
En cours de communication, le politique est soumis aux lumières des projecteurs et des caméras numériques de haute résolution qui traquent la moindre expression de son visage, le moindre geste, la moindre mimique… Alors, soit on en fait un usage qui emballe le public et soutient le discours tenu, soit, au contraire, on trahit un sentiment profond contraire au message qu’on veut transmettre. Et là, au moindre sentiment intérieur trahis, l’un des piliers sur lequel repose l’action de certains politiques, à savoir dire ce qu’ils ne ressentent point, risque de s’effondrer.
Enfin, une fois la prestation du politique terminée, il risque d’être pris d’assaut par des milliers de commentateurs. Les réseaux sociaux deviennent, en effet, un agrégateur de l’intelligence collective à laquelle l’intelligence individuelle du communicateur politique ne peut résister, dès qu’une imposture se glisse dans le discours.
Les dictatures ont trouvé la parade aux effets dévastateurs de la communication politique à l’ère du numérique: verrouiller, censurer, ralentir, pirater et quand rien n’y fait, intimider, monter des procès, emprisonner, etc.
Ce qui s’est passé en Tunisie et en Egypte, et qui se déroule actuellement en Libye, Syrie et ailleurs, prouve que les réseaux sociaux contribuent fortement à la fois à la diffusion de l’information et à la genèse d’opinions et, dans une chronologie logique, à la prise de décisions d’action et de mobilisation pour atteindre les objectifs fixés sur la toile.
Le consensus qui s’effectue ainsi en ligne autour d’un objectif renforce la conviction individuelle ainsi adossée à l’adhésion collective et nourrit la confiance de chacun des membres du réseau lui permettant de franchir la barrière de la peur qui constitue l’arme maîtresse des dictatures.
Dans ce contexte, il n’est pas étonnant que la Tunisie soit le premier pays arabe à détruire ce mur de la peur, dans un élan semblable à la chute du mur de Berlin, annonçant ainsi la déferlante révolutionnaire arabe.
Des statistiques qui ne trompent pas
En effet, la Tunisie comptait avant la révolution la plus grande communauté Facebook relativement à la population dans le monde arabe avec 1,5 million d’abonnés, soit 15% de la population, dont 62% ont moins de 24 ans et 89 % moins de 34 ans. Les plus jeunes (20% des facebookers tunisiens ont entre 13 et 18 ans!) s’y mettent alors qu’ils sont encore au collège ou au lycée. Le plus grand pourcentage avant le déclenchement de la révolution (42%) était celui des jeunes de la tranche d’âge 18-24 ans, soit ceux qui sont en âge de poursuivre des études supérieures. Il est aussi à noter, d’après ces statistiques recueillies par l’auteur il y a près d’un an (voir l’article «Les réseaux sociaux: aubaine ou fléau?»[1]), que les Tunisiens de plus de 34 ans sont sous-représentés sur Facebook (environ 11%).
Les statistiques actuelles disponibles sur le site SocialBakers http://www.socialbakers.com [2] montrent une augmentation rapide du nombre total des abonnés tunisiens de Facebook qui atteint 2,4 millions et une diminution du pourcentage de facebookers de la tranche d’âge 18-24 ans de 42% à 38% compensée par une augmentation de ceux de la tranche d’âge 24 ans et plus de 4% dont 3% pour les plus de 34 ans. Ce glissement du pourcentage des utilisateurs vers une classe d’âge plus élevé s’explique par le succès qu’a connu le réseau suite à la révolution du 14 janvier auprès des «moins jeunes».
En Tunisie, aujourd’hui, dans le foisonnement de la transition que l’on peut oser espérer démocratique et face à l’engouement grandissant de la population pour l’usage des réseaux sociaux, la communication numérique et l’attitude de la classe politique à son égard seront certainement déterminants si les règles de la liberté d’expression et du jeu démocratique sont respectés.
Alors, bonne chance nos chers politiciens avec toutes vos catégories: vieux, coutumiers des tribunes et des discours mais aussi coutumiers des professionnels de l’applaudissement et des journalistes à deux sous qui vous font écho, moins jeunes qui jouez au grand écart entre le comportement de vos aînés et les exigences de la jeunesse et beaucoup plus jeunes, rompus aux usages des techniques du monde numérique en réseau mais, hélas, souvent peu expérimentés en affaires de la vie et par conséquent peu convaincants sur le fond des choses.
* Universitaire. Ecole nationale d’ingénieurs de Tunis (Enit).