A présent, Ben Ali donnerait tout ce qu’il possède pour pouvoir retourner en Tunisie afin de mourir dans son pays natal, entouré des siens. Seulement, son entourage est, comme par magie, réduit à néant. Ceux qui le vénéraient et l’applaudissaient à longueur de journées n’osent plus se montrer en public, s’ils n’ont pas tourné casaque. Qu’il se rassure donc : qu’il crève en Arabie Saoudite ou en Tunisie, peu de personnes assisteront à ses funérailles. Mis à part peut-être ses filles, il est difficile d’imaginer des gens qui le regretteraient, le pleureraient ou réciteraient une prière à sa mémoire.
Mourir seul… et indigne
On se rappelle de Mohamed Farhat, le fameux procureur de la république du temps de Bourguiba, qui avait dit un jour que son rêve le plus cher était de mourir avant Bourguiba. Et son rêve a été exaucé, puisqu’il est mort en 1984, à Hammamet, loin de sa ville natale. Seuls ses proches-parents étaient présents pour l’accompagner à sa dernière demeure. Lors du décès de sa mère, alors qu’il était encore en poste, la ville de Ouerdenine, dans la région du Sahel tunisien (littoral centre-est), n’a pas pu contenir le nombre impressionnant de voitures pleines de VIPs qui ont débarqué pour assister aux funérailles.
L’islam nous a enseigné de vivre le présent comme si on devait mourir le lendemain et de penser à la prospérité comme si l’on était éternel. Ben Ali n’a pas su suivre cet adage: il a cru être capable de s’éterniser au pouvoir.
Aujourd’hui, c’est le pouvoir qui l’a lâché et il rêve de retourner en arrière pour pouvoir demander pardon au peuple qu’il a opprimé pendant 23 ans par sa dictature et sa soif de pouvoir et d’argent.
Ben Ali comme Moubarak aimeraient faire accréditer l’idée que s’ils sont restés longtemps au pouvoir, c’était uniquement pour rendre service à leur nation et qu’ils avaient accompli un devoir sacré. En réalité, durant tout leur règne, ils n’avaient qu’à un seul but, celui de ramasser le maximum d’argent pour pouvoir l’utiliser le jour où ils seront écartés du pouvoir.
Aujourd’hui, tous les deux sont immensément riches mais ils sont prisonniers de leur passé. Tout l’or du monde ne peut pas leur rendre la liberté et, surtout, la dignité, car on ne peut pas acheter l’estime d’un peuple que l’on a opprimé.
L’impossible rachat
S’agissant de Ben Ali, s’il veut se racheter, il ne peut que commencer par restituer toutes les sommes dérobées et qui sont en train de moisir dans des banques étrangères. Il prétend ne posséder aucun bien à l’extérieur alors que les banques suisses, rien que pour ces institutions financières, affirment détenir plus de 60 millions de francs suisses déposés par le clan Ben Ali. Une somme non-négligeable si l’on sait que le pays passe par des moments très difficiles. Chaque rentrée d’argent de l’extérieur peut résoudre d’énormes problèmes à l’intérieur.
A présent, les dès sont jetés, il est inutile de se retourner en arrière: Ben Ali n’a pas besoin de rentrer dans son pays natal pour passer le restant de ses jours en prison, il est en train de vivre l’enfer en Arabie Saoudite. Il est vrai qu’il vit en résidence surveillée. Sa cage est peut-être dorée, il n’en demeure pas moins que c’est toujours une cage et comme disait le poète Chawqui «Al hourrietou le touchtera bil dhahabi» (La liberté ne saurait être achetée par tout l’or du monde).