Si la révolution tunisienne a été déclenchée par les régions dites de l’intérieur, injustement défavorisées depuis l’indépendance, elle a donné le coup de grâce au régime dictatorial et mafieux lorsque les quartiers populaires de Tunis se sont embrasés le mardi 11 janvier. Les événements se sont alors précipités et la partie était définitivement remportée, trois jours plus tard, par le peuple tunisien.
Ces quartiers ont entre-autres pour nom Ettadhamen, Intilaka, Kram-Ouest, Bouselsla.
L’axe de résistance Ettadhamen et Intilaka
Avec Ettadhamen et Intilaka c’est toute la banlieue ouest paupérisée du Grand Tunis qui s’est soulevée et cela concerne une population d’environ un million d’habitants vivant, dans sa très grande majorité, près du seuil de pauvreté aux frontières des quartiers privilégiés des Manar.
Il est à noter que cette ville dans la ville qu’est devenu Ettadhamen-Intilaka est majoritairement peuplée d’habitants originaires des régions défavorisées. En effet l’exode régional intense vers la capitale qu’a connu le pays depuis l’indépendance a accumulé ces populations aux revenus modestes dans ces quartiers populaires qui ont alors connu une croissance exponentielle. Il ne s’agit pas de bidonvilles mais de cités dortoirs dépourvues d’activités économiques conséquentes et insuffisamment équipées en services de base, sans oublier la vétusté de l’habitat et la laideur architecturale qui y prévalent. Quant à la densité effective de la population elle y est probablement comparable à celle de la bande de Gaza qui détient le record mondial en la matière... D’ailleurs la comparaison pourrait bien ne pas s’arrêter à cette statistique, tant les cadres urbains sont similaires d’après ce que l’on voit de la bande de Gaza à la TV.
Bouselsela et Kram-Ouest embrasent la banlieue nord
L’ironie de l’histoire voulue que deux quartiers populaires paupérisés se soient développés dans la banlieue nord privilégiée de Tunis, à proximité des lieues de résidence de l’ex-président et de son clan: le quartier de Bouselsla, entre Gammarth et la Marsa, et le quartier du Kram-Ouest, à proximité de Carthage. Les batailles rangées quotidiennes avec la police y ont fait de nombreuses victimes par balles réelles mais il devenait plus que probable que les habitants de ces quartiers allaient tôt ou tard rompre les lignes des forces de l’ordre et attaquer en masse les palais présidentiels de Carthage et de Sidi Dhrif... d’où la fuite du 14 Janvier.
Bien entendu, c’est tout un pays qui s’est soulevé du nord au sud et la manifestation de cols blancs de l’avenue Bourguiba, le même jour, est des plus méritoires, de même que la grève générale de Sfax, mais ce sont en définitive les quartiers populaires qui ont été décisifs dans le sort final de la bataille. Sans oublier les terribles combats qu’avait connus Kasserine, qui a payé le plus lourd tribut de cette révolution avec plus de 60 martyrs, quand on sait que si Kasserine n’avait pas remporté cette victoire stratégique, c’en aurait été fini du soulèvement national.
Notons pour terminer que c’est dans les quartiers Ezouhour et Enour que ces combats ont eu essentiellement lieu, les deux quartiers populaires de Kasserine...