Nouredine Ben Mansour écrit - La situation actuelle des sondages en Tunisie pose problème. Ne faut-il pas réglementer cette activité avant l’élection du 24 juillet?


Les sondages ont une importance grandissante dans les pays démocratiques. D’une façon générale, on peut dire que les sondages participent au choix et à la sélection des candidats, c’est-à-dire qu’ils ils renforcent la légitimité des candidats les plus connus et les plus populaires. Un sondage bien fait est une réelle opportunité pour les candidats. Il leur donne une nouvelle possibilité leur permettant d’ajuster leurs stratégies et de rectifier à temps leurs campagnes. Si le candidat est entouré de bons spécialistes en communication, il peut aisément déterminer et mesurer l’impact de son message et par là il peut le réorienter en cas de nécessité.

Un sondage n’est jamais neutre
Tout candidat qui veut assurer une réussite électorale doit bien comprendre les effets des sondages sur le vote, car, avec cette compréhension, il peut en temps réel anticiper une forte participation des électeurs en sa faveur. Pour arriver à concrétiser, il est censé bien distinguer entre les effets cognitifs et les effets de contagion. Les premiers touchent essentiellement les électeurs politisés et les deuxièmes influencent les électeurs les moins politisés.
La question la plus importante qu’on peut poser est de savoir le rôle réel des sondages et ce qu’il cache comme opportunité, nuisibilité, influence et partialité. Cette question doit, avant tout, nous ouvrir les yeux sur la vérité de chaque bureau ou expert réalisant un sondage. On doit bien connaitre ses intentions et ses orientations politiques. On doit aussi avoir les mêmes soucis quant aux enquêteurs qui sont confinés dans leur bureau ou ceux qui sont sur le terrain ou, plus précisément, dans la nature.
Pour certains, le sondage n’est jamais neutre: il peut avoir des effets nuisibles sur l’opinion publique voire sur la démocratie dans son ensemble. Par des manipulations intelligentes et discrètes, le sondage peut orienter l’opinion en faveur de certaines personnes, soient des chefs de partis ou des indépendants. Il peut représenter une menace camouflée pour le bon déroulement de la préparation des élections. C’est donc une arme à double tranchant qui n’est jamais neutre. Tout au contraire, elle a une influence directe sur l’exercice démocratique du vote.
Pour d’autres le sondage est une technique fiable, neutre et impartiale. Il est un moyen efficace et nécessaire pour le processus de la démocratie et l’exercice libre du suffrage.

Les manipulations des sondeurs
Nous devons faire attention lors de la prochaine campagne électorale aux manipulations de certains bureaux de sondage et à leurs manœuvres camouflés pour orienter le public dans un sens bien déterminé en faveur d’une partie bien précise. Car les sondages ont un effet avéré sur les taux de participation et les votes des électeurs.
Aussi devons-nous faire attention aux questions posées par les sondeurs. On doit distinguer entre deux types de questions: la question fermée et la question ouverte. La première propose un nombre bien déterminé de réponses et la personne sondée choisit l’une d’entre elles. La question ouverte a l’avantage de permettre à la personne objet du sondage d’émettre plusieurs opinions personnelles. La technique de la question dite fermée est la plus utilisée par les bureaux de sondage et elle n’est pas neutre comme certains l’avancent. Elle leur permet d’avance d’influencer les personnes sondées et elle oriente, d’une façon intelligente, leur opinion. Toute réponse aux questions avancées dépend intrinsèquement de la manière dont elles sont formulées et présentées.
Ce qui aggrave cette situation c’est la qualification, le niveau intellectuel et  éducatif des enquêteurs et la compréhension juste de la question posée aux enquêtés. Pire encore, certains enquêteurs enregistrent des réponses floues qui ne reflètent pas intégralement l’opinion de l’enquêté car ce dernier a fourni une certaine réponse hâtive, irréfléchie et rapide.
Aussi les spécialistes du sondage essayent-ils toujours de nous donner une image positive de leurs enquêtes en les colorant de neutralité et d’impartialité tout en prenant une marge bien aisée d’erreur au cas où leurs sondages ne reflèteraient pas la réalité. C’est leur arme secrète.

Des normes de référence pour les sondages
Devant cette vérité et plus exactement pour pouvoir neutraliser ces bureaux d’enquête et de sondages ainsi que leurs enquêteurs, il est primordial et nécessaire de mettre en place des mesures sous formes de lois qui règlent les enquêtes électorales et ce pour mieux contrôler les opérations de sondages.
De ce fait et pour sauvegarder les acquis de la révolution, pour renforcer l’apprentissage de la démocratie et pour mener à bien les futures élections en Tunisie, il serait opportun voire obligatoire de mettre en place une commission réglementée de suivi et de contrôle des sondages selon des normes homologuées et bien définies dont sa tâche primordiale est de veiller au respect et à la conformité des sondages publiés par les bureaux ou les instituions spécialisées en la matière.
Pour atteindre cet objectif et pour que la future commission puisse exercer efficacement, il est significatif et pratique d’élaborer des normes de référence pour les sondages auxquelles les enquêteurs doivent se conformer à la lettre.
La situation actuelle des sondages, en Tunisie, n’est pas encore bien claire du fait de manque de plusieurs facteurs qui touchent les moyens matériels et immatériels.
Aussi convient-il de veiller à éviter les erreurs et les imperfections de certains bureaux spécialisés dans le sondage tels que la mauvaise présentation de la manière et les procédures d’enquête, sans oublier aussi le bas niveau des enquêteurs.
La définition des délais de sondage devrait être obligatoire et connue d’avance et ce par une détermination des dates bien limitées entre la réalisation de l’enquête (sondage) et sa publication. En plus, il faut définir les modalités d’interrogation et les questions doivent être en cohérence totale.
Le temps presse, et les bureaux de sondage ont profité du vide juridique dans ce domaine pour s’engouffrer dans la brèche. Il n’est pas certains que cela va aider à la transparence des prochaines élections.