Abou Hela écrit – A propos de l’article de Ferid Belhaj, publié par Kapitalis, le 20 juin, et repris par Tunisnews, le 21 Juin, intitulé: «Faux tropisme des islamistes tunisiens: Ennahdha n’est pas l’Akp!».
Je ne vais pas m’étaler sur sa comparaison de l’Akp et Ennahdha, il a fait une analyse que je respecte et qui mérite d’être discutée. Mon propos va seulement concerner trois éléments que je trouve un peu étonnants, eu égard à la position de l’auteur de cet article:
1- L’article a été signé par l’auteur comme étant «Country Director, Timor-Leste, Papua New Guinea & The Pacific Islands»; il a été omis de mentionner le mot le plus important, à la Banque Mondiale!
2- En effet, quant on travaille à la Banque Mondiale, comme dans d’autres institutions internationales du système des Nations Unies, on est tenu par un code d’éthique qui tient le fonctionnaire à se conformer au principe de neutralité et ne pas s’immiscer dans la politique partisane, et surtout ne pas utiliser le contexte de son travail pour collecter de l’information ou délivrer une opinion autre que celle relative à ses activités avec l’institution.
3 - Or jugez vous-mêmes. Monsieur Belhaj écrit, en guise de conclusion: «Le 23 octobre, nous voterons notre selon notre conscience, librement. Mais il faudra simplement refuser ceux qui veulent nous vendre des vessies en prétendant qu’il s’agit de lanternes». Pourquoi l’incitation à voter contre un parti politique, en l’occurrence Ennahdha, puisqu’il ne s’agit que de lui? Il s’agit d’une partisanerie flagrante, ou du moins d’une insinuation, de la part d’un fonctionnaire international, d’autant plus expert dans le «nation building» !!! Ou encore: «Lors d’un récent séjour à Istanbul, des amis turcs fortement engagés en politique, et diplomates en poste en Turquie, m’ont donné une lecture intéressante, nuancée et qui peut alimenter en Tunisie, un débat déjà riche »... Dans quel cadre, ce récent séjour ? Pourquoi utilise-t-on l’information cueillie dans son travail pour attiser l’opinion publique contre un parti politique?
Comme vous le voyez : Monsieur Belhaj a utilisé tout le long de son article son pistolet «silencieux» pour démolir les prétentions de ce parti, mais il n’a pas pu s’empêcher de sortir à la fin son arme fatale qui a fait «Bang!» pour abattre et finir la Bête.
Abou Hela, La Marsa, Tunisie
Réponse de Kapitalis :
On devrait reconnaître à M. Belhaj au moins son courage intellectuel, puisqu’il a signé son article de son nom et n’a pas cherché, comme son contradicteur, «Abou Hela de La Marsa», à se cacher derrière un pseudonyme. Pratique qui, en cette ère de liberté et de responsabilité, nous semble quelque peu anachronique.
Sur le fond – quoique les remarques de «Abou Hela de La Marsa» portent essentiellement sur des questions de forme –, nous dirons que M. Belhaj n’a nullement dérogé à ses obligations professionnelles de réserve. Et quand bien même on chercherait à faire dire à son article plus qu’il ne dit, on ne va pas le chicaner sur de soi-disant «insinuations» – et le mot est de son contradicteur du jour.
Par ailleurs, M. Belhaj ne s’est pas exprimé sur les problèmes politiques du pays dont il a la charge, mais sur son propre pays, la Tunisie, dont il est citoyen jusqu’à preuve du contraire, et sur un journal tunisien. Ce qui est tout à fait normal, à moins de vouloir lui renier la citoyenneté tunisienne, comme Ben Ali le faisait en son temps contre ceux qui ne partageaient pas ses mensonges d’Etat.
Cela dit, nous avons tenu à publier la réponse de «Abou Hela de La Marsa», bizarrement adressée à Tunisnews alors que l’article de M. Belhaj a été publié par Kapitalis, parce que nous croyons que toutes les opinions ont droit de cité dans la Tunisie nouvelle. Surtout celles que nous ne partageons pas.
Ridha Kéfi
Réponse de Ferid Belhaj
Je souhaiterais ajouter ce qui suit, sans ambition polémique avec mon voisin (quand je suis en Tunisie) de La Marsa.
1- Abou Hela a raison. Il manquait à ma signature la mention Banque mondiale. Comme il manquait aussi celle, de rigueur, indiquant que «les vues et opinions exprimées dans cet article sont la seule responsabilité de l’auteur et ne reflètent en aucun cas celles de la Banque mondiale».
2- Mon opinion a pour seule ambition d'ajouter une pièce au débat. De très loin, de trop loin peut-être, j’observe et je vis ce qui se passe dans mon pays, et je suis heureux d'avoir l'opportunité, à travers Kapitalis, pour ne pas le citer, de participer à cette dynamique nouvelle, à cette floraison d'idées et de contradictions.
3- Sans verser dans l’outrecuidance, celle de penser que tout un chacun a lu mes contributions parues sur Kapitalis, je renverrai Abou Hela à un article publié sur Kapitalis, il y a quelques semaines, dans lequel j’appelais à la fin des amalgames et de la diabolisation, et à la nécessité de donner à tous, Ennahdha compris, le droit de participer sans entraves à la construction de la démocratie tunisienne. Et ce pour peu que tous respectent la liberté de chacun. Loin de moi donc les pulsions meurtrières (achever la bête) qui me sont prêtées.
4- Enfin, et pour rassurer Abou Hela, mes rencontres amicales en Turquie n’avaient rien à voir avec mes responsabilités professionnelles qui, elles, couvrant le Pacifique, sont suffisamment prenantes et géographiquement larges. Bien à vous.
Ferid Belhaj