Ali Ben Mabrouk écrit – Pendant longtemps, dans les pays arabes, le chef religieux a régné comme un dirigeant politique. Il n’était donc pas question de séparer la religion des affaires de l’Etat.


De nos jours les dirigeants musulmans veulent nous laisser entendre qu’islam rime avec démocratie. Au fait, ils utilisent le mode de scrutin démocratique pour arriver au pouvoir et une fois arrivés, ils instaurent un système de comité de sages, une sorte de gouvernance islamique où le guide suprême détient tous les pouvoirs. Un régime très proche de celui qui existe en Iran depuis les années 80.

Ennahdha et le référence turque
Chez nous le mouvement Ennahdha ne déroge pas à cette règle. Ses dirigeants affirment qu’ils sont modérés, tolérants et extrêmement ouverts aux nouvelles tendances en matière d’habillement et de comportement. Ils se disent être très proches du parti turc l’Akp. Seulement ils oublient que la Turquie se trouve sur les bords de la frontière qui sépare l’Europe de l’Asie.
La Turquie a toujours rêvé d’appartenir à cette Europe réunie dans la pensée, les ²intérêts économiques et les stratégies sociales. Une Europe laïque où la religion n’intervient à aucun moment dans la vie politique et sociale des ressortissants européens. Tous les pays de l’Europe adoptent le même calendrier Grégoire. Il n’est pas question de changer les horaires administratifs à l’approche de Ramadan, Noel ou Saint Sylvestre.
En Europe tous les êtres sont égaux dans les droits comme le stipule la charte des droits de l’homme, il n’est pas question que le mâle hérite du double de celui qui revient à la femelle. En aucun cas la polygamie n’est autorisée et le mariage entre homosexuels est accordé à ceux qui le désirent. Et dire que l’homosexualité est considérée comme un délit grave et qui peut être puni dans certains pays musulmans par la peine capitale.
La Turquie, pour se rapprocher de l’Europe, est prête à renoncer à la religion de l’Etat, c’est pour cette raison que l’Akp se veut un parti libéral, moderne et tolérant. Cela est visible à travers le comportement de la société et la meilleure preuve nous vient de ces interminables séries télévisées que les chaines satellitaires arabes ne cessent de diffuser à longueurs de journées.
En Tunisie le parti Ennahdha se veut libéral et se dit favorable au maintien du code du statut personnel qu’il considère comme un acquis mais il se prononce en même temps pour la polygamie. Une pratique ancestrale qui date des premiers jours de l’islam quand le nombre des musulmans était relativement défavorable pour la conquête de nouveaux territoires. Quant au voile que doit porter les femmes musulmanes, les dirigeants d’Ennahdha affirment actuellement que cette distinction féminine n’est point obligatoire mais une fois au pouvoir les femmes qui refusent de porter le voile seraient considérées comme moins que rien pour ne pas dire un terme plus choquant. Quant à la barbe sans les moustaches, à la manière de feu Ben Laden, portée par les adeptes d’Ennahdha, c’est un moyen de se rapprocher du prophète Mohamed qui, parait-il, adorait ce genre d’accoutrement. Ils oublient au passage qu’à l’époque du prophète les rasoirs à cinq lames et autres n’existaient pas sur les étalages des produits de beauté. On se laissait pousser la barbe par nécessité et non point pour suivre une quelconque mode vestimentaire.

Le véritable programme d’Ennahdha
Quant à la laïcité dans le monde arabe, considérée par certains activistes comme un outrage, un affront et une offense à la dignité des musulmans, alors que la laïcité veut dire tolérance, ouverture et l’opportunité d’adapter les préceptes de l’islam aux nécessités imposées par le monde moderne.
Il est dit que le Coran peut être lu à tous les âges, qu’il peut se renouveler et s’adapter aux tendances de son époque. Rien n’est figé sauf peut-être pour les esprits de certains croyants qui persistent à penser que la Charia est intouchable et que c’est un blasphème que de vouloir changer les habitudes ancestrales comme la polygamie, le mariage temporaire et le port du niquab.
Quant au parti Ennahdha qui n’attend que son arrivée au pouvoir pour révéler son véritable programme, il est vrai qu’il a de fortes chances pour y arriver car aucun Tunisien ne peut nier qu’il est avant tout musulman, il n’en demeure pas moins que le trajet sera jalonné de ruptures, car, de nos jours, la préoccupation majeure des jeunes tunisiens n’est plus la religion, les coutumes et les rites d’antan. Aujourd’hui, à l’ère de la mondialisation et de l’ouverture sur l’internet et les divers services qui sont accessibles par un seul clic, les jeunes cherchent surtout à s’investir dans le futur, ils veulent regarder vers l’avant et ils n’ont plus peur de l’autorité.
Le prochain gouvernement tunisien aura toutes les peines du monde pour rester au pouvoir. Si Ennahdha l’emporte, sa tâche serait des plus pénibles car tous les partis vont se réunir pour lui mener la vie dure. Si un autre parti accède au pouvoir, Ennahdha va s’acharner contre ce parti qui finira par plier bagages et l’on retournera à la case de départ avec comme bilan une deuxième révolution avortée et un gouvernement provisoire qui va s’éterniser.