J’ai longtemps hésité à écrire ces lignes pour éviter de mettre de l’huile sur le feu, ou, comme on dit, de tirer sur une ambulance. C’est en regardant la tête d’un ex-Rcd, le parti au pouvoir, avec ses sourcils du diable, annonçant, sans bouger ces mêmes sourcils, que les restes du défunt (?) Rcd feront au moins 30% lors des futures élections, et en remarquant le chaos de la première journée d’inscription sur les listes électorales que j’ai décidé de franchir le pas.
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Je suis un chercheur en biométrie, spécialiste en reconnaissance de l’iris. J’ai tenté de rentrer en contact avec la récente commission pour l’organisation de l’élection… en vain.
Les Tunisiens pas prêts pour la technologie électorale?
Les quelques contacts que j’ai eu, directs ou indirects, avec les membres du gouvernement et de l’administration public n’ont pas été très encourageants. Chacun fuyant ses responsabilités en se cachant derrière «je vais en parler au responsable informatique», «il vaut mieux se préparer pour les prochaines élections», «pouvons-nous installer ces capteurs biométriques juste dans quelques bureaux?». La phrase qui m’a fait le plus mal c’est celle-ci: «les Tunisiens ne sont pas prêts pour la technologie», tant elle ressemblait au funeste «les Tunisiens ne sont pas prêts pour la démocratie» utilisée souvent par Ben Ali et son système.
J’ai alors décidé d’y aller moi même, me disant que si ce pays avait réellement changé alors un parfait inconnu pouvait obtenir un rendez-vous sérieux avec la commission électorale s’il représente un leader mondial dans le domaine… Mon oncle avait préparé le terrain; il avait obtenu l’adresse et une liste de personnes à contacter.
L’impossible rendez-vous avec M. Jendoubi
Malheureusement, je devais déchanter dès le premier jour. Au bout de 10 minutes de discussion avec la secrétaire du président de la commission, elle finit par me dire de laisser ma carte ou mes contacts afin que M. Jendoubi puisse me recontacter. Malgré les sourires et toute l’amabilité dont une personne peut faire preuve, le ton de la discussion ne m’avait pas plu. Je suis alors rentré chez mon oncle pour écrire une lettre à l’attention du président de l’Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie). Je lui ai expliqué en détail toute la démarche que j’ai eue au sein du groupe et le priant de me contacter le plus tôt possible, me tenant entièrement à sa disposition pendant mon séjour à Tunis, ne lui épargnant que le numéro de mon chien ou l’adresse du dresseur.
Mon oncle, voyant mon abattement, a fini par me dire que si Kamel Jendoubi ne répondait pas à cette lettre c’est qu’il ne valait rien… Aujourd’hui, un mois plus tard, il ne m’a jamais contacté ni par lettre ni par téléphone ni par e-mail…
La veille de mon départ, j’ai décidé de revenir au siège de l’Instance pour retenter ma chance. La secrétaire avait changé mais le discours était le même, «on vous répondra, inchallah, juré craché sur la tête de ma mère» et, bien sûr, avec le sourire. Par hasard, un jeune est venu dans le bureau de la secrétaire, je lui ai expliqué la situation; il m’a alors dit d’attendre et qu’il allait trouver un membre de l’Instance pour que je puisse le voir. J’ai alors repris espoir me disant que finalement le pays a peut être véritablement changé. Au bout d’une bonne demi-heure, j’ai vu arriver une dame; elle s’est présentée comme un membre de l’Isie et m’a très gentiment invité à la suivre dans un bureau pour que je lui explique ce que je suis venu présenter à la commission.
