Ali Ben Mabrouk écrit – Beaucoup disent qu’Ennhadha, le parti islamiste tunisien, a changé. On pourrait donner crédit à cette affirmation, en attendant les preuves de ce changement.


Une phrase répétée plusieurs fois par M. Ghannouchi pour expliquer les raisons ayant poussé son parti à se retirer de la Haute commission pour la réalisation des objectifs de la révolution, montre que ce dernier n’évolue pas mais stagne dans ses idées et ses agissements. Est-il condamné à rester figé dans le passé?

La recherche désespérée du consensus
M. Ghannouchi justifie le retrait de son mouvement de l’Instance Ben Achour par l’attitude triomphaliste de certains de ses membres qui ont visiblement leurs propres objectifs et intérêts personnels à sauvegarder. Une attitude que le mouvement ne peut pas tolérer car son adhésion à cette Instance lui a été imposée par son souci de servir le peuple tunisien et non les intérêts de quiconque.
Dès le début, les relations d’Ennahdha avec les dirigeants de cette instance provisoire étaient tendues car celle-ci se comportait comme une assemblée législative alors qu’elle n’a pas été élue par le peuple. Elle n’a donc aucune autorité juridique pour parler au nom du peuple.
Quant à Me Nourredine Bhiri, l’un des représentants du mouvement au sein de l’Instance, il affirme que le mouvement Ennahdha, en acceptant d’en faire partie, a consenti, d’après ses dires, d’énormes sacrifices. L’Instance devrait agir pour le bien du pays. Elle a une démarche à suivre, celle de chercher le consensus, or ce qui s’est passé réellement est loin de satisfaire les attentes du mouvement islamiste. L’Instance se hâte toujours de recourir au vote pour couper court aux diverses discussions qui peuvent s’éterniser. M. Bhiri oublie de mentionner que le résultat du vote, dans la plupart des cas, n’est pas en faveur de son mouvement qui voit, à chaque fois, ses propositions rejetées. Et c’est normal, il y est faiblement représenté.

Aller le plus vite possible aux élections
Il est clair que le mouvement Ennahdha n’a pas trouvé sa place, ou la position qui lui convient, dans cette Instance. Et encore moins un rôle qui lui permet d’être à l’avant-garde des débats sur les sujets qui le préoccupent, notamment celui relatif aux préparatifs des prochaines élections. La loi sur la liberté de la presse, le code électoral et le financement des partis sont du ressort du prochain gouvernement. Inutile de les discuter à présent, ils risquent de retarder davantage la date des élections pour la constituante.
Ce qui importe le plus pour Ennahdha, on l’a compris, c’est d’aller le plus vite possible aux élections. Car il a hâte d’arriver au pouvoir; et il ne peut pas se permettre de nouveaux retards ou reports. Il est devenu difficile de retenir la fureur de la foule, qui a causé la ruine du premier et du second gouvernement provisoire, et qui peut mettre fin aussi au troisième ou même à celui d’après. Une foule qui est contre la violence mais qui ne peut tolérer qu’on touche aux vraies valeurs de l’islam. Il n’est pas question de laisser de soi-disant artistes athées venir ternir l’image de l’islam par des slogans provocateurs comme ‘‘Ni Allah ni maitre’’.
Dans ses conférences de presse, Ennahdha cherche à donner l’image d’un mouvement ouvert où la femme occupe une place prépondérante. Férida Laabidi, toute voilée, prenait souvent place à la tribune, même si elle se contentait d’être là, ne soufflant pas le moindre mot. A Ennahdha, la femme n’aura-t-elle jamais qu’un rôle de figurante utile?
Le mouvement cherche aussi à donner l’image d’un parti démocratique, M. Ghannouchi donnant souvent la parole à ses conseillers, qui s’expriment sur tel ou tel sujet. Leurs interventions en disent long sur les prochaines mutations que va connaître le mouvement Ennahdha. L’on peut se demander, d’ailleurs, si M. Ghannouchi commence à perdre du terrain ou si ce sont ses conseillers qui sont en train d’en gagner au sein des instances.
Il convient de rappeler à ce propos que le dirigeant historique du mouvement avait déclaré, en foulant le sol tunisien, il y a quelques mois, après un exil de vingt ans à Londres, qu’il rentre pour se consacrer à la méditation et à la foi et qu’il a hâte de voir une nouvelle direction, plus jeune, prendre en main la direction du parti. Où est donc cette nouvelle direction?