Djamel Dridi écrit – Il faut rester vigilant face aux ennemis invisibles sur le champ de bataille révolutionnaire qui sont plus dangereux que ces quelques bougres ex-Rcd qu’on a instrumentalisés à souhait…


L’un des premiers livres que l’on vous donne à lire lorsque vous intégrez la Cia est ‘‘L’art de la guerre’’, où l’auteur Sun Tzu parle des ennemis que l’on voit, ceux qui sont sur les champs de bataille. Il parle aussi longuement des autres. Espions, idéologues, agents doubles, et ceux qui, avec leur main invisible, tirent les ficelles.

Les «benalistes» mettent le costume révolutionnaire!
Dans la Tunisie post 14 janvier, certains tireurs de ficelle sous Ben Ali se dévoilent. N’ayant sans doute plus de soutiens crédibles au sein du pouvoir  tunisien ou de soutiens suffisamment forts (car ces derniers ont peur), voilà que certains anciens saints patrons de Ben Ali sortent de l’ombre pour dessiner eux même la Tunisie de demain.
Au fond, ce n’est pas grave et c’est de bonne guerre. Les tireurs de ficelle et les sphères d’influence ont toujours existé. Dans le passé, et encore aujourd’hui, des dictateurs ont été soutenus par des «grands démocrates» à condition qu’ils laissent piller les richesses de leur pays et que les puissants puissent venir s’y divertir. Mais, généralement, dès qu’il y a un renversement de ces dictateurs, ces soutiens faussement démocrates disparaissent ou se font pour le moins discrets.
Mais en Tunisie, c’est différent et c’est cela qui choque. Au lieu de s’éclipser de la scène au moins pour un temps, le moment que l’on oublie qu’ils ont soutenu activement ou passivement le régime liberticide tunisien, ces tireurs de ficelles «grands amis des soirées chaudes tunisiennes» réapparaissent en donneur de leçons quant au respect «de la Démocratie et de la laïcité en Tunisie»! Rien que ça.
La première question qui vient bien sûr à l’esprit est pourquoi ces grands amoureux des libertés de la Tunisie, ces grands amis de la Tunisie tout court, sortent-ils de leur longue sieste. Sous Ben Ali certains profitaient même directement des bienfaits du palais de Carthage. Ah que c’était bon de se retrouver entre amis avec le dictateur au palais de Sidi Dhrif ! Ah que c’était délicieux d’être en bonne compagnie à Hammamet et de profiter des joies exotiques que la décence vis-à-vis de certains lecteurs et lectrices m’empêche de détailler! Au même moment, cette «intelligentsia» savait pourtant qu’on torturait sportivement ici et là. Tel journaliste était fracassé et jeté au bas de la route par ci par là. La pauvreté et l’humiliation «bouffaient» les Tunisiens des terres de l’intérieur, alors pourquoi, eux, qui se taisaient hier, parlent-ils aujourd’hui?
Surtout que, finalement, même si ce n’est pas tout «rose» en Tunisie, la situation s’est améliorée. Ben Ali est parti en vacances dans les lieux saints de l’islam question de se rééduquer ainsi que sa femme (il y a beaucoup de travail…), les Tunisiens sont toujours pauvres mais peuvent dire enfin «non» quand les choses ne leur plaisent pas, bref ça va un peu mieux qu’hier…