Entêtement à vouloir utiliser les cartes d’identité
J’ai alors commencé par lui expliquer ma démarche, et nos compétences dans le domaine de l’organisation des élections. Elle insistait pour savoir si nous pouvions par notre système éviter à la population de s’enregistrer au préalable, je lui ai alors répondu que le problème n’est pas technologique puisque la reconnaissance se fait automatiquement en moins d’une seconde mais que le problème est d’ordre logistique et que nous avions nous-mêmes abandonné cette solution en interne. Je lui ai alors expliqué ce que nous avions fait dans un autre pays, et que malgré des conditions plus difficiles qu’en Tunisie, nous avions montré l’apport de la biométrie dans un tel contexte. Elle avait alors insisté sur le fait que l’utilisation de la carte d’identité nationale était obligatoire chez nous, ce dont, à vrai dire, je ne comprenais pas trop l’utilité. Quand je lui ai dit que, de par le niveau de sécurité de nos cartes et celui de corruption dans nos administrations du temps de Ben Ali, il est probable que plusieurs dizaines de milliers de fausse cartes circuleraient aujourd’hui en Tunisie, elle a fini par me dire que nous ne sommes pas en Afrique (subsaharienne, j’imagine) et que les fausses cartes ou les fausses identités étaient marginales. J’allais lui dire que, selon plusieurs rapports en France, aux Etats-Unis et en Nouvelle Zélande, des dizaines de milliers de faux passeports et fausses cartes d’identité sont émis tous les ans, mais j’ai trouvé que la discussion partait de trop loin pour qu’elle aboutisse quelque part. On a fini par se promettre de se recontacter. Elle m’a raccompagné, demandant au vigile de me donner le numéro de la secrétaire de monsieur Jendoubi (numéro qu’il ignorait)… J’ai fini par l’obtenir, me rendant compte, au premier essai quelques jours plus tard, que c’était un faux numéro (celui d’un cabinet d’architecture).
A vrai dire et sans aucune méchanceté à l’égard de tous ceux que j’ai rencontrés, j’avais l’impression, en repartant de Tunis, que s’il semble que, dans l’administration, la malhonnêteté a laissé sa place à l’honnêteté, le mépris à la gentillesse, l’incompétence, elle, perdure, et ce pratiquement à tous les niveaux.
Improbables élections biométriques en Tunisie
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Pourtant des solutions biométriques existent capable de nettoyer les bases de votants en temps réel, nous permettant d’être sûrs qu’aucun mort ne votera et qu’aucune personne ne pourra s’enregistrer plusieurs fois (sans ou avec pièce d’identité, vraie ou fausse). Une valise d’identification biométrique complètement autonome dont le coût multiplié par 1.000 (nombre nécessaire pour la Tunisie) ne dépasserait pas le montant du transfert du nouvel attaquant de l’Espérance. Malheureusement la commission en a décidé autrement, la biométrie ne sera pas utilisée.
Ce qui sonna pour moi le glas de probables élections biométriques en Tunisie et sans doute, même si comme tout Tunisien j’espère le contraire, d’élections libres non entachées par des fraudes massives.
Maintenant que le coup d’envoi de cette élection est lancé dans le chaos un peu partout dans le monde, j’espère que cette Instance et le gouvernement qui l’a nommée assumeront toutes les responsabilités en cas d’échec parce qu’ils ne pourront pas affirmer aux Tunisiens que personne n’avait offert son aide et qu’ils ne pouvaient pas faire autrement.
* Chercheur en biométrie, spécialisé dans la reconnaissance des personnes par l’iris de l’œil.
D’honnêtes incompétents organisent les élections tunisiennes
Emine Krichen* écrit - Petit récit pour dénoncer le manque de compétence avec laquelle les premières élections libre en Tunisie sont mises en place et organisées en ce moment.
J’ai longtemps hésité à écrire ces lignes pour éviter de mettre de l’huile sur le feu, ou, comme on dit, de tirer sur une ambulance. C’est en regardant la tête d’un ex-Rcd, le parti au pouvoir, avec ses sourcils du diable, annonçant, sans bouger ces mêmes sourcils, que les restes du défunt (?) Rcd feront au moins 30% lors des futures élections, et en remarquant le chaos de la première journée d’inscription sur les listes électorales que j’ai décidé de franchir le pas.
Je suis un chercheur en biométrie, spécialiste en reconnaissance de l’iris, travaillant dans un groupe de sécurité de défense et d’aéronautique. La filiale dans laquelle je suis est le leader mondial dans le domaine de l’identification biométrique et l’organisation d’élections.
