Lilia Bouguira écrit – Je viens de conclure le dernier paragraphe d’un honnête rédacteur de Kapitalis sur ces intox colportées sur de soi-disant agressions en Tunisie sur de nouvelles mariées à Hamamet et à Sousse.
Dès le début de notre soulèvement, l’Algérie a affiché un silence sceptique.
Une visite de connivence de notre fameux Caïd Essebsi au tout début puis le black out.
Nous n’avons plus jamais entendu parler, hormis quelques fuites par-ci par-là, sur des activités de contrebandes louches sur les frontières tuniso-libyo-algériennes.
Du pipeau certainement, pas mais bon cela n’est pas à la une de nos infos.
Ce qui reste une priorité c’est cet esprit de solidarité qu’a toujours possédé l’Algérien, oui l’Algérien, ce fou fougueux au million de martyrs, vis-à-vis de
tout ce qui est justice ou encore patriotisme.
Le nôtre semble malheureusement l’incommoder.
J’erre dans les rues d’Alger.
Alger la blanche de mes mille et une nuits.
Alger de ma jeunesse et de mes quatre cents coups.
Alger des étudiants fauchés et des folies éphémères.
Alger des passions et des amours.
Alger des manques et des restrictions budgétaires.
Celui qui n’a pas été en Algérie n’a encore rien visité.
Je descends vers la grande poste, Bab El Oued, la Kasbah puis vire vers Zéralda,
un havre de paix.
Rien n’a changé à Alger…
Ou plutôt si mais l’âme de cette ville rebelle reste inchangée!
Je serpente Chelef, Tiaret, Ain Defla et Blida, avec son mont réputé sur toute la lignée, un itinéraire à deux roues et une course à gagner.
Le trajet est tantôt plat tantôt rude et sinueux.
Ce qui est terrible en Algérie, c’est la rudesse de ses sentiers les chocs de reliefs du rude au plat du doux au gerçant mais surtout des angles obtus raides à l’image de ce peuple que je ne connais que trop bien.
On me souffle souvent tête de Turc moi je préfère tête d’Algérien parce que plus dur que ça, tu meurs, tu crèves!
Un journaliste ma foi des plus branleurs depuis le début de la course se tient dans l’illégalité du parcours.
Un observateur de notre équipe l’avertit du danger sur cette piste raide et dangereuse pour les cyclistes engagés.
Un raid d’injures et de vocifération sur la nullité des entraineurs et entraînés en insistant sur un finish des plus accablants: «C’est bien fait pour vos gueules ce que Ben Ali vous a fait, vous le méritez. Il aurait dû vous exterminer!»
Le silence infecte les ambiances, contamine les esprits.
Comme à mon habitude, je me contiens peu.
Je vire instantanément au rouge, l’empoigne du plus fort de ma personne, l’agrippe du plus violent de mes actes, le plaque à terre de la plus puissante de mes prises.
Ma poigne est dans cette voix qui monte du ventre de la terre.
Elle est lame de rasoir, faucille sur ce terrain chaud et exaspéré.
Elle fauche les aigreurs qui montent, stérilisent les regards mauvais et suspend les souffles déjà haletants.
Je reste dans mon emportement aussi invincible que le roc ou l’asphalte combiné.
Je le soulève le toise et fait tomber: «Un moins que rien ne me fera pas douter ni de l’Algérien ni de l’Algérie. Rentre sous terre misérable, tu fais honte à ton pays qui a avancé un million de martyrs pour sacraliser sa terre. Le mien est aussi noble en s’affranchissant récemment de ses tortionnaires. Des mères ont sacrifié leurs enfants pour nous libérer et toi, morveux, tu viens cracher ta hargne sur leur sang frais mais ni nous ni nos Algériens frères te permettent. J’exige tes excuses et ton renvoi à la minute de cette course. L’humiliation et
le déshonneur ne sont que le lot des perdants, le tien avec tes exemples à la
Ben Ali.»
Un silence corrompt encore le paysage, la terre s’agite et gronde sous mes
pieds.
Des Allahou Akbar fusent de partout.
On me soulève, baise mes mains et mon corps.
Nos deux hymnes nationaux, les deux drapeaux et l’énergumène penaud et déshonoré s’arrache des excuses et part au galop.
Ce qui me désole, c’est la méchanceté de certains, ils louchent d’une tromperie
qu’une autre vilénie rattrape sans vergogne ni scrupule.
Ce qui me chavire et me rend follement heureuse, c’est cette quantité de
ressources dans nos populations.
Ce qui me rend maladivement triste, c’est la gratuité des violences faites à
l’homme désarmé.
Ce qui me rend terriblement confiante, c’est la force de la solidarité des désarmés, des moins futés, des simples, des moins aisés, des plus vulnérables, des plus exposés, des plus asservis, des plus disponibles, des plus aimants et aimés.
Ce qui me rend sensible et extrêmement croyante, c’est l’invulnérabilité de
ces liens qui se tissent en dehors des traquenards et des combines des
gouverneurs pour perdre leurs gouvernés.
Ce qui me rend tenace et sûre de moi, c’est nos valeurs incontestées, nos mœurs
partagés notre humanité !
Alors ni Caïd Essebsi ni Bouteflika et son hospitalité tacite aux fuyards-famille de Zaba, ni la famille de Zaba dispersée un peu partout en Algérie qui fomente de loin contre son propre sang et son pays pour des fins que nous savons des plus répugnantes et vindicatives, n’arriveront à nous ébranler ni à semer la zizanie entre les deux peuples.
De la rancune mes amis de la rancune qu’ils vendent sans hésiter en aggravant
des intox et en dispersant les affinités.
Nous comprenons par respect de volonté en tant que peuple tunisien que l’Algérien opte pour le mutisme, sortant depuis peu de guerres sanglantes et de
beaucoup d’affront, mais nous ne saurons comprendre s’il se laisse berner par des ripoux et des moins que rien, voleurs et suceurs de sang, ou qu’il se laisse
étreindre par de fausses intox dont certains esprits malsains calomnient mon
pays pour le dé-perdre ou faussement le dé-sécuriser.
Ne les écoutez pas, ils sont abîme et géhennée!
Continuez à venir mes amis des plus nombreux dans cette terre d’accueil qui vous a toujours été réservés!