Ces ennemis invisibles sur le champ de bataille révolutionnaire
Oui alors, pourquoi ces démocrates sortent-ils du bois au moment où un vent de liberté souffle enfin en Tunisie. Paradoxal non? Quelle menace craignent ces grands démocrates amoureux de la Tunisie? Que les soirées spéciales d’Hammamet disparaissent? Ou peut être ont-ils peur de ne plus recevoir de villas en cadeau du dictateur? Des villas bien évidemment situées à Gammarth et Sidi Bou Said. Des villas aux prix faramineux qui permettraient de nourrir beaucoup de pauvres Tunisiens et dont ils n’acquittent même pas le prix pour que les impôts tunisiens soient alimentés? Peut-être ont ils peur que Djerba ne soit plus une île mais qu'elle soit rattachée au continent. Non, non qu’ils n’aient pas peur, à ma connaissance il n’y a aucun projet de construction (réelle ou intellectuelle) de pont entre la Tunisie passéiste et Djerba la moderne, l’avant-gardiste, la cosmopolite. Ah que c’est bon le cosmopolisme à Djerba et que c’est laid en plein cœur de Paris quand il s’agit de jeunes immigrés clandestins tunisiens qui sont de trop!
On aimerait bien savoir pourquoi ces grands démocrates silencieux hier sous l’ami Ben Ali parlent-ils aujourd’hui quand il n’est plus là? Espérons que ces lumières démocrates nous le diront un jour.
En tous cas, j’invite chaque Tunisien et Tunisienne à être vigilant face à ces personnes qui se disent amies de la Tunisie juste pour leur intérêt ou ceux de pays tiers. Ces ennemis invisibles sur le champ de bataille révolutionnaire sont sans doute plus dangereux que ces quelques bougres ex-Rcd qu’on a instrumentalisés à souhait contre un peu d’argent ou la promesse d’études supérieures en France pour leur enfant.
Certains démocrates amis de la Tunisie sont peut-être sincères, mais qu’ils nous le prouvent en critiquant ouvertement ceux qui, hier, soutenaient Ben Ali. Et, surtout, bien évidemment, que ces bons démocrates ne me soupçonnent pas d’être un islamiste caché car ce fut la vieille rengaine habituelle pour casser toute velléité démocratique en Tunisie. La vraie, cette fois-ci. De toute façon, comme je l’ai déjà écrit ici même, la recette du loup islamiste, les Tunisiens connaissent déjà (dommage…)

Défendre les libertés des immigrés tunisiens en France
Pour terminer, ces grands démocrates disent qu’ils ne veulent pas s’immiscer dans les affaires de la Tunisie mais exigent la démocratie et la laïcité pour la Tunisie (bref, comme à l’époque coloniale, ils s’immiscent sans s’immiscer…). Mais acceptons ce fait et supposons que ce sont des personnes sincères qui veulent que les libertés et l’égalité, que des valeurs tel que l’amour des autres, même si elles sont loin, c’est-à-dire de l’autre côté de la Méditerranée, soient jalousement défendues et triomphent. D’accord ! Mais alors pourquoi ne les entendons-nous pas quant, au même moment, alors que la Tunisie accueille calmement des milliers d’immigrants sur son territoire en raison du conflit libyen, une chasse inhumaine est faite aux jeunes immigrés tunisiens sans papiers – certains mineurs – en plein cœur de Paris? Pourquoi?
S’ils veulent que les libertés de tous les Tunisiens soient préservées, qu’ils commencent par défendre celles de ceux qui errent comme des bêtes dans Paris, à quelques mètres de leur somptueux palaces et que le pouvoir en France n’hésite pas à vilipender à des fins électoralistes.
Je l’ai déjà écrit. L’amour du Tunisien et de la Tunisie commence dans les rues de Paris, à vos pieds, si vous êtes sincères, et non pas pour défendre vos intérêts à plusieurs milliers de kilomètres de Paris sous prétexte que vous plébiscitez la démocratie et la laïcité en Tunisie!

Ouverture d’esprit mais rupture avec la mentalité de colonisé
Merci à tous les vrais amis de la Tunisie d’être vigilants et courageux et de relayer ce message. Nous autres Tunisiens et Tunisiennes du monde entier sommes un peuple tolérant, ouvert sur l’autre. La Tunisie est, d’ailleurs, riche de ses différentes religions, juive, chrétienne et musulmane et de diverses nationalités et c’est bien ainsi. Mais le Tunisien, parce qu’il a eu un parcours professionnel lui permettant de connaître le monde des tireurs de ficelle ou parce que, tout simplement, il s’est remis de l’infantilisation forcée, n’est plus dupe. Surtout, il aime ce petit pays qu’est la Tunisie, terre de ses ancêtres, et n’acceptera plus que, sous prétexte d’idéaux nobles, une minorité, certes puissante par ses réseaux, écrase la majorité et les libertés. En tous cas pas en Tunisie. A bons entendeurs, salut.

Source: Blog de Jamel Dridi.