Après deux mois de correspondance sans succès avec le président du groupe, j’avais enfin obtenu une réponse positive le 11 mai pour lancer une étude de prospection et de proposition pour les élections tunisiennes.
Les Tunisiens pas prêts pour la technologie électorale
Ceci est inédit dans le groupe qui n’étudie jamais un projet sans appel d’offre (que j’ai espéré durant tous ces mois sans succès) d’un potentiel client. Le commercial chargé de la zone Afrique du nord m’avait contacté pour m’expliquer la démarche me promettant d’aller le plus loin possible malgré les délais très serrés. J’ai réussi à intégrer le groupe d’étude afin de m’assurer que nous allions proposer à la Tunisie la meilleure offre en terme de délai, de technologie et de coût.
De mon côté, j’ai tout de suite tenté de rentrer en contact avec la récente commission pour l’organisation de l’élection… en vain. Les quelques contacts que j’ai eu, directs ou indirects, avec les membres du gouvernement et de l’administration public n’ont pas été très encourageants. Chacun fuyant ses responsabilités en se cachant derrière «je vais en parler au responsable informatique», «il vaut mieux se préparer pour les prochaines élections», «pouvons-nous installer ces capteurs biométriques juste dans quelques bureaux?». La phrase qui m’a fait le plus mal c’est celle-ci: «les Tunisiens ne sont pas prêts pour la technologie», tant elle ressemblait au funeste «les Tunisiens ne sont pas prêts pour la démocratie» utilisée souvent par Ben Ali et son système.
J’ai alors décidé d’y aller moi même, me disant que si ce pays avait réellement changé alors un parfait inconnu pouvait obtenir un rendez-vous sérieux avec la commission électorale s’il représente un leader mondial dans le domaine… Mon oncle avait préparé le terrain; il avait obtenu l’adresse et une liste de personnes à contacter.
L’impossible rendez-vous avec M. Jendoubi
Malheureusement, je devais déchanter dès le premier jour. Au bout de 10 minutes de discussion avec la secrétaire du président de la commission, elle finit par me dire de laisser ma carte ou mes contacts afin que M. Jendoubi puisse me recontacter. Malgré les sourires et toute l’amabilité dont une personne peut faire preuve, le ton de la discussion ne m’avait pas plu. Je suis alors rentré chez mon oncle pour écrire une lettre à l’attention du président de l’Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie). Je lui ai expliqué en détail toute la démarche que j’ai eue au sein du groupe et le priant de me contacter le plus tôt possible, me tenant entièrement à sa disposition pendant mon séjour à Tunis, ne lui épargnant que le numéro de mon chien ou l’adresse du dresseur.
Mon oncle, voyant mon abattement, a fini par me dire que si Kamel Jendoubi ne répondait pas à cette lettre c’est qu’il ne valait rien… Aujourd’hui, un mois plus tard, il ne m’a jamais contacté ni par lettre ni par téléphone ni par e-mail…
La veille de mon départ, j’ai décidé de revenir au siège de l’Instance pour retenter ma chance. La secrétaire avait changé mais le discours était le même, «on vous répondra, inchallah, juré craché sur la tête de ma mère» et, bien sûr, avec le sourire. Par hasard, un jeune est venu dans le bureau de la secrétaire, je lui ai expliqué la situation; il m’a alors dit d’attendre et qu’il allait trouver un membre de l’Instance pour que je puisse le voir. J’ai alors repris espoir me disant que finalement le pays a peut être véritablement changé. Au bout d’une bonne demi-heure, j’ai vu arriver une dame; elle s’est présentée comme un membre de l’Isie et m’a très gentiment invité à la suivre dans un bureau pour que je lui explique ce que je suis venu présenter à la commission.
