A tous les militants et dirigeants du mouvement Ennahdha, qui ont lutté pendant deux décennies contre l’injustice et l’arbitraire au prix de leur liberté et de leur intégrité physique et morale, je voudrais signifier ma profonde reconnaissance pour leur combat pour la liberté et la dignité et l’abnégation dont ils ont fait preuve pour n’avoir pas plié devant la tyrannie, croyant toujours en des jours meilleurs grâce au militantisme éclairé de leurs dirigeants…
Ma profonde reconnaissance va surtout aux cadres dirigeants du mouvement qui en ont vues des vertes et des pas mûres sous le règne de Zaba. C’est leur combat politique qui les a menés là ou ils étaient et qui les installe là où ils sont actuellement, sous la bannière d’un parti qui revendique son existence politique et défend son idéologie.
Ces dirigeants ont d’autant plus de mérite qu’après une certaine période post- révolutionnaire semée d’embûches, où l’on naviguait à vue dans une cacophonie bon enfant, où tous les slogans étaient réunis sous la même bannière sous couvert de démocratie, ils ont actuellement le courage d’assumer leurs idées et d’exposer leur idéologie au grand jour sans hypocrisie.
Le langage est franc, les idées claires, les objectifs bien fixés
Ma reconnaissance va en premier lieu à M. Ghannouchi, chef d’Ennahdha, qui a eu récemment le courage et l’honnêteté de reconnaître publiquement les torts de son mouvement dans le virage terroriste qu’il avait pris dans les années 90, et les Tunisiens, qui n’ont pas la mémoire courte, lui sont d’autant plus reconnaissants qu’il a même présenté publiquement ses excuses et demandé pardon pour les crimes commis.
Ma reconnaissance à M. Ghannouchi est profonde quand, à chacune de ses déclarations publiques, il ne nous laisse plus douter: le langage est franc, les idées sont claires, les objectifs fixés, le chemin balisé sous la bannière de notre cher islam source d’inspiration politique intangible. Je le remercie d’avoir été clair sur la polygamie qu’il affirme vouloir rétablir, sur le statut pas assez islamiste de la femme tunisienne qu’il veut corriger, sur son intention d’abandonner la mixité dans les écoles publiques et d’islamiser l’enseignement, sur son projet d’interdire progressivement la vente des boissons alcoolisées et de fermer certains établissements hôteliers…
Je suis vraiment pantois d’admiration devant la sincérité de ce leader qui n’a aucune idée sur le nombre de ses militants (voir sa dernière conférence de presse), qui ne connais même pas les états financiers de son organisation et qui n’a aucune idée sur le programme économique qu’il se propose de présenter au suffrage de ses chers concitoyens. Quel autre chef de parti pourrait se targuer de tant de vision claire et pragmatique? De tant de franchise dans le verbe et de tant de foi dans les affirmations? Il a vraiment le mérite d’affirmer tout haut ce que beaucoup craignent trop bas dans le même monologue qui ne laisse pas planer le doute.
Compassion pour les militants de base
Je voudrais aussi tirer ma révérence pour les autres cadres de Ennahdha qui ont réussi la gageure de maintenir la mobilisation de leur troupes plusieurs mois durant, en leur parlant des banalités de ce monde sans jamais rentrer dans le vif du sujet. Leur courage et leur droiture d’esprit n’ont d’égale que leur roublardise pour berner leur électorat avec les sempiternelles querelles concernant le voile, la polygamie et autres platitudes, en occultant l’essentiel des défis qui attendant le pays. Je les félicite pour leur franchise qui les pousse dans le même élan et sans se soucier du ridicule que cela engendre à clamer que leur mouvement n’a aucune idéologie religieuse (M. Bhiri sur la chaîne El Watania) mais qu’il se ressource fondamentalement dans la charia qu’il ne peut en aucun cas ignorer (M. Jebali sur Réalités), ou que la polygamie est une donnée divine qu’on ne peux pas discuter (M. Dilou).
J’admire leur franc-parler quand il s’agit d’utiliser le bon langage facilement assimilable par les bigots des quartiers populaires et les bonnes mères au foyer.
Enfin je ne saurais terminer ce concert de louanges sans toucher un mot de compassion pour les militants de base d’Ennahdha qui, après des décennies de sacrifices en tous genres, ont encore la volonté de croire encore en un avenir radieux avec des dirigeants qui les font ballotter au rythme du «haram» et du «halal» sans vision prospective encourageante, sans programme pragmatique, sans feuille de route économique, sans objectif politique…