Lilia Bouguira écrit - J’aimerai écrire mais les mots ne viennent pas. Ils se refusent à moi dédaigneux hostiles et ma foi combien ingrats!


Mes idées se négativent, se répulsent puis se cherchent dans une vaine reconstruction!
Je pense à Facebook, aux amitiés virtuelles, aux gens rencontrés, au beau monde le temps d’un clic puis le majestueux oubli.
Chacun repart dans sa vie avec ou sans trop de charge.
Je baigne là-dedans depuis la révolution quoique un peu moins ces jours-ci.
Je veux écrire sur la mort du papa de Yassine Ayari.
Je le lui ai promis.
Désolée Yassine si je suis dans l’incapacité de m’habiller de noir à la manière des pleureuses de mon enfance ni de me griffer.
Encore désolée si je n’arrive pas à pleurer ni à hurler.
Pour toi, je n’ai pas de larmes car je suis dans le registre de l’admiration et de l'enchantement.
Pour les autres familles de martyrs également.
Je vous compte chaque nuit et chaque instant.
Je me joins en non stop à la soirée mortuaire haletante et combien multiple.
Je sors ma liste et je m’allonge à même le sol contre mes disciples.
Je suis d’abord comme anesthésiée pire encore comme asphyxiée.
Ta douleur est en moi.
Elle m’habite, me fond, me perce depuis un bon moment déjà.
Je connais la stérilité des mots qui sonnent creux ou faux.
Pour toi, je n’en ai pas!
Combien homme et à l’image de ton père tu es en inventant la vérité via tes
textes et ta caméra vidéo.
Celui qui n’a pas lu «mel7it», ton blog, comme tu écris, n’a encore rien lu.
Celui qui n’a pas touché ton fond, n’a encore rien connu.
Mon enfant, je ne te connais pas pour faire ta propagande ni celle de ton père martyr, mais je t’ai découvert au hasard d’un clic lorsque 404 faisait féroce le
ménage et que je m’amusais comme la gamine que je ne suis plus à le
court-circuiter et à passer à travers de ses barbelés.
Jeune homme, tu es bon à connaître, à scripter!
Mon enfant «va, vis et deviens» de ce film, je te dirai!
Tu es de la taille de l’asphalte bénie qui chape nos ardeurs nos rêves de liberté notre volonté de continuer.
Tu as répondu présent comme beaucoup d’autres fort heureusement lorsque les
Tunisiens manquaient à l’appel se tapinant de flirts et de lâcheté.
Comment ne pas t’aimer, ne pas en être fière lorsque je t’ai approché ce fameux samedi fraîchement endeuillé derrière ce sit-in El Massir continuant à
beugler les impératifs de la sainte révolution?
Croyez- moi, ils n’étaient pas par milliers, mes chers Tunisiens fraîchement
libérés.
Honteux sont ceux qui ressemblent aux pigeons picorent dans l’interdit copulent avec l’inceste et se rassasient de miettes.
Miettes sont ces baisemains, ces retours de veste, ces crédits et la vente du pays.
Herculéens sont ceux qui tiennent tête, se dressent et font face à la nuit.
Nuit et ténèbres sont celles des supercheries des tromperies des blacks outs des
silences pervers et des non dits.
Non dit est cet appel puissant à faire la lumière sur nos martyrs depuis un certain 17 décembre 2010 jusqu’après le 14 janvier 2011 car les mains sales sont identiques sentent le crime et la corruption.
Nos morts embaument le même parfum, celui de la sainteté et du sacré.
Nous leur devons une mémoire identique et un même droit à la vérité.
Corruption est cette tenace véhémence de la part de nos gouverneurs de brûler les étapes, effacer les traces monter sur la révolution s’accaparer ses fruits et surtout confisquer nos rêves les plus hardis.
Hardi est encore ce Yassine et sa bande qui tendent le micro à la femme d’un
haut gradé dans le ministère de l’Intérieur, celui de nos misères incontestées.
Par ce geste, ils libèrent la voix que certains se rompent à étouffer, sanctionnent l’injustice et libèrent le droit à la liberté d’expression tant escompté.
Ce qui est terrible dans ce pays dont je meurs c’est cette majorité silencieuse qui se complait de facilité, s’abreuve de mensonges, se prête à la moutonnerie.
Ce qui est fabuleux dans ce pays dont je vis c’est cette minorité dont tu fais intimement partie si belle si fine si féroce si capable de ramener la clairvoyance, le courage, le zèle, la ténacité et l’infini rêve de liberté.
Je jure que je ne démissionnerai pas de toi ni toi de moi.
Je me suis attablée à ton mode tourne à ta manière et plus jamais, je ne
lâcherai.
Je me suis promise de rester attachée à vous tous, vaillants sans collier
fidèle à vos acquis et plus que jamais libre!

* «Mon père, colonel Taher Ayari, est mort suite aux blessures qu’il a subi en défendant la Tunisie, «Allah yar7mek ya baba». Merci de ne pas me laisser des messages sur internet. Je ne serais pas sur internet. Allah yar7mek, 3echt sid w motet sid». C’est ainsi que Yassine Ayari, très connu auprès des tn-tweeple, a annoncé la mort de son père, lors des affrontements qui ont eu lieu, le 18 mai, entre les forces de sécurité nationales et les terroristes, à Rouhia, du côté de Siliana (centre).