Entêtement à vouloir utiliser les cartes d’identité
J’ai alors commencé par lui expliquer ma démarche, et nos compétences dans le domaine de l’organisation des élections. Elle insistait pour savoir si nous pouvions par notre système éviter à la population de s’enregistrer au préalable, je lui ai alors répondu que le problème n’est pas technologique puisque la reconnaissance se fait automatiquement en moins d’une seconde mais que le problème est d’ordre logistique et que nous avions nous-mêmes abandonné cette solution en interne. Je lui ai alors expliqué ce que nous avions fait en Côte d’Ivoire qui est notre expérience la plus récente en terme d’organisation d’élection, et que malgré des conditions plus difficiles qu’en Tunisie (entre autre puisque le dictateur était encore sur place), nous avions montré l’apport de la biométrie dans un tel contexte. Elle avait alors insisté sur le fait que l’utilisation de la carte d’identité nationale était obligatoire chez nous, ce dont, à vrai dire, je ne comprenais pas trop l’utilité. Quand je lui ai dit que, de par le niveau de sécurité de nos cartes et celui de corruption dans nos administrations du temps de Ben Ali, il est probable que plusieurs dizaines de milliers de fausse cartes circuleraient aujourd’hui en Tunisie, elle a fini par me dire que nous ne sommes pas en Afrique (subsaharienne, j’imagine) et que les fausses cartes ou les fausses identités étaient marginales. J’allais lui dire que, selon plusieurs rapports en France, aux Etats unis et en Nouvelle Zélande, des dizaines de milliers de faux passeports et fausses cartes d’identité sont émis tous les ans, mais j’ai trouvé que la discussion partait de trop loin pour qu’elle aboutisse quelque part. On a fini par se promettre de se recontacter. Elle m’a raccompagné, demandant au vigile de me donner le numéro de la secrétaire de monsieur Jendoubi (numéro qu’il ignorait)… J’ai fini par l’obtenir, me rendant compte, au premier essai quelques jours plus tard, que c’était un faux numéro (celui d’un cabinet d’architecture).
A vrai dire et sans aucune méchanceté à l’égard de tous ceux que j’ai rencontrés, j’avais l’impression, en repartant de Tunis, que s’il semble que, dans l’administration, la malhonnêteté a laissé sa place à l’honnêteté, le mépris à la gentillesse, l’incompétence, elle, perdure, et ce pratiquement à tous les niveaux.
Improbables élections biométriques en Tunisie
De retour à Paris, j’ai fait part à l’équipe de prospection de l’impératif de l’utilisation de la carte d’identité nationale. Nous avons fini par converger en interne vers un produit de support capable de nettoyer les bases de votants en temps réel, nous permettant d’être sûrs qu’aucun mort ne votera et qu’aucune personne ne pourra s’enregistrer plusieurs fois (sans ou avec pièce d’identité, vraie ou fausse). Une valise d’identification biométrique complètement autonome dont le coût multiplié par 1.000 (nombre nécessaire pour la Tunisie) ne dépasserait pas le montant du transfert du nouvel attaquant de l’Espérance. Après avoir fini par avoir le bon numéro du fameux secrétariat, notre commercial a réussi à obtenir un rendez-vous avec l’Instance. A l’heure où j’écris ce texte, j’ignore ce qui s’est réellement dit lors de cet entretien, j’attends toujours le rapport du commercial. J’ai juste reçu ce message de sa part : «En fait, ils vont utiliser, à ce stade, les cartes d’identité et donc pas de biométrie. L’opération démarrera le 11 juillet. Le problème c’est la base des résidents à l’étranger qu’il faut recenser afin de la défalquer de la base nationale. Car les résidents sont aussi obligatoirement enregistrés aussi en Tunisie».
Ce message sonna pour moi le glas de probables élections biométriques en Tunisie et sans doute, même si comme tout Tunisien j’espère le contraire, d’élections libres non entachées par des fraudes massives.
Maintenant que le coup d’envoi de cette élection est lancé dans le chaos un peu partout dans le monde, j’espère que cette Instance et le gouvernement qui l’a nommée assumeront toutes les responsabilités en cas d’échec parce qu’ils ne pourront pas affirmer aux Tunisiens que personne n’avait offert son aide et qu’ils ne pouvaient pas faire autrement.
* Chercheur en biométrie, spécialisé dans la reconnaissance des personnes par l’iris de l’œil. Il travaille actuellement à Morpho, filiale du groupe Safran (ex-Sagem).