Ces jours-ci nous constatons avec beaucoup de regret et d’étonnement les positions de certains partis politiques vis-à-vis des travaux réalisés par la Haute instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, la réforme politique et la transition démocratique. Cette instance, faut-il le rappeler, a vu le jour sous la pression des partis politiques et des associations qui, à un certain moment, se sont érigés en «protecteurs» de la révolution et contrôleurs du gouvernement provisoire. Formée de représentants de plusieurs partis, associations, et organisations de la société civile, l’instance s’est vue attribuer la mission de préparer la transition démocratique. Il est, donc, normal qu’une charte républicaine soit élaborée avec un consensus autour de la préservation des acquis, la liberté, la démocratie, la modernité. Il en est de même pour le code électoral garant de la transparence des résultats des élections de la constituante. L’organisation du financement des partis politiques et de leurs campagnes électorales fait partie intégrante du processus pré-démocratique.
Le report des élections est-il justifié?
Est-ce une simple coïncidence: ce sont ces mêmes partis qui ont reproché à la Haute instance indépendante pour les élections de reporter la date des élections de l’assemblée constituante. Les raisons invoquées étaient d’ordre sécuritaire et économique. Mais, fallait-il maintenir la date du 24 juillet et courir le risque d’aboutir à des élections bâclées, non transparentes et non démocratiques? A quels partis de pareilles élections auraient-elles bénéficié? Un consensus s’est dessiné sur la question du report et ces partis pressés ont dû s’adapter en conséquence. A mon avis, ce report sera bénéfique à plus d’un titre:
- la Haute instance indépendante pour les élections aura le temps requis pour organiser lesdites élections dans des conditions démocratiques;
- l’ordre public se rétablira progressivement et contribuera au bon déroulement des élections;
- les partis nouvellement créés auront le temps de s’organiser et de se faire connaître. Le maintien de la date initiale aurait sans doute entravé l’activité de plusieurs partis, ce qui est anti démocratique;
- ces partis apprendront à bien encadrer leurs partisans et appréhender leurs soucis et attentes. Ils auront le temps nécessaire pour se déplacer dans les régions du pays, en particulier dans les régions défavorisées, pour écouter, apprendre, soutenir, et surtout pour avoir la confiance d’un électorat qui n’a jamais eu affaire avec un si grand nombre de partis aux multiples slogans;
- les partis apprendront à expliquer et clarifier la situation du pays sur tous les plans: politique, économique, social, etc. Leur contribution dans ce sens est de nature à rétablir la confiance et d’instaurer la sagesse et l’objectivité.
Préservation des acquis
L’élaboration de la Charte républicaine demeure jusqu’à ce jour un sujet que le parti Ennahdha, sous des prétextes d’ordres constitutionnel et juridique, refuse de signer. Pourtant ce parti, qui a bénéficié de la révolution pour se faire délivrer l’autorisation de s’organiser et qui prétend être démocratique, a le devoir de l’adopter en respect aux sacrifices de tous les Tunisiens qui ont combattu la dictature et qui se sont sacrifiés pour la liberté, la dignité et la justice. Ce refus pose plus d’une question, surtout que la constituante, une fois élue, aura tous les pouvoirs et pourra élaborer la nouvelle constitution dans une orientation non démocratique.
Financement douteux des partis
Le sujet du financement des partis a pris de l’ampleur ces derniers jours avec le démarrage prématuré des campagnes électorales par certains partis, notamment le Parti démocratique progressiste (Pdp), qui a lancé une campagne de publicité dans les médias (presses écrite et en ligne, affichage urbain…). Des partis ont déjà des représentations dans toutes les régions. Des sièges sont régulièrement inaugurés. Des meetings de propagande sont organisés dans des salles de conférences. Bref, beaucoup d’argent est dépensé.
En revanche, d’autres partis, faute d’argent, peinent à louer de petits bureaux en guise de sièges régionaux. Ces fonds, selon les premiers, proviennent des cotisations de leurs adhérents et des dons: argument qui semble peu crédible aux yeux des seconds car il y a un doute sur l’origine des fonds ainsi dépensés (gaspillés, diraient d’autres, car ils auraient servi à créer des emplois dans les régions intérieures?).
Face à cette situation, l’Instance s’est penchée sur le sujet. Mais, de nouveau, des partis, dont Ennahdha et le Pdp – ce qui n’a rien de surprenant –, ont vivement critiqué l’Instance. Ennahdha a suspendu sa participation à ses travaux, et indiqué que cette décision pourrait être définitive. De son côté, le fondateur du Pdp, Ahmed Néjib Chebbi, a jugé l’Instance «peu représentative», car ses membres ne sont pas élus. «Plus tôt elle partira, mieux ça sera pour le pays», a-t-il déclaré.
Le consensus: un recours obligatoire
Il y a des faits que tous les partis doivent prendre en considération. La période de transition que le pays traverse est une période critique. Sa situation socio-économique est très précaire. Les dangers nous guettent de toutes parts, aussi bien de l’intérieur que de l’extérieur. Plusieurs facteurs peuvent influer sur le succès ou l’échec du processus démocratique. Par conséquent, le consensus demeure primordial et indispensable autour des diverses questions nationales si l’on veut voir le bout du tunnel. Les partis devraient faire preuve de plus de patriotisme et s’engager clairement sur la voie de la démocratie. Leur soutien aux actions du gouvernement est nécessaire. L’intérêt national doit primer sur l’intérêt personnel.
* Citoyen de la masse silencieuse.